C’est un des breaking news les plus significatifs de la guerre entre l’Ukraine et la Russie, un tournant majeur qui peut en changer la physionomie. Le groupe Wagner dirigé par le très mystérieux, Evgueni Prigojine, s’est retourné contre Vladimir Poutine après avoir longtemps été le maître d’œuvre de ses basses besognes. Coup de théâtre samedi soir, alors qu’il se dirigeait vers Moscou, ce dernier annonce faire demi-tour pour « éviter un bain de sang ». Un accord a été trouvé entre le chef des mercenaires et le Kremlin grâce à une médiation de la Biélorussie.
Considéré comme le bras paramilitaire de Moscou dans de nombreux théâtres d’opérations en Afrique et au Moyen Orient, le groupe Wagner a été appelé à la rescousse dans l’intervention russe en Ukraine. Les missions les plus dangereuses et les plus suicidaires lui ont été confiées.
Longtemps auteurs des principales réalisations militaires russes en Ukraine, les mercenaires de Wagner commençaient à se plaindre publiquement du manque de coopération et d’aides de la part de l’armée russe. Est apparue donc aux yeux du monde entier une forme de compétition entre l’armée officielle et les paramilitaires de Wagner.
Les points de discorde entre les deux structures et leadership russes en Ukraine ont fini par atteindre un point de rupture. Une rébellion interne assumée par Evgueni Prigojine et des menaces d’éradication formulées par Vladimir Poutine donnent aujourd’hui l’image d’un pays en guerre avec le monde extérieur en total déchirement interne.
Pour les capitales occidentales, Europe et Amérique, qu’un dangereux bras de fer militaire oppose à Moscou par Ukraine interposé, la rébellion de Wagner est une excellente nouvelle. Ces capitales peinent à cacher leur joie et leur satisfaction de voir l’incassable Vladimir Poutine subir une dangereuse rébellion interne.
Pour tous les stratèges militaires, la cassure russe, même dans le cas où la machine de guerre de Vladimir Poutine réussit à la dompter, aura forcément un impact sur la guerre russe en Ukraine. Non seulement elle va occuper les militaires russes dans des bisbilles internes, elle va aussi influencer lourdement les capacités russes à continuer efficacement la guerre et à contenir l’offensive ukrainienne.
Un Poutine contesté militairement en interne perdra forcément de sa superbe en Ukraine et sur la scène internationale. Il ne pourra plus être en mesure de dicter le tempo de la guerre ni celui de la diplomatie. Il est fort à parier qu’aussi bien Washington que les pays européens vont se délecter à nourrir cette rupture au sein de la machine de guerre russe espérant en récolter le fruit de l’affaiblissement de Poutine.
La guerre que le président russe voulait imposer à l’Europe et à l’Otan sur le territoire ukrainien semble se retourner subitement contre lui, le mettant dans une situation difficile de devoir choisir entre le danger extérieur que représente l’alliance atlantique et la menace de dislocation interne que pourrait provoquer une guerre fratricide contre le groupe Wagner.
Dans cette brusque tension, ce n’est pas uniquement le sort de la guerre en Ukraine qui se joue, c’est l’ensemble de l’architecture du pouvoir militaire russe et son influence dans le monde qui risque la remise en cause. Comment se comporteraient les mercenaires de Wagner qui portent les couleurs et les intérêts russes en Afrique et au Moyen Orient quand leur chef est officiellement accusé de haute trahison et dont la tête est mise à prix ?
Les tensions entre Wagner et l’institution militaire russe sont incontestablement un signe d’affaiblissement de la gouvernance de Vladimir Poutine. Elles pourraient accélérer les contradictions au sein du pouvoir russe et réaliser ce que les Occidentaux espéraient depuis longtemps. Que de forces internes russes, qu’il s’agisse de personnalités militaires ou d’oligarques russes, provoquent des ruptures qui obligeraient Vladimir Poutine à déclencher la marche arrière dans son aventure militaire en Ukraine.
Sans le vouloir, Wagner se transforme à travers cette rébellion contre Moscou en allié objectif des Occidentaux, même si la diplomatie russe les a avertis de ne pas tirer profit de la situation. L’accord conclu in extremis samedi soir, permettant au chef de Wagner de s’en tirer sans représailles et de s’installer en Biélorussie, ainsi que la possibilité offerte aux mercenaires de rejoindre l’institution militaire, reste entouré de doutes.
Assises aux premiers rangs, les capitales européennes assistaient avec délectation à la mise à mort d’Ivegueni Prigojine par Vladimir Poutine avant le coup de théâtre, avec cette certitude que l’issue du combat pourrait contre toute attente accélérer la fin de l’opération militaire russe en Ukraine en affaiblissant le vainqueur de ce bras de fer. Avec la fin prévisible de Wagner, Poutine perdra son bras armé le plus sanglant et le plus déterminé.