Le 4 avril 1968, le pasteur Martin Luther King est abattu d’une balle devant sa chambre de motel à Memphis aux Etats-Unis. Les Américains et le monde entier découvre avec stupéfaction ce crime odieux, perpétré contre un des ardents défenseurs de la lutte contre la discrimination raciale. Au-delà du meurtre gratuit, c’est un des bastions de la lutte pacifiste contre la ségrégation qu’on a fait taire. Un homme sera arrêté, jugé et condamné, mais était-il vraiment coupable ? Ou s’agissait-il juste d’un bouc émissaire appartenant à une opération orchestrée par une puissante instance gouvernementale ? De nombreuses et inquiétantes zones d’ombre planent sur cette affaire !
Les faits
Le 4 avril 1968 vers 18h00, le pasteur Martin Luther King s’écroule devant sa chambre de motel à Memphis, tué d’une balle de fusil en pleine mâchoire. Il était venu défendre la grève déclenchée par les éboueurs de la ville, à majorité noire. Le coup de feu semble venir d’un immeuble en face, et les policiers s’empressent d’aller faire une razzia en ordre. Mais le tueur a déjà pris la fuite à bord d’une Mustang blanche. Les forces de l’ordre mettent à jour un fusil soigneusement emballé, des sous-vêtements, un journal et une paire de jumelle. Quelques empreintes digitales sont également retrouvées sur l’arme et dans la pièce. Les policiers découvrent alors que l’arme a été achetée par une certain Harvey Lowmeyer dans une armurerie de Birmingham, et que la chambre a été louée par John Willard. Mais après quelques vérifications, il s’avère que Willard et Lowmeyer ne font qu’un. Il s’agit de James Earl Ray, un évadé du pénitencier du Missouri. Une coopération américano-anglo-canadienne permettra d’arrêter le fugitif un mois plus tard à Londres.
Le procès du meurtrier de Martin Luther King débute le 10 mars 1969. Sur les conseils de son avocat, James Earl Ray plaide coupable et évite ainsi la chaise électrique. Etonnement, il refuse un procès public. Il est condamné à 99 ans de prison. Mais au-delà de ce jugement, le fait qu’il plaide coupable jette un voile sur le mobile et sur les détails de l’assassinat, qui ne seront bien évidemment pas débattus lors du procès. Comprenant trop tard qu’il s’est fait piéger, James Earl Ray reviendra sur ses déclarations trois jours plus tard. Martelant qu’il est innocent du crime, il veut la révision de son procès. Mais rien n’y fera, malgré sa pugnacité, il restera aux yeux de tous le tueur du pasteur. Et pourtant, le dernier fils de Martin Luther King croira en l’innocence de cet homme. D’ailleurs sur son lit de mort, James Earl Ray avouera encore et toujours qu’il n’est pas celui qui a pressé sur la détente.
Les émeutes
Naturellement la mort du leader noir a déclenché des émeutes sans précédents aux Etats-Unis. Rien qu’à Washington, on dénombre 700 incendies, 46 morts, 3000 blessés et 27'000 arrestations. Le pays est en proie aux saccages systématiques. Prêt de 150 villes sont aux abois. Les blancs se réfugient dans les banlieues pour échapper aux jeunes noirs armés et en colère. Le Maire de Détroit comparera même sa ville au Berlin de 1945. Prêt de 4700 soldats sont déployés pour mettre un terme à la vague de violence. Le rêve de King sombrait dans le cauchemar. La population vengeait sa mort d’une façon qu’il avait combattu toute sa vie.
