J’ai rencontré dans l’avion un homme persuadé que sa femme l’a envoûté. J’ai appris qu’il est ingénieur, qu’il avait acquis depuis longtemps un esprit scientifique et rationnel. Ce qui ne l’a pas empêché de me raconter son histoire que je vous restitue telle quelle.
Dans l’avion de retour du Maroc, j’étais assis à côté d’un homme élégant, la quarantaine, en train de lire De l’inconvénient d’être né, un essai du philosophe Emile Cioran. Je ne pouvais pas ne pas réagir. C’est si rare de rencontrer quelqu’un lisant cet écrivain roumain francophone, adepte de Schopenhauer. Après quelques politesses, il cite une phrase de Cioran: «Tous les enfants que je n’ai pas eus, ne savent pas ce qu’ils me doivent». On rit puis, au moment du décollage ,il me dit: "J’ai deux enfants."/ Puis, après un silence, il se penche sur moi et me demande : "je peux vous poser une question ?".
– Croyez-vous à la sorcellerie ?
– Non, pas du tout. Mais j’avoue que ça existe et que ça fait des ravages dans le pays, à tel point que le Maroc est connu dans le monde arabe pour être le pays où ça se pratique le plus.
J’ai appris qu’il est ingénieur, qu’il avait acquis depuis longtemps un esprit scientifique et rationnel. Ce qui ne l’a pas empêché de me raconter son histoire que je vous restitue telle quelle:
«J’ai été envoûté. Oui, je n’ai plus de doute. Je suis victime d’une machination qui ne peut être que de la sorcellerie. Voilà: je suis marié depuis une dizaine d’années avec une belle femme, Marocaine, issue d’une famille modeste. Mais elle est jalouse, maladivement jalouse. Elle paye des voyantes pour savoir ce que je fais chaque fois que je me déplace pour mon travail. Mais les voyantes n’ont pas suffi, elle s’est adressée à des sorciers du sud, dans la région d’Agadir. Je sais par un parent qu’elle entretient des liens avec pas moins de trois sorciers connus pour leur efficacité. L’un d’eux pratique ce qu’on appelle «la magie noire». Moi qui dormais comme un loir, je souffre d’insomnie chronique résistante à tous les somnifères. Ensuite, chaque fois que je dois rencontrer une femme pour mon boulot, le rendez-vous est soit reporté soit annulé. Depuis quelques temps j’ai une succession de tracas incompréhensibles: ma voiture, une Mercedes encore neuve, est tombée en panne au milieu de la nuit sur la route de Tanger; mon ordinateur s’est cramé tout seul et, ce qui est étrange, mes contacts téléphoniques se sont effacés et il m’est impossible de les retrouver, ça me cause bien des problèmes dans mon métier.»
– Et alors ? Cela, c’est de la magie plutôt grise, car la noire, d’après ce qu’on raconte est terrible, pour le moment vous avez une série de coïncidences malheureuses.
– Je suis envoûté, quelqu’un intervient pour faire foirer tout ce que j’entreprends.
– Vous, le scientifique, vous croyez à ces balivernes de vieilles femmes analphabètes ?
– Non, mais je constate que plus rien ne marche comme avant…
– Et avec votre femme ?
– C’est une catastrophe ! Devant elle ,je ne suis plus un homme. Plus rien!
– Réfléchissez ! Ce n’est pas dans son intérêt de vous rendre impuissant !
– Mais si, elle veut me détruire, partout dans notre appartement je trouve des gris-gris, des poils dans des papiers avec des écritures illisibles et des signes bizarres, j’ai même trouvé un jour dans mon lit, un jour où elle assistait à un mariage, un rat mort dans un bocal enveloppé de papier avec des écritures et des croix à l’encre sépia… J’ai hurlé, je l’ai jeté et je n’ai pas retrouvé le sommeil.
– Vous en parlez ensemble de ces choses-là ?
– Non, on se parle de moins en moins, tout ça, parce qu’un jour de colère j’ai menacé de m’en aller et de divorcer.
– Et avec les autres femmes ?
(Il baisse la voix et se penche vers moi): un ami m’a mis en contact avec une femme qui a un réseau; elle m’a envoyé une fille très belle dans sa garçonnière. Je n’ai rien pu faire !
– Et les médecins ?
– Non, ils ne peuvent rien contre la sorcellerie du sud, la magie noire ou grise et tout ce bazar horrible. En plus j’ai dû boire ou manger quelque chose qui paralyse ma volonté, une sorte de drogue. Devant ma femme, non seulement je ne suis plus un homme, mais je deviens un agneau. Elle me tond. Mon compte en banque est en rouge. Et pourtant, je gagne bien ma vie et je suis incapable de réagir. J’ai peur d’elle. Je vais m’adresser au MLH, (le Mouvement pour la libération de l’homme), mais ça n’existe pas !
