La députation rurale en terre des Jbala.
D'après un voyage dans le pré-Rif, dans la région de Ouezzane, sur les flancs d'une montagne où se niche le douar de Teroual.
Le long trajet menant à ce village est à lui seul évocateur d'une bien étrange réalité.
Le visiteur-voyageur traverse les riches et grandes plaines du Gharb avant de s'engager, entre routes sinueuses et pistes caillouteuses, vers la région de Ouezzane. C'est déjà le pré-Rif, porteur de toutes les différences et spécificités de ses habitants, avec ses douars dans les montagnes, ses femmes et petites filles condamnées à la corvée de l'eau, ses hommes qui ont longtemps cultivé le tabac et planté l'olivier et son artisanat fait de céramique du Rif et ses laines réputées préserver du grand froid. Ici, ce sont les terres des Jbala : une région pauvre mais riche de son histoire lorsqu'il a fallu résister contre l'occupant.
Ici, les élections sont une grande occasion de retrouvailles, où les douars sont sillonnés alors que des réunions improvisées se tiennent sous les tentes, plantées dans les souks. On vote pour l'individu, le fils de l'une des trois tribus de la région : Mezgalda, Seta et Beni Messara.
Le protectorat français est arrivé au Maroc en 1912. Il n'a pu occuper notre région qu'en 1929, après de rudes batailles », se souvient fièrement un vieil habitant.
Visiblement, rien ne semble lier les plaines du Gharb et les massifs des Jbalas. « Pourtant on est ensemble dans le nouveau découpage électoral malgré toutes nos différences de coutumes, de modes de vie, de traditions : le Gharb avec ses riches propriétaires terriens et la région de Ouezzane et ses paysans qui ont des petits lopins de terre.
Les bizarreries vont peupler le voyage. Au fil des pérégrinations, le visiteur apprend que la région n'a pas de préfecture et dépend administrativement de Sidi Kacem, située à 120 kilomètres de Ouezzane. L'incompréhension atteint alors des sommets lorsqu'on nous révèle que la région n'est pas intégrée dans les projets de développement de l'agence du Nord. Au loin dans la nuit, depuis le village de Teroual, on voit briller les lumières de la périphérie de Chaouen qui, elle par contre, bénéficie des programmes de l'Agence adu nord.
Dans la vigueur des hivers froids et la canicule de l'été, les habitants de cette région ont développé avec le temps une réserve toute particulière. Ici, on ne se plaint jamais, comme si la devise toute british « never explain, never complain » était aussi celle des Jbalas. Les femmes sont soumises à un dur labeur, entre la corvée de l'eau, du bois et les moissons. Et les hommes à la culture de l'olivier, au pâturage des chèvres et à l'agriculture que l'on dit traditionnelle avec des moyens de travail de la terre réduits à leur plus simple expression. Ici, les tracteurs sont une denrée rare, un véritable luxe, qu'on n'aperçoit que lorsqu'on traverse les plaines du Gharb. « Depuis deux ans, le kif a fait son apparition alors qu'on ne l'avait jamais vu dans cette région. Des mauvaises habitudes qui nous sont venues de Chaouen et de Taounate. Certains ont trop vite succombé au gain facile. Alors que le tabac est vendu à 13 dirhams le kilo, le kif lui peut arriver à 70 dirhams le kilo », se plaint un habitant du douar de Tarfanya, situé à quelques kilomètres de Teroual.
Quand les habitants de ces douars perdus dans le pré-Rif se laissent aller à la confidence, ils évoquent avec beaucoup de pudeur et de douleur aussi « la marginalisation d'une région délaissée ». Sous un soleil de plomb, Fatima attend son tour devant la fontaine. Son mulet est chargé de bidons, récipiendiaires de cette précieuse et trop rare eau. Ce rituel est le sien tous les jours et elle y consacre la moitié de la journée. A la nuit tombée, il faudra encore qu'elle parcoure une dizaine de kilomètres pour rejoindre sa chaumière. Avec ses mots à elle, elle dit que « l'eau est au cœur d'une vie souvent difficile ».
Une fête qui symbolise la culture de solidarité ancrée dans ces douars de la région de Ouezzane.
Les habitants se sont regroupés dans le centre du douar, ont fait venir un groupe de « ghita Jablia » et dansé et chanté jusqu'à la prière du Sobh. Les femmes d'un côté, les hommes de l'autre. Le baroud a tonné jusqu'au petit matin et six chèvres ont été égorgées pour l'occasion. « Dans cette région, c'est un peu l'exode dans le sens inverse. Les fils de la région partis travailler dans les grandes villes reviennent, une fois à la retraite. Beaucoup construisent des maisons destinées à leurs vieux jours Et en été, tous ceux qui ont quitté la région, se donnent rendez-vous ici. Hommes et femmes restent très attachés à ces terres qui les ont vus grandir.
