Près de 500 000 immigrés caribéens sont arrivés au Royaume-Uni entre 1948 et 1971. Partis de Jamaïque, de Trinité-et-Tobago ou d'autres territoires du Commonwealth, ils bénéficiaient d'office de la nationalité britannique. Cinquante ans plus tard, certains sont menacés d'explusion. En cause, une absence de papiers prouvant leur droit à rester au Royaume-Uni.
L'histoire d'Albert Thompson a indigné l'opinion publique britannique ces derniers jours. Arrivé il y a 44 ans au Royaume-Uni, il a aujourd'hui 63 ans et un cancer de la prostate. Quand il s'est présenté au NHS pour être soigné (le service public de santé britannique), on lui a demandé £54 000. Sans cette somme, aucun traitement possible. Bien que citoyen britannique, il n'avait pas les papiers nécessaires pour prouver son identité.
Il est devenu le symbole de la "génération Windrush"
En juin 1948, le navire Windrush Empire entrait dans le port de Tillbury, au sud-est de l'Angleterre. A son bord, 492 hommes femmes et enfants venus contribuer à l'effort d'après-guerre. Citoyens de pays membres du Commonwealth, ils avaient d'office droit à la nationalité britannique.
Au débarcadère, les adultes se sont vu remettre des cartes de débarquement - la plupart des enfants voyageait sur les passeports de leurs parents. Pendant cinq décennies, les enfants et petits-enfants de la génération Windrush ont habité, travaillé, cotisé et voté au Royaume-Uni.
En 2010, le Home Office a décidé de détruire les cartes de débarquement de la "génération Windrush" pour protéger les données des immigrés. Ces cartes attestant de la date d'arrivée des immigrés ne les auraient pas aidés à faire valoir leur droit à rester sur le territoire, selon le Home Office.
Deux ans plus tard, Theresa May, alors ministre de l'intérieur, démarre une campagne agressive pour contrôler l'immigration. En créant ce qu'elle appelle un "environnement hostile" aux immigrants, la loi exige des propriétaires de logements, des institutions de santé et des banques de réclamer aux usagers la preuve qu'ils sont bien Britanniques. Chose difficile à faire dans un pays où la carte d'identité n'existe pas et les seules preuves de présence légale sur le territoire de la génération Windrush ont été détruites par l'Etat lui-même.
Aujourd'hui, 50 000 citoyens britanniques, pour certains présents au Royaume-Uni depuis un demi-siècle, se voient contraints de prouver leur nationalité pour accéder aux services publics. Situation kafkaïenne pour ces immigrés-citoyens, "honte nationale" selon le député David Lammy, qui a dénoncé la politique migratoire de celle qui est devenue première ministre.
Theresa May a présenté ses excuses aux chefs d'Etats caribéens et assuré que ceux de la génération de Windrush ne seraient pas expulsés.