Après la mort du dictateur Franco, l'Espagne veut céder sa souveraineté sur le Sahara occidental, territoire qu'elle a colonisé en 1884. Le Maroc de Hassan II choisit alors d'employer les grands moyens pour récupérer ce qu'il estime lui appartenir : ce sera la Marche verte. Revivez cette épopée à travers un texte publié le 2 novembre 2003 par Jeune Afrique.
Le 6 novembre 1975 à l’aube, un cortège de 350 000 Marocains s’ébranle dans le désert pour une marche qui durera plusieurs jours. « Cela correspond au nombre de naissances annuelles au Maroc, a expliqué le roi Hassan II. J’ai pensé qu’il m’était permis d’engager la moisson solennelle que Dieu nous donne pour ramener à la Patrie une terre que nous n’avons jamais oubliée. »
Le souverain chérifien entend libérer le Sahara occidental de la présence espagnole, comme l’avait promis son père au lendemain de l’indépendance du Maroc. Le 26 septembre, il a informé les gouverneurs de son projet lors d’une réunion à huis clos. Près de 700 fonctionnaires sont ensuite mis dans le secret pour suivre une formation spéciale accélérée. Ils apprennent la raison de cet entraînement clandestin le 16 octobre à 18 h 30 lors du discours de Hassan II qui révèle au monde entier son plan pour la libération du Sahara occidental.
Quelques heures plus tôt, la Cour de justice de La Haye s’est prononcée sur les arguments présentés par Rabat. Le tribunal international confirme l’existence de liens unissant certaines tribus sahraouies au royaume marocain avant la conquête espagnole de 1884, mais affirme que le droit à l’autodétermination doit prévaloir. Couvrant la voix des juges, des centaines de véhicules roulent déjà pour acheminer vers les provinces du Sud les tonnes de matériel et de vivres nécessaires à l’opération.
Trains, avions et navires participent au ballet logistique. Le 23 octobre, le premier convoi de marcheurs prend position à Tarfaya. Le 6 novembre au petit matin, la Marche verte, ou opération Fath est lancée : les 350 000 soldats de cette armée pacifique s’élancent dans le désert embarqués à bord de milliers de cars et de camions pour une démonstration qui durera jusqu’au milieu du mois. Des portraits du monarque marocain, qui a volontairement placé la Marche sous les couleurs de l’islam, et des milliers de corans sont brandis par la marée humaine qui croise en chemin les premières garnisons espagnoles évacuant la place.