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L ’ excision dans le monde

Qu'appelle t-on excision ?
L’excision, aussi appelée Mutilations sexuelles féminines (MSF) ou Mutilations génitales féminines (MGF), recouvre toutes les interventions incluant l’ablation partielle ou totale des organes sexuels externes de la femme ou autre lésion des organes sexuels féminins.

Quels sont les risques liés aux mutilations sexuelles féminines ?
Parmi les risques auxquels sont exposées les filles et les femmes victimes d’excision, il est possible de citer :


  • Des douleurs intenses : la vulve, les lèvres et le clitoris sont des parties du corps très innervées. Couper des tissus sensibles des organes génitaux cause des douleurs extrêmes, d’autant que les mutilations sexuelles féminines sont rarement pratiquées sous anesthésie. Par ailleurs, la cicatrisation peut se révéler douloureuse dans des contextes où le suivi des soins reste précaire. Tout au long de leur vie, les femmes peuvent continuer à ressentir des douleurs en raison de l’emprisonnement ou de l’absence de protection des terminaisons nerveuses.
  • Des saignements voire une hémorragie. Des saignements se produisent de façon immédiate. Dans certains cas, il s’agit même de véritables hémorragies, pouvant alors entrainer la mort.
  • Des infections : les conditions d’hygiène précaires (par exemple le fait d’utiliser le même instrument pour exciser plusieurs filles) peuvent être à l’origine d’infections. Par la suite, les mutilations sexuelles féminines peuvent entraîner de multiples infections vulvaires, urinaires ou gynécologiques, qui peuvent mener à la stérilité. La diffusion des infections sont susceptibles d’entraîner des septicémies qui, sans traitement adéquat, peuvent être mortelles.
  • La mort peut être causée au moment de l’acte par des hémorragies ou des infections, y compris le tétanos et le choc.
  • Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) : l’utilisation d’un même instrument non stérilisé pour l’excision de plusieurs filles est susceptible d’accroître le risque de transmission du VIH. Par ailleurs, l’augmentation du risque des saignements au cours des rapports sexuels, qui est fréquent lorsque la désinfibulation est nécessaire, peut accroître le risque de transmission du VIH.
  • Problèmes urinaires et menstruels : la fermeture quasi complète du vagin et de l’urètre peuvent empêcher l’urine et les menstruations de s’écouler normalement.
  • Les conséquences sur la vie sexuelle : les femmes ayant subi une mutilation sexuelle peuvent connaître des douleurs ou un plaisir sexuel diminué au cours des rapports sexuels, par exemple en raison des dommages liés à l’ablation de tissus sensibles tel que le gland du clitoris, de cicatrices résultant de leur excision ou encore de souvenirs traumatisants liés à l’intervention.
  • Les complications obstétricales : les femmes ayant subi une mutilation sexuelle féminine sont plus exposées à des complications telles que des saignements excessifs, des déchirures du périnée et ont souvent recours à des épisiotomies. Un travail prolongé ou un accouchement difficile peuvent être à l’origine de fistules obstétricales, qui deviennent alors des conséquences secondaires des complications liées aux mutilations sexuelles féminines.
  • Les répercussions sur le nouveau-né : les résultats d’une étude menée par l’Organisation mondiale de la Santé sur 28 000 femmes dans différents pays, prouvent que les mutilations sexuelles des mères ont des conséquences négatives sur les nouveau-nés : les taux de décès périnatal chez les nouveau-nés sont plus élevés pour les enfants des femmes ayant subi une mutilation sexuelle que pour les enfants des femmes n’ayant pas subi de mutilation (supérieur de 15 % pour les enfants dont les mères ont subi une mutilation de type I, de 32 % lorsque les mères ont subi une mutilation de type II, et de 55 % lorsqu’il s’agit d’une mutilation sexuelle de type III) 
  • Les conséquences psychologiques : beaucoup de femmes décrivent les mutilations sexuelles féminines comme un traumatisme, en raison de la douleur extrême ressentie au moment de l’acte, du choc et de la force utilisée pour les empêcher de bouger. La douleur et/ou l’hémorragie peuvent entraîner un choc au moment de la mutilation. Des études ont également montré que les femmes 
Pourquoi l’excision est-elle pratiquée ?
Aucune raison liée à « la culture, la coutume, la religion, la tradition ou le prétendu “honneur”» (Convention d’Istanbul) ne saurait justifier les mutilations sexuelles féminines.

