L’amour peut faire des miracles. Pour Lalla Aicha Mubarka, ce fut plus qu’un miracle. Celle qu’on appelle plus communément Zaydana était la femme préférée de l’un des plus grands sultans de l’histoire du Maroc. Célèbre pour sa force et l’influence qu’elle exerçait, notamment auprès du sultan, Lalla Aicha Mubarka est décédée en 1716 et a donné naissance à Moulay Zaydan, qui s’est battu pour se faire une place dans un palais où se côtoyait les innombrables fils du sultan.
Tout commence quand Zaydana est vendue comme esclave. Le prêtre dominicain Dominique Busnot, qui s’est rendu à Meknès à trois reprises pour racheter des captifs chrétiens, décrit ainsi la femme du sultan : «Une femme à la peau noire d’une taille colossale. Elle était l’esclave de Moulay ar-Rashid, à qui Moulay Ismail l’avait rachetée pour soixante ducats (monnaie de l’époque, ndlr)».
La favorite du sultan
Ce qui surprend dans l’histoire de Zaydana et sa relation avec Moulay Ismail, c’est qu’elle est parvenue à interférer dans certaines affaires d’Etat et a influencé plusieurs décisions du sultan. Une thèse confirmée par Dominique Busnot :
«Personne ne peut savoir par quels moyens elle a réussi à se rapprocher du sultan. Elle détenait un pouvoir sur son esprit et le manipulait comme elle voulait.»
La réputation de Zaydana était connue dans tout le royaume, comme le relate la même source. Le prêtre insiste également sur le fait que certains Marocains attribuaient l’influence qu’elle exerçait sur le sultan à de la magie.
Dans son livre «Black Morocco : A History of Slavery, Race and Islam» (2012) (Le Maroc noir : Une histoire d’esclavage, de race et d’islam), Chouki El Hamel raconte que Zaydana «était une femme puissante qui détenait une grande influence sur le sultan. Elle était la mère de l’un de ses fils qu’elle avait désigné comme le successeur de Moulay Ismail, nommé Moulay Zaydan, l’un des premiers fils du sultan».
Une rivalité fratricide
Cette femme ambitieuse faisait tout ce qu’elle pouvait pour détenir le pouvoir dans le palais. Selon le même livre, Zaydana complotait contre Moulay Al-Alim, le fils du sultan et de Madame Shaw, une Irlandaise. «Le sultan avait choisi son fils Moulay Al-Alim comme gouverneur de Marrakech pour ses qualités innées de leader. Cette visibilité avait fait de lui le potentiel futur sultan, mais avait instillé la jalousie dans le cercle intime du sultan», écrit Chouki El Hamel.
Zaydana fut l’une des premières personnes à percevoir la rivalité suscitée par Moulay Al-Alim. Avec l’aide de son fils, elle réussit à convaincre le souverain qu’Al-Alim était un traître. C’est ainsi qu’il fut «démis de ses fonctions en tant que gouverneur de Marrakech».
«Dès que le sultan a réalisé qu’Al-Alim était innocent, il l’a désigné comme gouverneur de Taroudant. Cependant, trois ans plus tard, le sultan l’a encore une fois démis de ses fonctions.»
Las du comportement de son père, Al-Alim s’est rebellé et a réclamé le gouvernorat de Marrakech. En guise de réponse, le sultan a défié le fils de Zaydana de vaincre son frère pour prendre sa place en 1706.
Venger son fils Zaydan
Malgré ses complots sournois, Zaydana hérita d’un fils qui n’était pas aussi sage que prévu. Selon la même source, «Moulay Zaydan, contrairement à son frère, n’était pas fait pour régner ; il avait un comportement méprisant envers son père et s’est abandonné dans l’alcool».
Moulay Zaydan a fini par être tué par son père en secret pour ne pas attiser la colère de son épouse préférée.
«Moulay Ismail a envoyé deux belles jeunes femmes comme cadeau à son fils. Il leur a ordonné de le tuer à l’abri des regards de Zaydana pour éviter son ressentiment.»
Toutefois, la femme du sultan apprit les plans de son mari et se vengea à sa manière. Zaydana est décédée en 1716 et a été enterrée au mausolée Moulay Mohammad Al-Alim de Meknès. Elle a laissé derrière elle un sultan qui vécut une décennie de plus.