Seize ans après sa mort, Hassan II continue de marquer les Marocains avec ses phrases et sentences. Florilège.
- Religion
“Avec l'aide de Dieu, je prends le pouvoir."
Premier discours du trône de Hassan II, le 3 mars 1961.
Dès sa première allocution royale, le roi donne un avant-goût de ce que sera son règne, basé notamment sur son statut de Commandeur des croyants. C’est à dieu que Hassan II estime devoir son pouvoir, et aussi sa survie, lorsqu’il échappera aux deux putschs de 1971 et 1972. “Grâce à dieu, je suis toujours vivant “, a-t-il déclaré au lendemain de la deuxième tentative de coup d’Etat.
“Au Maroc, nous sommes fondamentalistes, mais justement, le fondamentalisme nous interdit l'intégrisme.”
Dans l’émission “L’Heure de vérité”, diffusée en décembre 1989 sur la chaîne française Antenne 2.
Face à une brochette de journalistes connus, en direct du palais de Rabat, le défunt roi tente de mettre fin aux inquiétudes de la France face à la montée de l’intégrisme dans le monde musulman. En filigrane, il réaffirme “l’exception marocaine” en matière d’islam, élément essentiel du discours officiel de la monarchie.
Alors que le débat sur le port du voile bat son plein en France, il déclare dans cette même interview: “Les musulmans traditionalistes en France disent que le voile est essentiel”, mais au Maroc “la majorité des femmes marocaines ne portent pas le voile. (…) Je n’ai pas l’impression qu'en cela, elles contreviennent aux commandements de l'Islam.”
“Si Khomeiny est musulman, alors je ne le suis pas.”
En 1984, dans un entretien accordé au Figaro.
Hassan II rappelait qu’il était en désaccord total avec le guide spirituel de la révolution iranienne. Le monarque craignait que la lecture chiite de l’islam ne conquiert de plus en plus le Maroc, où des mouvances islamistes – la Chabiba islamiya notamment – gagnaient déjà du terrain.
- Droits de l’homme
“Vous savez, les droits de l’homme c’est une affaire subjective et une affaire climatologique. Montesquieu vous le dira.”
En 1981, dans une interview donnée à la chaîne française Antenne 2.
Hassan II effectue sa première visite officielle en France depuis l’accession à la présidence de François Mitterrand. Le climat est tendu entre Hassan II et le nouvel hôte de l’Elysée, car ce dernier insiste sur le respect des droits de l’homme. Tout au long de son séjour parisien, le défunt roi a dû se justifier sur cette question auprès des médias français.
"Comment en est-on arrivés là? Soit du fait des Awbach ou des enfants manipulés."
Extrait d'un discours royal de janvier 1984.
Le 19 janvier 1984, Nador est le théâtre de manifestations estudiantines réprimées. En cause, une décision du ministère de l’Education nationale: pour s’inscrire à l’examen du bac, chaque étudiant doit s’acquitter d’une somme comprise entre 50 dirhams et 100 dirhams pour l’inscription à l’université. L’ampleur des protestations n’avait d’égale que la colère de Hassan II.
"Il n'y a, à Kelaât Mgouna, que des roses."
Dans l'émission “7 sur 7”, diffusée sur TF1en mai 1993.
Une nouvelle constitution vient d’être adoptée au Maroc et les années de plomb touchent à leur fin. Les victimes des bagnes, à l’exception des prisonniers sahraouis, ont tous été libérés. Au palais de Rabat, où se déroule l’émission, Anne Sinclair profite de cette ouverture démocratique pour poser une question qui fâche: “Y a-t-il des prisonniers politiques à Kelaât Mgouna?”
Avec son flegme habituel, Hassan II répond: “Kelaât Mgouna est un endroit touristique, madame, c'est la capitale des roses. Tazmamart, c'est de l'histoire ancienne.” Déterminée, la célèbre journaliste ne lâche pas prise: “Selon l'ONU, il existe un bagne secret à Kelaât Mgouna”. Et le défunt roi de répliquer, impassible: “Mon dieu, je vous répète que c'est la capitale des roses. Les gens ne connaissent pas la géographie du Maroc.”
“L'Europe de l'Ouest ne s'intéresse qu'à la grande bouffe. Elle est sous le joug du poulet, du vin et de l'abstraction.”
Dans un entretien au Figaro en 1984.
Le jugement émis avec un sens de la formule est une manière de contrer les critiques de certains pays européens concernant la situation des droits de l’homme au Maroc. Le site evene.fr, spécialisé dans les citations de personnalités, a inscrit la pique de Hassan II dans sa liste.
