Une sculpture représentant les trois anciens dirigeants vient d'être inaugurée dans la ville où s'est tenue la conférence historique il y a 70 ans, quelques mois avant la fin de la guerre. La célébration revêt un aspect particulier en plein conflit ukrainien.
Churchill, Roosevelt et Staline sont de retour à Yalta. Un monument reproduisant la célèbre photo de la rencontre organisée dans la ville russe en février 1945, entre les trois dirigeants britannique, américain et russe de l'époque, a été inauguré jeudi pour le 70e anniversaire de cette conférence ayant réuni les futurs vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale.
Dévoilé au son de l'hymne russe, le monument en bronze pèse dix tonnes, mesure environ six mètres de long et est haut de plus de trois mètres. Il a été inauguré près du palais de Livadia, à Yalta, où s'était déroulé l'événement du 4 au 11 février 1945. Pendant cette conférence, le dirigeant soviétique Joseph Staline, le président américain Franklin Roosevelt et le premier ministre britannique Winston Churchill décidèrent du sort de l'Europe et de ses zones d'influence pour les 50 ans à venir. À noter que dans ce monument, la statue de Staline fait 3,30 mètres de haut et dépasse de dix centimètres celles de Roosevelt et de Churchill, même si les tailles des dirigeants américain et britannique étaient en réalité supérieures à celle de Staline.
Le monument, créé il y a dix ans par le sculpteur russe Zourab Tsereteli, devait être installé en 2005 en Crimée, sur les bords de la mer Noire, à l'occasion des 60 ans de la Conférence. Mais les autorités locales y avaient renoncé à la suite de nombreuses protestations, notamment de la population tatare. Tous les Tatars de Crimée ont été déportés en 1944 par Staline, sous l'accusation d'avoir collaboré avec les nazis. Ils n'ont été autorisés à revenir en Crimée qu'après la Perestroïka et sont devenus citoyens ukrainiens après l'indépendance de l'Ukraine, en 1991. Leur communauté compte aujourd'hui 300.000 habitants, soit 12% de la population de la péninsule annexée en mars 2014 par la Russie.
Contexte de «retour de Guerre froide»
Cette commémoration revêt un aspect particulier au moment où les relations entre la Russie et l'Occident sont au plus bas, en raison du conflit armé opposant les forces de Kiev aux rebelles prorusses dans l'est de l'Ukraine. Le secrétaire d'État américain John Kerry s'est rendu le même jour à Kiev afin de parler d'éventuelles livraisons d'armes américaines à l'Ukraine. Le président français François Hollande, également arrivé en Ukraine avec la chancelière allemande Angela Merkel avant un voyage à Moscou vendredi, s'est clairement positionné contre cette option.
Le président de la Douma, la chambre basse du Parlement russe, n'a pas hésité à faire référence à ces tensions diplomatiques lors de l'inauguration du monument. Pendant la conférence de Yalta, «les dirigeants des grandes puissances ont manifesté leur volonté de dialoguer et leur habileté à mener un dialogue», a affirmé Sergueï Narychkine. «Est-ce que les dirigeants politiques au XXIe siècle ont aussi besoin d'attendre une catastrophe mondiale pour se souvenir de la valeur des négociations et des possibilités offertes par la diplomatie?», a-t-il lancé, dans une allusion à la crise ukrainienne.
À la Conférence de Yalta, symbole de la fin imminente de la Seconde Guerre mondiale, avait succédé la Guerre froide, période d'affrontement entre les blocs de l'Ouest et de l'Est. Le 29 janvier, l'ancien dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev n'a pas hésité à faire référence à cette période historique. Selon lui, l'Europe est confrontée à «une nouvelle Guerre froide». «On n'entend que parler de sanctions de l'Amérique et de l'Union européenne contre la Russie. Ont-ils perdu la tête?», a interrogé le dernier dirigeant de l'ex-URSS, qui avait déjà tenu des propos du même ordre en novembre. Lors de sa conférence de presse, jeudi matin, François Hollande a au contraire insisté sur la nécessité d'une solution diplomatique en Ukraine, afin d'éviter un retour «à des périodes bien anciennes, enfin pas si anciennes que cela».