Biographie
Né à Atlanta le 15 janvier 1929, Martin Luther King est issu d’une famille relativement aisée. A 19 ans, il devient pasteur baptiste, poursuivant ainsi la tradition familiale. En 1955 il obtient un doctorat à l’université de Boston. Il épouse Coretta Scott en 1953. C’est en 1955 qu’il commence sa carrière d’activiste pacifiste. Il est nommé président d’une association qui lutte contre la ségrégation raciale dans la ville de Montgomery dans l’état d’Alabama. Elle s’est créée suite à l’incarcération d’une noire qui avait refusé de céder sa place dans un bus pratiquant la discrimination. Le mouvement décide de boycotter tous les établissements qui exercent de telles pratiques. Et ils sont nombreux ! Le but avéré de King était d’attirer l’opinion et la presse sur ces pratiques. Et ça marche ! Si bien qu’il devient le leader de la cause noire. En 1956, la Cour fédérale condamne la ségrégation qu’elle qualifie d’inconstitutionnelle. King a gagné sa bataille et entraîne avec lui une foule énorme, à qui il prône de ne pas répondre à la violence par la violence. En 1963, il s’attaque à un des bastions de la ségrégation en Alabama. Il pousse l’oppresseur à commettre des actes de violence en plein jour et devant les caméras, afin d’amener le gouvernement à légiférer. King est arrêté, mais Kennedy vole à son secours. Le 28 août de cette même année, c’est la marche sur Washington, qui réunira près de 250'000 sympathisants. Devant le Lincoln Memorial, il prononce l’un de ses plus fameux discours : « I have a dream ». Mais cette même année, le plastiquage d’une église baptiste à Birmingham, dans laquelle 4 fillettes noires trouveront la mort, donnera naissance à une branche bien plus radicale du mouvement, à savoir : Le Black Power. Las des sermons de King, ces adeptes veulent répondre à la violence par la violence. La mort de JFK déprima également le pasteur, qui prophétisa en lançant cette phrase : « C’est certainement ce qui m’attend aussi. Cette société est malade ». En 1964 il signe avec le président Johnson une loi sur les droits civiques. Cette même année, il reçoit le Prix Nobel de la Paix. En 1965 il obtient le droit de vote pour les noirs et en 1966 il décide de s’attaquer au nord du pays. Malheureusement des trahisons internes et l’assassinat de Malcolm X (autre activiste plus radical) divisent ses adeptes. Il n’arrivera pas à ses fins. Déçu, il devient plus ferme dans ses positions et décrie ouvertement la guerre du Vietnam en 1967. Pourtant, grâce à ses mouvements, un juge noir est officiellement nommé à la Cour Suprême, ce qui est en soi une importante victoire pour les droits civiques de la communauté. Le jour avant sa mort, il prononcera son ultime discours devant 20'000 personnes. Discours poignant, mais teinté de prémonitions : « Je ne sais pas ce qu’il va arriver maintenant, mais ça m’est égal. Je suis arrivé au sommet d’une montagne… ». Le lendemain, il est tué d’une balle en pleine mâchoire qui lui sectionne la moelle épinière.
Pourquoi Ray plaide-t-il coupable alors ?
En fait, la raison est un peu complexe. Grosso modo, pour ne pas rentrer dans les détails, il s’est fait piéger par son avocat, croyant qu’il fallait plaider coupable à une tentative d’assassinat et non à une accusation d’assassinat. Car Ray avait bien expliqué à son défenseur qu’il n’était pas le tireur. Malheureusement, comme tout le monde voulait clore l’affaire au plus vite, il était indispensable de ne pas entrer dans un procès qui s’allongeait sur les détails de l’enquête, le mobile, etc. Les preuves paraissaient trop flagrantes pour s’enfoncer sur cette voie. En plaidant coupable, le meurtrier échappait à la peine de mort, le procès ne trainait pas en longueurs et les esprits se calmaient dans la rue.
Les zones d’ombres
Plusieurs zones d’ombres planent sur la culpabilité de James Earl Ray. En voici les plus importantes :
1. Le profil du tueur. Ray n’a jamais été un tueur. Il était connu des services de police pour des vols, des escroqueries et ses multiples évasions, mais absolument pas comme meurtrier. Quand à sa prétendue appartenance à des milieux racistes, elle reste peu établie.