Les clameurs de la fête voilent, le temps d'une soirée fugace, le quotidien des jeunes des douars de la région. Le chômage d'une jeunesse souvent diplômée est arrivé jusqu'ici. « Il n'y a rien à faire » est devenu le leitmotiv de ces jeunes ruraux. Alors ils pensent à partir, traverser les frontières au péril de leurs vies. Les « harraga » des douars voisins deviennent les héros modernes de ces grappes de « hittistes » qui tiennent le mur, dès que le soleil se couche et que la fraîcheur s'installe… Parfois, leur regard s'arrête sur cette coopérative d'huile condamnée à la fermeture à cause des dettes cumulées et aujourd'hui tombée en ruines. Leurs aînés s'en souviendront toujours : « la makina »-c'est ainsi qu'on nommait la coopérative- a aidé bien des foyers.
Les moins résignés se sont inventés un job en organisant le transport entre les 23 communes rurales de la région. On appelle cela le transport clandestin et le début de désenclavement y a trouvé argument.
Ici, les élections sont une grande occasion de retrouvailles, où les douars sont sillonnés alors que des réunions improvisées se tiennent sous les tentes, plantées dans les souks. On vote pour l'individu, le fils de l'une des trois tribus de la région : Mezgalda, Seta et Beni Messara. Le nouveau mode de scrutin est un mystère complet pour ces Jbalas qui ont pris pour habitude de donner leurs voix à l'enfant de la « kbila ». « Je tremble déjà en pensant que je dois mettre une croix sur une case.
En tout cas c'est ce que mon fils m'a expliqué. J'ai tellement peur de me tromper. Où faut-il que je fasse la croix, moi qui ne sais ni lire ni écrire ? En plus il n'y aura même pas les photos des candidats. Comment vais-je reconnaître celui pour qui je vais voter ? » se demande avec inquiétude Fatima. Mais sait-elle seulement que dans cette région où 4 sièges sont à pourvoir une vingtaine de listes sera en lice ?
Du haut d'une montagne, on aperçoit une immense étendue d'eau.
Presque une mer pour peu que l'on cède à l'illusion d'optique. C'est le barrage Al Wahda, avec une capacité de 4 milliards m3. A ses pieds, des vergers ont poussé. Des barques le traversent d'un bout à l'autre, le temps de vendre ses légumes. Et, à en croire un habitant, « on peut même y pêcher ».
Le barrage aurait pu contribuer au règlement du problème de l'eau potable dans la région .
Mais tel n'était pas l'objectif de l'ouvrage. Dans les terres des Jbalas, on ne se plaint jamais.
« Notre pays est libre depuis que nous avons chassé l'occupant et arraché l'Indépendance. Nous sommes libres et c'est ce qui compte», dit un vieil homme en djellaba.
Ici, les élections sont une grande occasion de retrouvailles, où les douars sont sillonnés alors que des réunions improvisées se tiennent sous les tentes, plantées dans les souks. On vote pour l'individu, le fils de l'une des trois tribus de la région : Mezgalda, Seta et Beni Messara.
Le protectorat français est arrivé au Maroc en 1912. Il n'a pu occuper notre région qu'en 1929, après de rudes batailles », se souvient fièrement un vieil habitant.
Visiblement, rien ne semble lier les plaines du Gharb et les massifs des Jbalas. « Pourtant on est ensemble dans le nouveau découpage électoral malgré toutes nos différences de coutumes, de modes de vie, de traditions : le Gharb avec ses riches propriétaires terriens et la région de Ouezzane et ses paysans qui ont des petits lopins de terre.
Les bizarreries vont peupler le voyage. Au fil des pérégrinations, le visiteur apprend que la région n'a pas de préfecture et dépend administrativement de Sidi Kacem, située à 120 kilomètres de Ouezzane. L'incompréhension atteint alors des sommets lorsqu'on nous révèle que la région n'est pas intégrée dans les projets de développement de l'agence du Nord. Au loin dans la nuit, depuis le village de Teroual, on voit briller les lumières de la périphérie de Chaouen qui, elle par contre, bénéficie des programmes de l'Agence adu nord.
Dans la vigueur des hivers froids et la canicule de l'été, les habitants de cette région ont développé avec le temps une réserve toute particulière. Ici, on ne se plaint jamais, comme si la devise toute british « never explain, never complain » était aussi celle des Jbalas. Les femmes sont soumises à un dur labeur, entre la corvée de l'eau, du bois et les moissons. Et les hommes à la culture de l'olivier, au pâturage des chèvres et à l'agriculture que l'on dit traditionnelle avec des moyens de travail de la terre réduits à leur plus simple expression. Ici, les tracteurs sont une denrée rare, un véritable luxe, qu'on n'aperçoit que lorsqu'on traverse les plaines du Gharb. « Depuis deux ans, le kif a fait son apparition alors qu'on ne l'avait jamais vu dans cette région. Des mauvaises habitudes qui nous sont venues de Chaouen et de Taounate. Certains ont trop vite succombé au gain facile. Alors que le tabac est vendu à 13 dirhams le kilo, le kif lui peut arriver à 70 dirhams le kilo », se plaint un habitant du douar de Tarfanya, situé à quelques kilomètres de Teroual.