Dans les sociétés où elles sont pratiquées, les Mutilations Sexuelles Féminines (MSF) sont le reflet d’une inégalité entre les sexes et traduisent le contrôle exercé par la société sur les femmes. Le maintien de la pratique est sous-tendu par un ensemble de croyances culturelles, religieuses et sociales. Les raisons invoquées par les groupes qui perpétuent l’excision peuvent varier selon la région, l’ethnie ou la communauté et peuvent se cumuler.

De façon transversale, il est important de comprendre que l’excision constitue une norme sociale :dans la plupart des communautés, l’excision persiste en raison d’un sentiment d’obligation sociale très fort. Par conséquent, même lorsqu’elles sont conscientes des répercussions sur la santé physique et psychologique de leurs filles, les familles préfèrent perpétuer la pratique pour ne pas subir jugement moraux et sanctions sociales (comme par exemple l’impossibilité pour une fille de se marier ;  dans les sociétés où l’on choisit son partenaire à l’intérieur du groupe (non seulement social — homogamie — mais aussi géographique, professionnel, religieux).

L’Unicef, qui travaille de longue date à la compréhension des dynamiques qui sous-tendent la perpétuation et l’abandon de l’excision, explique ainsi dans une étude de 2010 : « Dans les communautés où elle est pratiquée, l’E/MGF n’est considérée ni comme dangereuse, ni comme une violation des droits humains. Elle constitue une étape nécessaire dans la bonne éducation d’une fille, une façon de la protéger et, dans de nombreux cas, de lui permettre de se marier. Les parents font exciser leurs filles afin de leur garantir le meilleur futur possible. L’honneur familial et les attentes sociales jouent un grand rôle dans la perpétuation de l’E/MGF, ce qui permet difficilement aux familles individuelles ainsi qu’aux femmes et aux filles en tant qu’individus de renoncer à la pratique. Même lorsque les familles sont conscientes des conséquences néfastes de l’intervention, elles perpétuent la pratique car elles craignent les jugements moraux et les sanctions sociales au cas où elles ne se conformeraient pas aux attentes de la société. Le moteur principal qui entretient la pratique est souvent le désir de protéger les filles et de leur offrir le meilleur futur possible leur assurant sécurité économique et acceptation sociale ».

Les justifications suivantes sont notamment invoquées par les groupes qui pratiquent l’excision :

  • Le contrôle de la sexualité des femmes et le maintien de la domination masculine : L’excision – en prévenant le désir sexuel, empêcherait les expériences sexuelles prénuptiales et ensuite les relations adultérines – garantissant ainsi l’honneur de la famille et du mari.

  • Les croyances liées à la religion : bien qu’aucun texte religieux ne prescrive la pratique – qui a d’ailleurs précédé l’apparition des grandes religions monothéistes – certains utilisent leurs croyances pour justifier l’excision. La pratique se retrouve aussi bien dans  des populations  musulmanes, chrétiennes ou  animistes.

  • D’autres croyances, les mythes : certaines communautés pensent que l’excision favorise la fécondité des femmes ; qu’elle permet d’assurer une meilleure hygiène, de rendre les femmes plus attrayantes ou même de leur ôter les parties qu’ils considèrent comme masculines ou dangereuses telle que le gland du clitoris.

  • Le maintien d’une identité et d’une tradition culturelle : pour certaines communautés, pratiquer l’excision permet de perpétuer une tradition et de protéger une identité culturelle. L’excision est par exemple parfois associée à des rites de passage à l’âge adulte. Pratiquer l’excision pour préserver son identité culturelle, en particulier au contact de groupes qui ne pratiquent pas, peut jouer un rôle important, par exemple dans un contexte migratoire. Certaines familles peuvent parfois perpétuer la pratique en migration pour s’assurer de transmettre valeurs et identité culturelle.

