Elle a tous les atouts d’une ville propre, du moins sur le papier. Des pistes cyclables, un réseau de transports en commun particulièrement bien développé, des espaces verts… Mais dans les faits, la « ville parfaite » n’est pas si agréable à vivre.
Le défi a été relevé haut la main. À Songdo, une ville sud-coréenne située à plus d’une soixantaine de kilomètres à l’ouest de Séoul, presque aucune voiture ne circule. C’était l’idée de départ : bâtir une ville propre afin de limiter la pollution et la consommation d’énergie. À l’endroit où il n’y avait qu’un terrain vague, un polder gagné sur la mer Jaune, se dressent aujourd’hui des immeubles de verre et d’acier et d’autres buildings encore en chantier.
Lancée en 2003, la construction de Songdo est le résultat d’un partenariat public/privé avec des compagnies coréenne (le constructeur Posco) et américaines (le promoteur Gale et la banque Morgan Stanley), soutenues par la municipalité de la province de Incheon. L’objectif était de créer un centre d’affaires en Asie du Nord-Est, pour attirer des investissements du monde entier et offrir une qualité de vie inégalée, servant de modèle à exporter.
Au total, l’aménagement de Songdo a coûté 35 milliards de dollars (soit 30 milliards d’euros). À terme, la ville devrait accueillir 265 000 personnes. Pour le moment, presque dix ans après son ouverture officielle, le nombre d’habitants tourne autour de 100 000. Surtout des Sud-Coréens, car les loyers sont moitié moins chers que dans certains quartiers de Séoul.
Big brother vert ?
En théorie, cette « smart-city » a de quoi séduire : un réseau de transport pensé pour qu’aucun appartement ou bureau ne soit à plus de 15 minutes à pieds d’un arrêt de bus ou d’une station de métro, 145 km de piste cyclable sécurisée, dont 25 km qui parcourent le quartier d’affaires, 40 % de la superficie de la ville constituée d’espaces verts, des buildings peu gourmands en énergie, certifiés LEED, couverts de toits végétaux et de panneaux solaires, des taxis fluviaux, un métro qui ne rejette pas de CO2.
Même le service de ramassage des ordures est ultra moderne : comme les rues sont piétonnes, plus de camions-bennes, mais des tubes pneumatiques qui aspirent les déchets ménagers qui arrivent par le biais de souterrains dans une grande plateforme de tri sélectif où ils sont revalorisés. Tous ces aménagements devaient permettre à la ville d’émettre 30 % de gaz à effet de serre en moins, par rapport à une ville de la même taille.
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Lorsque Songdo était en construction.
Pourtant, sur place, la réalité semble différente. L’électricité qui sert à faire fonctionner la ville provient, comme pour les autres villes sud-coréennes, de centrales à charbon. Une habitante de la ville que les « bâtiments sont tout en transparence et [qu’] il est impossible d’ouvrir les fenêtres. L’été et l’hiver, la clim’fonctionne à fond ».
Autre ombre au tableau : les caméras. La ville en compte 500 qui surveillent la circulation et les comportements suspects. Les immenses parkings souterrains placés à des endroits stratégiques de la ville sont équipés de lecteurs qui scannent les plaques minéralogiques des voitures pour, apparemment, réguler le trafic et éviter les embouteillages. Les habitations sont aussi truffées de capteurs qui indiquent en temps réel la consommation du logement en eau et en énergie, qui alertent si des déchets se trouvent dans les mauvaises poubelles. Bientôt, les appartements seront équipés pour bénéficier de la télémédecine.
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En plus des dizaines de capteurs qui truffent
les immeubles, 500 caméras quadrillent la ville.
Une « ville perturbante », selon les
reporters qui sont allés sur place
Finalement, ceux qui se promènent dans la ville cherchent un peu « son âme », rapportent les journalistes qui y sont allés en reportage. Ce n’est pas une ville fantôme, mais on ne croise pas grand monde. Ceux qui comptent déjà plusieurs séjours dans la ville intelligente voient quelques améliorations – des commerces, un peu plus de piétons dans les rues – mais persistent : C’est une ville perturbante.