En 1971, l'Iran fête le 2 500e anniversaire de la fondation de l'Empire perse. Pour l'occasion, le shah et sa femme Farah Diba convient le monde à Persépolis, dans le Sud-Ouest du pays, où le couple royal fait dresser un campement titanesque en plein milieu du désert. Trois jours de fêtes fastueuses dignes d'un conte des Mille et Une Nuits. Le maître mot ? La démesure.
À l'époque, l'empereur a besoin de redorer un blason terni par l'image de la répression menée par la dynastie Pahlavi, considérée comme « la marionnette américaine » par le reste du monde. Le 2 juin 1967, l'Allemagne organise des manifestations contre le shah d'Iran, alors en visite officielle à Berlin, et l'étudiant Benno Ohnesorg est tué par un policier. L'événement marque les prémices du Mai 68 allemand, et renforce l'impopularité de Mohammad Reza Pahlavi, relégué dans les esprits au même rang peu glorieux que celui de la guerre du Vietnam.
En octobre 1971, le monarque profite ainsi du 25e centenaire de la fondation de l'Empire perse - et accessoirement de l'anniversaire de sa femme Farah Pahlavi, née le 14 octobre 1938 - pour organiser ce qu'il espère être le « plus grand show du monde », diffusé en mondovision par satellite et auquel toutes les têtes couronnées et hommes politiques du moment se sont empressés de participer.
Environ 600 invités seront conviés aux fêtes de Persépolis, dont tous les plus puissants du monde de l'époque. Ont notamment fait le déplacement : le prince Juan Carlos et la princesse Sophie d'Espagne ; le prince Rainier et la princesse Grace de Monaco ; Philippe duc d'Édimbourg et la princesse Anne ; l'émir quatari Ahmad ben Ali Al Thani ; le prince Takahito et la princesse Yuriko ; le premier ministre français Jacques Chaban-Delmas ; le chancelier allemand Willy Brandt ; le vice-président américain Spiro Agnew ou encore le président du Soviét suprême Nikolaï Podgorny.
Le site archéologique a lui aussi subi quelques transformations avant le jour J. Pour agrémenter un désert bizarrement jugé bien nu, le pépiniériste français Truffaut a fait parvenir 50 000 bouquets de fleurs et gazonné quatre hectares de sable. Des tonnes de terre humide ont également été envoyées de Paris, à raison de deux avions-cargos par semaine pendant plus d’un an. Pour l'ambiance, plus de 50.000 oiseaux ont été réquisitionnés, faisant fi des 40 degrés avoisinants (les pauvres bêtes y ont en effet vécu leurs dernières heures).
Un site archéologique aménagé.
Pour loger ses invités de prestige, le shah a fait dresser 64 hectares de campement de luxe - 37 kilomètres de soie seront nécessaires - au pied des ruines du palais de Darius 1er. 50 bungalows, imaginés par des décorateurs d'intérieur et des couturiers français, sont montés selon la forme d'une étoile à 5 branches, une par continent, et disposent de tout le luxe rêvé : deux chambres à coucher ; deux salles de bains, ayant fait 600 heures de trajet en camion ; un bureau et une salle de séjour pour 12 personnes. Le petit plus ? Une tapisserie personnalisée par tente, à l'effigie de son locataire. « Un camping qui vaut des milliards », résumera assez bien le Schweizer Illustrierte.
Entre la tente « coiffure » et la tente « club », il fut ainsi possible de croiser le roi Frederik IX de Danemark fumant la pipe ou le roi Baudouin s'amusant à filmer sa femme Fabiola. Un bunker uniquement réservé à accueillir tous les plus beaux bijoux du monde a également été construit, étant donné que les femmes devaient changer de parure à chaque repas.
Un campement de luxe.