Qui pratique l’excision ?


La personne qui pratique l’excision n’est pas toujours la même selon les contextes. En Afrique de l’ouest francophone, l’excision est généralement pratiquée par des femmes âgées dont le savoir a été transmis par leur mère et qui disposent d’un statut particulier dans leur communauté, ou encore par des accoucheuses traditionnelles. 
Dans certains pays, les mutilations sexuelles féminines tendent à se médicaliser, c’est-à-dire qu’elles sont pratiquées par des professionnels de santé. En Egypte, par exemple, en 2015 75% des excisions sont pratiquées par des professionnels de la santé, contre 24% en 1995.
La médicalisation de la pratique de l’excision ne constitue pas une solution et présente le risque de lui donner un caractère officiel.

En France, le Conseil de l’Ordre des médecins interrogé à ce sujet n’a pu que rappeler la teneur du code de déontologie : « Aucune intervention mutilante ne peut être pratiquée sans motif médical très sérieux…

A quel âge pratique-t-on l’excision ?

Dans l’immense majorité des cas, les filles sont excisées avant l’âge de 15 ans. Dans la moitié des 29 pays qui pratiquent l’excision, la majorité des filles subissent les mutilations sexuelles féminines avant l’âge de 5 ans.


En Égypte, en République centrafricaine, en Somalie et au Tchad, au moins 80 % des filles sont excisées entre 5 et 14 ans, parfois dans le cadre de rites marquant le passage à l’âge adulte.
Cette moyenne cache cependant des disparités puisque l’âge peut varier d’une ethnie à l’autre ou d’une génération à l’autre.

D’où vient l’excision ?
Les origines de la pratique ne sont pas claires mais celle-ci serait apparue avant le Christianisme et l’Islam. Certaines recherches lui trouvent une origine en Nubie, dans la Corne de l’Afrique, dans les régions qui correspondent aujourd’hui à l’Egypte et au Soudan. Des momies égyptiennes présenteraient en effet des marques attestant de la pratique.


Certains chercheurs en sciences sociales pensent que l’excision était pratiquée sur les femmes dans la société pharaonique par les classes sociales les plus élevées. Par phénomène d’imitation sociale, la pratique s’est progressivement répandue dans l’ensemble de la société, les classes sociales moins élevées ayant commencé à exciser leurs filles pour pouvoir les marier aux hommes de rang supérieur.
La pratique se serait ensuite répandue vers l’ouest de l’Afrique et dans l’est, au Yémen. Les différents groupes ethniques se sont appropriés l’excision et l’ont intégrée dans leurs propres traditions, c’est pourquoi une multitude de justifications peuvent aujourd’hui être invoquées par les groupes qui perpétuent la pratique.
En Europe de l’Ouest et aux Etats-Unis, l’excision a été pratiquée jusque dans les années 50 pour traiter des « maladies » telles que l’hystérie, l’épilepsie, les troubles mentaux, la masturbation, la nymphomanie, la mélancolie ou encore l’homosexualité. Aujourd’hui il s’agit d’une pratique liée aux mouvements migratoires.
Où l’excision est-elle pratiquée ?
L’excision serait pratiquée dans 29 pays d’Afrique et du Moyen–Orient et, dans une moindre mesure, dans certaines communautés en Asie (Malaisie, Indonésie, Irak, Inde, Pakistan), en Amérique du Sud (Colombie, Pérou) ainsi que parmi les communautés de la diaspora dans les pays où elle n’est pas traditionnellement pratiquée (Europe, Etats-Unis, Canada et Australie).

Combien de filles et de femmes sont concernées ?
Au moins 200 millions de femmes ont subi une forme de mutilation sexuelle dans le monde. En Afrique 1 femme sur 3 en a été victime.