Quand les habitants de ces douars perdus dans le pré-Rif se laissent aller à la confidence, ils évoquent avec beaucoup de pudeur et de douleur aussi « la marginalisation d'une région délaissée ». Sous un soleil de plomb, Fatima attend son tour devant la fontaine. Son mulet est chargé de bidons, récipiendiaires de cette précieuse et trop rare eau. Ce rituel est le sien tous les jours et elle y consacre la moitié de la journée. A la nuit tombée, il faudra encore qu'elle parcoure une dizaine de kilomètres pour rejoindre sa chaumière. Avec ses mots à elle, elle dit que « l'eau est au cœur d'une vie souvent difficile ».
Une fête qui symbolise la culture de solidarité ancrée dans ces douars de la région de Ouezzane.
Les habitants se sont regroupés dans le centre du douar, ont fait venir un groupe de « ghita Jablia » et dansé et chanté jusqu'à la prière du Sobh. Les femmes d'un côté, les hommes de l'autre. Le baroud a tonné jusqu'au petit matin et six chèvres ont été égorgées pour l'occasion. « Dans cette région, c'est un peu l'exode dans le sens inverse. Les fils de la région partis travailler dans les grandes villes reviennent, une fois à la retraite. Beaucoup construisent des maisons destinées à leurs vieux jours Et en été, tous ceux qui ont quitté la région, se donnent rendez-vous ici. Hommes et femmes restent très attachés à ces terres qui les ont vus grandir.
Les clameurs de la fête voilent, le temps d'une soirée fugace, le quotidien des jeunes des douars de la région. Le chômage d'une jeunesse souvent diplômée est arrivé jusqu'ici. « Il n'y a rien à faire » est devenu le leitmotiv de ces jeunes ruraux. Alors ils pensent à partir, traverser les frontières au péril de leurs vies. Les « harraga » des douars voisins deviennent les héros modernes de ces grappes de « hittistes » qui tiennent le mur, dès que le soleil se couche et que la fraîcheur s'installe… Parfois, leur regard s'arrête sur cette coopérative d'huile condamnée à la fermeture à cause des dettes cumulées et aujourd'hui tombée en ruines. Leurs aînés s'en souviendront toujours : « la makina »-c'est ainsi qu'on nommait la coopérative- a aidé bien des foyers.
Les moins résignés se sont inventés un job en organisant le transport entre les 23 communes rurales de la région. On appelle cela le transport clandestin et le début de désenclavement y a trouvé argument.
Ici, les élections sont une grande occasion de retrouvailles, où les douars sont sillonnés alors que des réunions improvisées se tiennent sous les tentes, plantées dans les souks. On vote pour l'individu, le fils de l'une des trois tribus de la région : Mezgalda, Seta et Beni Messara. Le nouveau mode de scrutin est un mystère complet pour ces Jbalas qui ont pris pour habitude de donner leurs voix à l'enfant de la « kbila ». « Je tremble déjà en pensant que je dois mettre une croix sur une case.
En tout cas c'est ce que mon fils m'a expliqué. J'ai tellement peur de me tromper. Où faut-il que je fasse la croix, moi qui ne sais ni lire ni écrire ? En plus il n'y aura même pas les photos des candidats. Comment vais-je reconnaître celui pour qui je vais voter ? » se demande avec inquiétude Fatima. Mais sait-elle seulement que dans cette région où 4 sièges sont à pourvoir une vingtaine de listes sera en lice ?
Du haut d'une montagne, on aperçoit une immense étendue d'eau.
Presque une mer pour peu que l'on cède à l'illusion d'optique. C'est le barrage Al Wahda, avec une capacité de 4 milliards m3. A ses pieds, des vergers ont poussé. Des barques le traversent d'un bout à l'autre, le temps de vendre ses légumes. Et, à en croire un habitant, « on peut même y pêcher ».
Le barrage aurait pu contribuer au règlement du problème de l'eau potable dans la région .
Mais tel n'était pas l'objectif de l'ouvrage. Dans les terres des Jbalas, on ne se plaint jamais.
« Notre pays est libre depuis que nous avons chassé l'occupant et arraché l'Indépendance. Nous sommes libres et c'est ce qui compte», dit un vieil homme en djellaba.
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