2. La balistique n’a jamais pu prouver que la balle qui a mortellement atteint Luther King provient bien de l’arme de Ray. De plus, elle n’a pu établir que l’arme ait bien servi ce jour là.
3. De nombreux témoins ont aperçu de la fumée s’élever des bosquets au pied de l’immeuble, ce qui tend à prouver qu’une deuxième personne se trouvait bien à cet endroit. Comme par hasard, les bosquets ont été rasés pendant la nuit suivant l’assassinat, pour un soi-disant complément d’enquête… !
4. Le jour avant le décès du pasteur, un officier de la sécurité avait ordonné de déplacer la chambre de Martin Luther King du rez-de-chaussée au 1er étage. Cet officier demeura introuvable par la suite.
5. Etonnement les gardes du corps de la victime n’étaient qu’au nombre de deux ce fameux jour, alors qu’habituellement il se déplaçait toujours accompagné de 6 ou 8 gardes du corps.
6. Si Ray avait été le tueur, il n’aurait certainement pas pris le soin de remballer le fusil dans du papier journal avant de quitter les lieux. De plus, cela entre en contradiction avec les toutes les affaires retrouvées dans la chambre. Il aurait pris le temps d’emballer le fusil, mais pas de ramasser tous les indices qui auraient pu le confondre. Si vraiment il avait été un tueur, il aurait tout embarqué avec lui et n’aurait pas laissé des empreintes partout.
7. Enfin le témoignage d’un voisin de palier, qui le décrit comme plutôt petit, alors que Ray mesure près d’un mètre quatre-vingt. Après coup, on saura que ce témoin était un alcoolique, criblé de dettes de jeu, qui comme par hasard, avait eu son ardoise effacée peu de temps après.
Outre ces points significatifs, nous pourrions ajouter les huit demandes de révision de son procès qui n’ont jamais abouties et ses déclarations qui n’ont jamais varié d’un iota jusqu’à sa mort.
La version de Ray
James Earl Ray a déclaré qu’il avait été engagé par un certain Raoul et son frère Johnny à Toronto au Canada. Les deux hommes l’avait chargé d’effectuer un travail bien rémunéré de contrebande. Ceux-ci travaillant eux-mêmes pour une organisation, dont il n’a jamais su le nom. Il a toujours présumé qu’ils devaient appartenir à la mafia ou à une instance gouvernementale. Son rôle était d’acquérir une arme, de louer une chambre à Memphis et de remettre cette arme à une tierce personne. Il prétend également ne pas s’être trouvé dans le quartier au moment des incidents, mais en train de faire réparer une roue dans un garage. Lorsqu’il entendit le branle-bas de combat aux alentours de sa chambre, il prit la poudre d’escampette, pensant qu’il avait été manipulé. De plus étant en cavale, il avait tout intérêt à ne pas se monter. Il a indiqué que cela devait certainement Raoul le tireur, car il l’avait rencontré devant la porte d’entrée quelques temps auparavant.
Qui peut donc être derrière tout ça ?
Plusieurs possibilités ont été envisagées. La mafia, une organisation proche du Ku Klux Klan ou le FBI. La mafia reste envisageable. Car les revendications de King et son appui aux grévistes ont probablement dérangé. De plus sa position contre la guerre du Vietnam pouvait s’avéré dangereuse. Seulement, la mafia n’aurait certainement pas attendu si longtemps avant de supprimer Martin Luther King et ne se serait pas lancé dans une opération si compliquée. Enfin, Ray aurait certainement été assassiné en prison avant d’avoir pu révéler quoi que ce soit. Le Ku Klux Klan peut tout aussi bien être responsable. On sait que des personnalités hautement placées étaient membres de cette organisation. Cependant ce n’est pas trop la marque de fabrique de cette société. Le Ku Klux Klan frappe, brûle, plastique et torture, mais ne tue que très rarement par balle. Enfin il y a le FBI, qui ont le sait, a harcelé Martin Luther King et tenté de le déstabiliser. Edgard Hoover était un opposant au pasteur, qu’il qualifiait de porte-parole du mouvement communiste. On a retrouvé une lettre de menace émanant du FBI. Son téléphone était constamment sur écoute. Hoover a tenté de faire tomber King en révélant à sa femme, ses nombreuses infidélités. On sait également que le FBI le suivait régulièrement. Tout ça n’indique pas que le bureau fédéral soit derrière son assassinat, mais cela tend à prouver qu’ils ont tout essayé pour le détruire.