Le 5 février 2016, à la veille de la journée internationale de tolérance zéro aux mutilations sexuelles féminines, l’UNICEF a établi un nouveau bilan chiffré du nombre de femmes et de filles ayant subi une mutilation sexuelle. Elles seraient 200 millions, dont près de la moitié vivent en Egypte, en Ethiopie et en Indonésie. Dans le dernier recensement de 2014, ce chiffre était de 140 millions.
Dans le monde, on estime que 3 millions de filles, pour la majorité de moins de 15 ans, risquent d’être soumises à la pratique chaque année.
En France, en 2004, on estimait à 53 000 environ le nombre de femmes adultes excisées résidant sur le territoire.
Pour en savoir plus sur les données concernant la pratique en France, voir l’enquête qualitative et quantitative menée par l’INED et Paris 1 Panthéon-Sorbonne entre 2007 et 2009, « Excision et Handicap ».
Dans sa résolution de mars 2009, le Parlement européen estime que 500 000 filles et femmes excisées vivraient dans l’Union Européenne. L’Organisation mondiale de la santé estime que 180 000 filles vivant dans l’UE risqueraient chaque année d’être excisées.


Pourquoi l’excision est-elle une violation des droits humains ?
Les mutilations sexuelles féminines, quel qu’en soit le type, sont internationalement reconnues comme une pratique néfaste et une triple violation des droits humains des filles et des femmes, en tant qu’être humain, femme et fille.

Elles vont notamment à l’encontre des droits suivants :
  • Droit à l’intégrité physique et mentale ;
  • Droit universel à la santé ;
  • Droit de ne pas subir de discrimination fondée sur le sexe ;
  • Droits de l’enfant (droit à atteindre tout son potentiel, droit à ce que son opinion soit pris en compte ect.);
  • Droit de ne pas subir de traitements cruels, inhumains et dégradants ;
  • Droit à la vie (lorsque la pratique entraîne la mort).
Ces droits sont protégés par un ensemble d’instruments juridiques internationaux et régionaux de protection des droits humains, ainsi que par des textes adoptés par consensus.

Comment parvenir à l’abandon de l’excision ?
Comment mettre un terme à une pratique millénaire qui concerne plus d’une trentaine de pays dans le monde et des milliers de communautés aux traditions différentes ? L’expérience acquise au cours des dernières décennies de mobilisation a permis de comprendre l’importance de mener des actions de long terme, holistiques (globales) et le plus inclusives possible (associant un grand nombre d’intervenants).

Dans les pays d’origine

Les expériences de terrain et les recherches en sciences sociales ont amené à définir les principaux éléments à intégrer dans des stratégies coordonnées. Ces éléments sont repris dans la Déclaration Interinstitutions publiée en 2008 sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé (page 15). Il est ainsi expliqué que les interventions doivent être :

  • Multisectorielles : il est important que la promotion de l’abandon de l’excision fasse l’objet d’une action concertée et exercée à différents niveaux, de l’échelon local à l’échelon mondial.

  • Durables : le changement de comportements nécessite une action de long terme. Celle-ci est la garantie d’obtenir des résultats pérennes.

  • Dirigées par la communauté : les communautés qui pratiquent l’excision doivent être actrices de son abandon. Les programmes doivent donc les aider à identifier elles-mêmes les problèmes et les solutions. Les interventions qui sont parvenues à mettre un terme aux mutilations sexuelles féminines étaient basées sur le dialogue autour des droits humains et l’égalité des sexes. Par ailleurs, elles évitaient les jugements de valeur et encourageaient des choix collectifs.

Les actions menées pour promouvoir l’abandon des mutilations sexuelles féminines doivent être adaptées aux contextes locaux et aux sensibilités culturelles. Il est néanmoins possible de dégager des pratiques qui semblent décisives dans les processus d’abandon au niveau communautaire et la dans création d’un contexte favorable au niveau national.