Le soir du 14 octobre a eu lieu le « festin du siècle », inscrit dans le Guinness Book des records comme « le plus long et somptueux banquet de l'histoire moderne ». Le dîner de gala de 600 personnes a évidemment supposé une organisation logistique périlleuse, les 60 monarques et chefs d’État se devant de siéger face au reste des invités. Une nappe en toile de lin de 70 mètres de long - exigeant 6 mois de travail - a ainsi été installée sur une table d'un seul tenant de forme serpentine. Dans les assiettes, plus de 18 tonnes de pitance préparée dans 150 tonnes de matériel, le tout principalement livré par avion de Paris. « Les préparatifs culinaires pour les festivités ont commencé dès l'été 1970 », se souvient Felix Real, l'un des nombreux organisateurs.
Pendant près de cinq heures et demi, les convives ont ainsi pu se délecter d'un menu auquel même Alain Ducasse ne trouverait rien à redire : des « œufs de caille farcis au caviar doré Imperial de la Caspienne » (y étant allergique le shah perd au change en se voyant proposer des artichauts), de la « mousse de queues d'écrevisses », du « sorbet au champagne Moët & Chandon », « cinquante paons rôtis farcis au foie gras » ou encore de la « selle d'agneau rôti aux truffes ». En accompagnement, du Château Lafite Rothschild 1945, du Dom Pérignon Rosé réserve vintage 1959, ou du Château Haut-Brion blanc 1964.
« Le festin du siècle ».
Les trois jours de réjouissances ont également été marqués par une parade militaire diffusée en direct dans une trentaine de pays. Trois heures de spectacle sous un soleil de plomb, durant lesquelles les convives ont notamment vu défiler trois navires de guerre et une tour d'assaut à trois étages.
Le défilé était principalement composé de militaires iraniens, vêtus des tenues traditionnelles jadis portées par les soldats perses. L'occasion pour Mohammad Reza Pahlavi d'en mettre plein la vue au reste du monde.
Un défilé militaire.
Des célébrations, certes gravées dans les annales, mais qui ne feront pas l'unanimité, notamment à cause de leur coût exorbitant. La population iranienne et les opposants au régime ont en effet vivement critiqué les fêtes de Persépolis, estimées à plusieurs milliards de dollars selon certaines sources. Huit ans plus tard, la dynastie Pahlavi sera renversée par l'ayatollah Khomeini, lors de la révolution iranienne de 1979. Plusieurs historiens se sont alors accordés pour présenter ces trois jours hors du temps comme le « chant du cygne » du dernier shah d'Iran, avant que celui-ci ne soit contraint à l'exil.
En octobre 1971, le monarque profite ainsi du 25e centenaire de la fondation de l'Empire perse - et accessoirement de l'anniversaire de sa femme Farah Pahlavi, née le 14 octobre 1938 - pour organiser ce qu'il espère être le « plus grand show du monde », diffusé en mondovision par satellite et auquel toutes les têtes couronnées et hommes politiques du moment se sont empressés de participer.
Mohammad Reza et Farah Pahlavi.
Plus de 600 invités.
Entre la tente « coiffure » et la tente « club », il fut ainsi possible de croiser le roi Frederik IX de Danemark fumant la pipe ou le roi Baudouin s'amusant à filmer sa femme Fabiola. Un bunker uniquement réservé à accueillir tous les plus beaux bijoux du monde a également été construit, étant donné que les femmes devaient changer de parure à chaque repas.
Pendant près de cinq heures et demi, les convives ont ainsi pu se délecter d'un menu auquel même Alain Ducasse ne trouverait rien à redire : des « œufs de caille farcis au caviar doré Imperial de la Caspienne » (y étant allergique le shah perd au change en se voyant proposer des artichauts), de la « mousse de queues d'écrevisses », du « sorbet au champagne Moët & Chandon », « cinquante paons rôtis farcis au foie gras » ou encore de la « selle d'agneau rôti aux truffes ». En accompagnement, du Château Lafite Rothschild 1945, du Dom Pérignon Rosé réserve vintage 1959, ou du Château Haut-Brion blanc 1964.