Les théories les plus répandues
Sans rentrer pour autant dans la théorie du complot, il est fort probable qu’une instance gouvernementale soit à la base du meurtre de Martin Luther King. Le leader noir devenant trop gênant et ses discours trop radicaux. En s’attaquant de front à la guerre du Vietnam, il est probable que King ait signé son arrêt de mort. Quand à savoir s’il s’agit du FBI, de la CIA ou des Services secrets, c’est une autre histoire. On suppose que Raoul et Johnny étaient en fait des hommes à la solde de cette instance, dont le but était de dénicher un parfait bouc émissaire et de mettre en place un piège qui ne permette pas de remonter jusqu’à eux. Ray est le type idéal. Ancien tireur d’élite, repris de justice, vivant dans un état où la discrimination est habituelle et, qui plus est, en cavale. Le piège se referme inexorablement et Ray tombe dans le panneau. Seulement voilà, Raoul et Johnny n’avait pas prévu que Ray irait faire réparer une roue au moment de l’attaque. Donc, il faut qu’un des deux hommes se montrent à la fenêtre juste après le coup de feu pour faire diversion et ensuite quitter les lieux tranquillement. Maintenant il n’y a plus qu’à attendre que la police fasse le reste. De toute évidence, avec les empreintes, la location de la chambre et le fusil, personne ne pourra contester les preuves accablantes contre James Earl Ray. Comme celui-ci ne connait que les prénoms de ses mandataires, personne ne pourra jamais remonter jusqu’à eux.
Une autre théorie a émergé concernant un groupement d’extrême droite qui serait à l’origine de cet assassinat. Probablement une branche ultra du Ku Klux Klan. Les faits seraient partiellement similaires, sauf que le FBI aurait masqué la vérité, afin de ne pas créer de nouveaux troubles qui auraient pu s’avérer incontrôlables. Déjà que les années 70 avaient été ébranlées par l’affaire du Watergate !
Rien ne permet bien entendu de prouver de telles accusations si ce n’est les pratiques plutôt douteuses de renseignements et de déstabilisation du FBI, ainsi que les nombreuses pages de dossier enfermés sous clé pour 50 ans.
Epilogue
En 1977 une commission chargée d’enquêter sur l’affaire a statué que James Earl Ray n’avait certainement pas agi seul et qu’un groupe d’activistes proche du Ku Klux Klan était derrière ce meurtre. Elle ne réduisait pas pour autant la participation de Ray, qui restait à ses yeux l’homme qui avait pressé sur la détente. Le dossier sera classé dans les archives nationales et inconsultable jusqu’en 2029 !!! En 1991, une révision du procès effectuée par la télévision américaine était sans appel. A la grande majorité, Ray était non coupable. En 2000, une nouvelle enquête gouvernementale statue sur la culpabilité de Ray, indiquant qu’il a bien agi seul !!! Nouvelle contradiction ! Si bien que dans cette affaire, non seulement, les voiles n’ont pas été levés, mais en plus les commissions d’enquête ne sont pas d’accord entre elles… !
Peut-être saura-t-on enfin en 2029 la véritable histoire de l’assassinat de Martin Luther King. Cela dit, une chose est sure, on ne peut que tristement retenir le manque de clarté et de transparence qui plane sur ce meurtre et les probables manipulations qui ont pu s’effectuer en toute impunité.