Au niveau communautaire

L’éducation et l’information : des clés pour la prise de conscience

Pour accompagner les communautés vers l’abandon de l’excision, les programmes qui incluent des activités d’éducation et favorisent l’autonomisation, en particulier des femmes, ont montré leur efficacité. Sans qu’elles ne se sentent jugées ni contraintes, les communautés sont encouragées à débattre, examiner et remettre en perspective les valeurs et croyances associées aux mutilations sexuelles féminines. Dans ce cadre, l’acquisition de nouvelles connaissances relatives aux droits humains, à la santé en général, à la santé sexuelle et reproductive et à la religion est essentielle pour que les communautés identifient elles-mêmes les solutions pour mettre fin à l’excision.

Il est important que la démarche soit inclusive et associe femmes et hommes, filles et garçons. Les jeunes peuvent par exemple être sensibilisés dans le cadre d’activités menées en partenariat avec les établissements scolaires. Toutes les formes d’éducation peuvent cependant être employées, et le dialogue intergénérationnel doit être encouragé.

Le dialogue public pour parvenir à une décision collective

L’excision est une norme sociale, ce qui signifie que décider d’abandonner la pratique ne dépend pas uniquement de ses propres préférences individuelles mais aussi et surtout des attentes réciproques au sein de la communauté dans laquelle on vit. Les parents soumettent leurs filles à l’excision pour leur garantir un avenir dans la société et parce qu’ils pensent que c’est ce que l’on attend d’eux. Par conséquent, les programmes visant à mettre un terme aux mutilations sexuelles féminines doivent amener les communautés à décider collectivement d’abandonner la pratique, de façon à ce qu’aucune fille non excisée ne soit désavantagée, ni qu’elle, ou sa famille, se retrouve exclue. Les nouvelles connaissances acquises doivent donc être discutées au niveau familial, où sont prises les décisions de faire exciser les filles, de la communauté, en associant les leaders traditionnels et religieux et des communautés voisines.

La « diffusion organisée » : élargir la décision d’abandonner à tout son réseau social

L’abandon de l’excision à grande échelle n’est imaginable que s’il est décidé par une proportion suffisamment importante du groupe au sein duquel se nouent des mariages. L’abandon des mutilations sexuelles féminines commence normalement par un premier groupe d’individus qui initie une dynamique de changement, produisant un effet multplicateur. Ce groupe, prêt à abandonner la pratique, essayera donc de convaincre les autres de l’abandonner à leur tour. Les membres de cette masse critique font connaître aux autres leur intention d’abandonner la pratique – un processus qui se nomme « diffusion organisée » – jusqu’à ce qu’une portion suffisamment importante de la communauté où se nouent les mariages soit prête à abandonner les MSF.

Les cérémonies publiques d’abandon : montrer que la norme a changé

La décision d’abandon doit par ailleurs être explicite et publique, de façon à ce que les familles soient convaincues que la norme et les attentes qui y sont liées ont changé. Cet engagement public peut prendre la forme de déclarations écrites, affichées publiquement et signées par ceux qui ont décidé d’abandonner l’excision. Les communautés peuvent également se rassembler au cours de cérémonies festives, auxquelles participent celles et ceux qui ont participé aux programmes de sensibilisation et d’éducation, les chefs traditionnels et religieux, les autorités gouvernementales et locales, les médias et d’autres communautés n’ayant pas encore rejoint le mouvement d’abandon.

Dans les communautés où les mutilations sexuelles féminines accompagnent traditionnellement des rites de passage à l’âge adulte, des rituels de remplacement peuvent être trouvés. Ceux-ci permettent de renforcer les valeurs positives traditionnelles et peuvent être associés à une éducation aux droits humains ou sur la santé sexuelle et reproductive.

Certains programmes associent enfin des activités de sensibilisation communautaires à des activités destinées à trouver un nouveau rôle et de nouvelles sources de revenus pour les exciseuses. 

Au niveau national

L’évolution des comportements au niveau communautaire doit s’inscrire dans un contexte favorable à l’abandon des mutilations sexuelles féminines.