– Je ne sais quoi vous dire. Moi, je ne crois pas à la sorcellerie, mais je n’ai pas d’arguments pour vous convaincre; le mieux est de ne pas entrer dans l’engrenage, c’est comme un virus informatique, si vous ouvrez le dossier véreux, c’est tout votre ordinateur qui est foutu. Prenez ça à la légère, rigolez un peu, ayez de la dérision, et vous verrez, ça n’aura plus d’effet sur vous. La sorcellerie n’est pas compatible avec l’humour et le rire.
– Vous trouvez normal tout ce qui m’arrive ?
Je fais semblant de réfléchir puis je cite la fameuse phrase de Jacques Chirac:
– «Les emmerdes, c’est comme dans l’armée de l’air, ça vole en escadrille». Jamais deux sans trois…
– Je suis envoûté, quelqu’un intervient pour faire foirer tout ce que j’entreprends.
– Vous, le scientifique, vous croyez à ces balivernes de vieilles femmes analphabètes ?
– Non, mais je constate que plus rien ne marche comme avant…
– Et avec votre femme ?
– C’est une catastrophe ! Devant elle ,je ne suis plus un homme. Plus rien!
– Réfléchissez ! Ce n’est pas dans son intérêt de vous rendre impuissant !
– Mais si, elle veut me détruire, partout dans notre appartement je trouve des gris-gris, des poils dans des papiers avec des écritures illisibles et des signes bizarres, j’ai même trouvé un jour dans mon lit, un jour où elle assistait à un mariage, un rat mort dans un bocal enveloppé de papier avec des écritures et des croix à l’encre sépia… J’ai hurlé, je l’ai jeté et je n’ai pas retrouvé le sommeil.
– Vous en parlez ensemble de ces choses-là ?
– Non, on se parle de moins en moins, tout ça, parce qu’un jour de colère j’ai menacé de m’en aller et de divorcer.
– Et avec les autres femmes ?
(Il baisse la voix et se penche vers moi): un ami m’a mis en contact avec une femme qui a un réseau; elle m’a envoyé une fille très belle dans sa garçonnière. Je n’ai rien pu faire !
– Et les médecins ?
– Non, ils ne peuvent rien contre la sorcellerie du sud, la magie noire ou grise et tout ce bazar horrible. En plus j’ai dû boire ou manger quelque chose qui paralyse ma volonté, une sorte de drogue. Devant ma femme, non seulement je ne suis plus un homme, mais je deviens un agneau. Elle me tond. Mon compte en banque est en rouge. Et pourtant, je gagne bien ma vie et je suis incapable de réagir. J’ai peur d’elle. Je vais m’adresser au MLH, (le Mouvement pour la libération de l’homme), mais ça n’existe pas !
– Je ne sais quoi vous dire. Moi, je ne crois pas à la sorcellerie, mais je n’ai pas d’arguments pour vous convaincre; le mieux est de ne pas entrer dans l’engrenage, c’est comme un virus informatique, si vous ouvrez le dossier véreux, c’est tout votre ordinateur qui est foutu. Prenez ça à la légère, rigolez un peu, ayez de la dérision, et vous verrez, ça n’aura plus d’effet sur vous. La sorcellerie n’est pas compatible avec l’humour et le rire.
– Vous trouvez normal tout ce qui m’arrive ?
Je fais semblant de réfléchir puis je cite la fameuse phrase de Jacques Chirac:
– «Les emmerdes, c’est comme dans l’armée de l’air, ça vole en escadrille». Jamais deux sans trois…
Au moment de l’atterrissage, il devient blême et se met à prier. Il me dit ensuite :
– On ne sait jamais; peut-être qu’elle a jeté un sort à l’avion !
– On ne sait jamais; peut-être qu’elle a jeté un sort à l’avion !
Il m’a fait de la peine. Je n’aurais jamais deviné qu’un homme comme lui serait réduit à une ombre prise dans un tourment maléfique.
A Orly, on s’échange les coordonnées. Je lui souhaite bonne chance et je m’en vais.
Deux heures après, il m’appelle:
– Vous allez me traiter de fou, mais figurez-vous que je me suis trompé de valise. Je suis dans la rue, car les clés de chez moi sont dans ma valise, j’attends que celui qui a pris la mienne par inadvertance m’appelle pour qu’on fasse l’échange.
Cette nuit-là, j’ai eu du mal à m’endormir.