Ivy Mike fut le nom de code de la première bombe H testée avec succès. Sa puissance était de 10,4 Mt. Elle a explosé sur l'atoll d'Eniwetok le 1er novembre 1952 à 7h15. Elle était le premier test complet d'une « bombe à fusion étagée » selon le design de Teller-Ulam. À cause de ses dimensions, de sa masse (60 tonnes) et du matériel fusionnant (deutérium liquide, à environ -250°C), cette bombe n'était pas utilisable en tant qu'arme nucléaire. Cette explosion a prouvé que la bombe H est bien plus puissante que la bombe A, en l'occurrence de 500 à 1000 fois plus puissante que les bombes Little Boy et Fat Man. La puissance de l'explosion a dépassé tous les calculs des scientifiques, réalisés à l'époque le plus souvent à la main ou sur des calculateurs ENIAC au prix d'approximations importantes des modèles physiques. Irradiés des débris de coraux sont tombé sur des navires stationnés à 30 miles (48 km) de l'explosion, et la région autour de l'atoll fut fortement contaminé .
La bombe A, aussi appelée bombe à fission nucléaire, est la première à avoir été inventée, par les Américains pendant la deuxième Guerre mondiale. Son combustible de base est constitué de gros noyaux d'atomes lourds et instables, de l'uranium 235 ou du plutonium 239. Lorsqu'ils sont en quantité suffisante, la fission de l'un de ces atomes va provoquer la fission d'autres atomes, qui provoqueront eux-mêmes la fission d'autres atomes, déclenchant une réaction en chaîne extrêment violente. Cette explosion nucléaire dégage des quantités énormes d'énergie en un temps très court. Ce sont des bombes de ce type qui ont été lâchés par les Américains sur Hiroshima (Little Boy) et Nagasaki (Fat Man), en août 1945, faisant 200.000 morts environ.
Attaque nucléaire Hiroshima
Attaque nucléaire contre Nagasaki
La bombe H est une évolution des précédentes bombes à fission. L'allumage de l'explosion est d'ailleurs dans ce cas provoqué par une «classique» bombe A. La réaction de fission initiale va cette fois-ci servir à atteindre des températures et des pressions énormes capables de déclencher la fusion de petits noyaux d'atomes (des isotopes de l'hydrogène - deutérium ou tritium), une réaction nucléaire encore plus violente que la fission. Elles sont aussi appélées armes thermonucléaires. Pour les armes thermonucléaires actuelles, imaginées par le physicien américain Edward Teller, ce sont des rayons X très énergétiques émis par la réaction de fission qui sont concentrés pour comprimer très fortement le combustible que l'on cherche à faire fusionner.
L'utilisation de la fusion d'éléments légers permet de développer des puissances bien plus grandes tout en conservant un encombrement relativement réduit. C'est pour cette raison que toutes les armes nucléaires modernes, qu'elles soient embarquées sur des missiles intercontinentaux ou lancées par avion, sont de type thermonucléaire.
Un développement complexe
Cette différence de processus physique, la fusion provoquée par la fission, rend néanmoins ces armes beaucoup plus complexes, et donc beaucoup plus difficiles à mettre au point. Pour illustrer ce saut de complexité, il faut rappeler que le projet Manhattan a été lancé en 1942 par Franklin D. Roosevelt, et que le premier essai d'une bombe A eut lieu moins de trois ans après, le 16 juillet 1945, avec le test Trinity dans le désert du Nouveau-Mexique. Le premier essai d'une bombe H fut réalisé par les Américains plus de 7 ans plus tard, le 1er novembre 1952. Mais en 7 ans, le saut en puissance fut colossal: le test Trinity de 1945 avait une puissance équivalente à 20 kilotonnes de TNT, alors qu'Ivy Mike en 1952 avait produit une puissance comparable à 10,4 mégatonnes de TNT, soit un gain d'un facteur 500.
Seuls cinq pays ont à ce jour démontré sans équivoque qu'ils étaient capables de faire exploser une bombe H: les Etats-Unis, l'URSS (maintenant la Russie), la Grande-Bretagne, la Chine et la France. L'essai par l'Inde d'une bombe thermonucléaire en 1998 n'a apparemment pas été concluant, avec une puissance de moins de 60 kilotonnes. En janvier 2016, avec une puissance estimée de moins de 10 kilotonnes, l'essai Nord-Coréen était très loin des puissances atteintes par les plus petites bombes H existantes, ce qui faisait peser de gros doutes sur les annonces de Pyongyang. Aujourd'hui, la déflagration du test a été ressentie jusqu'en Chine et la secousse a été mesurée à 6,3. La Corée du Sud a indiqué que cette explosion était 5 à 6 fois plus puissante que le dernier essai similaire.
Photo du régime nord-coréen dans la nuit
du samedi 2 au dimanche 3 septembre 2017