La réforme de la législation et des politiques

Des mesures juridiques sont importantes pour que la désapprobation du gouvernement vis-à-vis des mutilations sexuelles féminines soit explicite, pour soutenir ceux qui ont abandonné la pratique ou qui souhaitent le faire et pour jouer un rôle dissuasif. Les mutilations sexuelles féminines sont pénalement condamnées dans 24 de ces 29 pays où elles sont pratiquées.

Toutefois, se contenter d’imposer des sanctions fait courir le risque de voir la pratique devenir clandestine. Les mesures juridiques doivent être accompagnées de campagnes d’information et d’autres mesures visant à promouvoir un soutien accru de l’opinion en faveur de l’abandon de la pratique.

La mise en place des programmes et des services de santé pertinents

La prise en charge des mutilations sexuelles féminines doit faire partie de programmes permettant une maternité sans risque, un accompagnement psychosocial, la prévention et le traitement des infections sexuellement transmissibles, y compris le VIH/sida, la prise en charge des violences envers les femmes etc.

Le personnel soignant doit être formé au repérage et à la prise en charge des complications liées aux mutilations sexuelles féminines.

Afin d’éviter la médicalisation de l’excision, les normes en matière d’éthique médicale doivent énoncer clairement que la pratique des MSF constitue une violation des principes professionnels et des droits humains. Elles doivent également permettre de poursuivre et de retirer l’autorisation d’exercer aux professionnels de santé exerçant cette pratique.

Des programmes de sensibilisation par les médias

Les médias ont un rôle déterminant à jouer comme vecteurs d’informations concernant les mutilations sexuelles féminines et les évolutions sociales relatives à l’abandon au sein des communautés. Ils peuvent également constituer un espace d’échanges et de discussions sur les mutilations sexuelles féminines, et contribuer ainsi à la l’élaboration de consensus locaux, régionaux ou nationaux.

Dans les pays où l’excision n’est pas traditionnellement pratiquée (pays de migration.

Créer des ponts entre les pays d’origine et les communautés de diaspora

La pratique de l’excision est susceptible de concerner l’ensemble des membres d’une communauté, y compris ceux de la diaspora. Il est par conséquent impératif d’établir des liens au-delà des frontières nationales et de poursuivre les efforts menés dans les pays d’origine au sein des populations qui se sont installées dans de nouveaux pays.

Des approches coordonnées entre les pays d’origine et les pays de migration doivent pouvoir permettre de faire connaître aux communautés de diaspora les progrès réalisés dans l’abandon de l’excision au sein de leur communauté d’origine. Une dynamique positive peut ainsi se mettre en place, où les membres de la diaspora peuvent être influencés par les évolutions en cours dans leur communauté d’origine ou bien devenir eux-mêmes des moteurs de ce changement grâce à leur influence sociale et économique.

Agir sur les territoires nationaux

La France fait partie des pays pionniers au niveau européen dans la lutte contre l’excision. Les autorités françaises et les réseaux associatifs se sont saisis de la question dès le début des années 80. Le pays est en effet concerné puisque selon les estimations de l’INED datant de 2004, 53 000 femmes ayant subi une excision vivraient sur le territoire.

La législation a été renforcée au fil des années et elle est aujourd’hui en mesure de protéger les filles sur le sol français et à l’étranger d’une mutilation ou d’un risque de mutilation. Les associations et les autorités socio-sanitaires mènent également un travail de longue date en matière de prévention, qui porté ses fruits, notamment sur les filles de 0 à 6 ans.

Le territoire dispose par ailleurs d’un ensemble d’unités de soins pluridisciplinaires où les femmes excisées peuvent bénéficier d’un accompagnement adapté.

En novembre 2013, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a rendu un nouvel avis sur les mutilations sexuelles féminines. La CNCDH appelle ainsi à poursuivre les efforts menés en matière de prévention, de protection et de répression, avec l’appui de tous les secteurs concernés : la santé, la justice, l’éducation et le secteur social.

D’autres pays européens se sont emparés de la question, comme la Belgique, où un réseau d’acteurs a mis en place en 2008 une plateforme de concertation et de coordination des actions relatives aux mutilations sexuelles féminines.

Quels sont les acteurs clés dans l’abandon de l’excision ?


