La fête de Soltan Tolba fut initiée par le premier Sultan Alaouite Moulay Rachid (1664-1672)
qui fréquentait lui-même les
madrasas avant sa proclamation. Il en résultera une tradition séculaire qui
marquera notamment les villes de Fès et de Marrakech. Le premier acte de la
parodie, consiste à élire un « sultan » parmi les étudiants, le second consiste
à recevoir de la part du sultan régnant les insignes de souveraineté. Parmi les
attributs du « sultan » des tolbas, celui d‘exiger des redevances, de sceller
de son cachet des dahirs, édits fictifs, et d´expédier aux dignitaires de
l´État et aux notables des missives aux sujets saugrenus. Cette liberté
accordée pour une semaine aux étudiants sert en quelque sorte les intérêts du
sultan régnant en leur permettant d´étaler publiquement les malversations des
agents du pouvoir.
C’est une fête pittoresque, une fête annuelle de vie au grand air galvanisée durant toute une semaine par les étudiants « Tolbas ». Au début de chaque printemps, un cérémonial dont l’origine remonte au fondateur de la Dynastie Alaouite, Moulay Rachid, patron des étudiants, bat son plein. Les étudiants étant tous méritants, la couronne est offerte aux enchères publiques. Celui qui la remporte est déclaré Soltan Tolba. Il aura la gloire de régner une semaine sur les Tolbas et le privilège de rapprocher le Souverain auquel il soumettra une requête qui lui sera gracieusement accordée. Une fois proclamé, Soltan Tolba organise son makhzen (ses vizirs, son chambellan, son maître des cérémonies, son bouffon et son mohtacib). Muni de tous les insignes de la royauté fourni par le Souverain, à cheval, en kaftan djellaba et babouches montantes, entouré de ses vizirs, de ses Mokhaznis porteurs de parasol et de lances, escorté de Néphars et de tambours qui le suivaient en dansant, attira une véritable cohue de curieux.
Le cortège défila dans les rues
commerçantes permettant au bouffon, aux
fins de couvrir les dépenses de la fête et d’en assurer le faste , de collecter
chemin faisant, taxes et amendes résultant du contrôle des balances, des poids
et de la qualité des denrées, pratiqué auprès des faux commerçants campé par le
restant de la troupe glissée parmi les marchands. Dans un joyeux et assourdissant tapage, la procession regagna ensuite le
campement des Tolbas . Des tentes sont
dressées : la « royale » pour Soltan Tolba, celle du pacha de la
ville, celles des vizirs et celles de riches bourgeois (touristes et Touaregs) venus passer quelques
jours de plaisirs champêtres et assister aux diverses séances culturelles et à
la joute de discours littéraires et de déclamations de poèmes entre Tolbas. En attendant la
tombée de la nuit, supposée être la
septième terminant la fête et filmer la séquence de fin du règne du Soltan
Tolba devant fuir avant la levée du huitième jour, sous peine d’être roué de
coups et jeté dans l’Oued par ses sujets de la veille.
Il était de tradition que l’authentique
Sultan leur fasse porter à cette occasion quelques bons plats de la cuisine
royale. On raconte que, suite à de fâcheux débordements et après que dans les
années 1970 l'on ait remplacé ces mets traditionnels par des forces
auxilliaires munies de bons gourdins, les étudiants auraient renoncé à cette
tradition séculaire...