  • Les gouvernements ont l’obligation juridique de respecter, protéger et promouvoir les droits humains et peuvent être tenus pour responsables pour tout manquement à ces obligations. En conséquence, ils doivent prendre des mesures en matière législative, judiciaire, administrative, budgétaire, économique et autre, et faire en sorte que l’ensemble de la législation nationale soit compatible avec les instruments juridiques internationaux et régionaux qu’ils ont ratifiés.

  • Les parlementaires ont un rôle essentiel à jouer pour porter la question des mutilations sexuelles féminines sur la scène politique.

  • Les organisations professionnelles, telles que les associations médicales, de sages-femmes et d’infirmières, peuvent promouvoir les directives en matière d’éthique dans le cadre de la formation initiale et dans leurs pratiques professionnelles.

  • Les associations d’enseignants, de juristes, de travailleurs sociaux, peuvent également contribuer a l’élimination des mutilations sexuelles féminines en exerçant leur rôle de protection de l’enfance en danger, en défendant l’abandon des mutilations et en menant des actions de sensibilisations appropriées.

  • Les leaders, qu’ils soient religieux ou laïques, jouent un rôle majeur à la fois en fournissant des arguments contre la pratique et en créant une dynamique sociale propice au changement.

  • Le personnel soignant peut jouer un rôle pour empêcher les mutilations sexuelles féminines, informer les patients et les communautés des conséquences bénéfiques de leur abandon, et les soutenir dans cette démarche.

  • Les exciseuses traditionnelles sont également des parties prenantes à ne pas négliger puisque leur rôle devra changer. Si elles décident d’abandonner la pratique, elles peuvent avoir un poids décisif pour convaincre les autres de l’abandonner également.

  • Les hommes : bien que les mutilations sexuelles féminines aient traditionnellement été considérées par de nombreux hommes comme une « affaire de femmes », le rôle des hommes est important pour que les choses changent. Dans certains endroits, ils sont favorables à la pratique ; toutefois, les recherches ont montré qu’une partie des hommes est préoccupée par les effets néfastes des mutilations sexuelles féminines et préfèrerait épouser des femmes n’ayant pas subi l’intervention. Ce sont les hommes qui peuvent décider de ne plus considérer l’excision comme un critère dans le choix de leur future épouse.


  • Les organisations non gouvernementales (ONG) jouent un rôle essentiel en concevant et en mettant en œuvre des programmes pour l’abandon des mutilations sexuelles féminines.

  • Les organisations confessionnelles ou interconfessionnelles ont aussi joué un rôle significatif en utilisant les réseaux et structures existants pour délivrer des messages de sensibilisation au sein de la communauté.

  • Les Nations Unies jouent un rôle crucial en définissant des normes internationales et en encourageant et entreprenant des travaux de recherche, en collaboration avec les partenaires des milieux universitaires et du développement, de façon à garantir que les normes reposent sur des éléments de preuve solides. Les institutions des Nations Unies sont particulièrement bien placées pour promouvoir la coopération et la coordination entre l’ensemble des acteurs. Plusieurs organismes des Nations Unies ont pour tâche d’assurer le suivi de la mise en œuvre des engagements juridiques internationaux visant à protéger et promouvoir les droits humains pour tous sans discrimination d’aucune sorte. Il est ainsi possible de citer le programme conjoint du FNUAP et de l’UNICEF, qui ont associé leurs expertises pour accélérer le changement vers l’abandon des mutilations sexuelles féminines.

  • Les medias : Les medias et les formes traditionnelles de communication (musique, poésie, théâtre) sont de puissants outils du changement social. Ils peuvent transmettre une nouvelle vision selon laquelle les filles et les femmes peuvent conserver leurs valeurs traditionnelles sans être excisées et sont particulièrement importants lorsque la question des mutilations sexuelles féminines est considérée comme tabou. Ils peuvent offrir des forums de discussion et de débat, notamment des débats télévisés, des documentaires, des films et des programmes didactiques.

Cartographie mondiale des pratiques d’excision