- Politique internationale
"Je suis la conscience des Marocains, je le dis et sans la moindre menace, tout Marocain qui restera assis alors qu'un Palestinien est à la tribune, en train de comparer les Marocains à des sionistes, je souillerai la porte de sa maison, avec ce que vous savez, et il est inutile de préciser ma pensée."
Extrait d'un discours royal de juillet 1986.
La visite de Shimon Peres au Maroc n’avait pas plu à tout le monde, encore moins aux Palestiniens. Hassan II avait alors fait l'objet de critiques. Le leader du polisario, Mohamed Abdelaziz, déclarera au parlement palestinien: “Les Sahraouis souffrent de l'occupation tout comme les Palestiniens.”
S’ensuivra l’ordre de Hassan II, qui est catégorique: “Il n’est pas permis qu’un Marocain assiste à une rencontre internationale où l’on donne le micro à un responsable palestinien”. Et de conclure: “Je n'ai pas l'habitude d'être dur, et je pèse toujours mes mots. Je n'admettrai jamais qu'on dise que le Maroc fait au Sahara ce qu’Israël fait en Palestine."
- Sahara
“Si je parlais à mon petit-fils, je lui dirais tout simplement que ce Sahara a toujours été lié au Maroc par les liens de l'allégeance et que, chez nous, souveraineté et allégeance (beïa) sont une seule et même chose.”
Dans une interview accordée à Jeune Afrique en 1985.
Hassan II répondait à la question: “Si vous aviez à raconter l'affaire du Sahara à un enfant, disons à votre petit-fils, comment vous y prendriez-vous?”. Intraitable sur la question de la marocanité du Sahara, il en profite pour asseoir la beïa qu’il définit aussi comme un lien de souveraineté sur les provinces du Sud. L’intervieweur n’est autre que le célèbre journaliste Hamid Berrada qui avait été condamné à mort en 1963 pour haute trahison, après avoir remis en cause le bien-fondé de la “guerre des Sables” contre l’Algérie.
“Naturellement, j'avais envisagé l'échec et je dois vous dire que le jour où l'on m'a annoncé la réussite, que les marcheurs étaient rentrés du Sud, j'ai regardé mon pays d'un tout autre regard. J'avais l'impression d'y renaître, car, si la Marche Verte avait échoué, j'avais décidé de le quitter.”
Dans "Mémoire d’un roi", livre d’entretiens de Hassan II avec le journaliste Eric Laurent.
Dans cet ouvrage, le roi parle de la Marche Verte comme d’un “pari psychologique sur lequel tout reposait. Je savais que Franco et son entourage étaient des militaires. Mais s’ils se comportaient comme des militaires, je ne les voyais pas tirer sur trois cent cinquante mille civils désarmés.” Il n’y eut pas de fusillades de civils et l’initiative de Hassan II fut saluée par les médias internationaux comme un coup de maître.
- Patriotisme
“Nous avons eu nos Templiers de l’Islam, nos Armagnacs, nos Bourguignons, nos féodaux théocratiques et nos protestants, et aussi nos découvreurs, nos poètes, nos philosophes, nos musiciens, nos architectes, nos géographes, nos médecins et nos mathématiciens. Ce n’est pas parce que cette immense histoire est oubliée ou inconnue qu’elle n’a pas existé.”
"Le Défi, Mémoires de Hassan II" (Editions Albin Michel, 1976)
Le défunt roi évoque les raisons qui ont conduit au protectorat. Mais refusant de limiter l’histoire du Maroc à l’occupation française, Hassan II rappelle que le royaume existait avant l’arrivée de Lyautey et qu’il n’a rien à envier à la France et son passé glorieux. Au passage, comme il aimait le faire souvent, il démontre à ses interlocuteurs qu’il est pétri de références.
"Si je devais adorer un autre qu'Allah, ce ne pourrait être que mon pays."
Dans une intervention sur une chaîne de télévision danoise, en février 1988.
“En plusieurs occasions, des Français m'ont tutoyé, m'ont rabroué, et je me suis fait traiter de bicot. Je vous dirais que ça m'a déplu, non pas “souverainement”, mais “nationalement”, et que cela constituait pour moi une brûlure effroyable”, raconte Hassan II dans La Mémoire d'un roi.
“L'homme sage est celui qui vient toujours chercher des conseils d'abord, des armes on en trouve partout.”
Réponse du tac au tac à un journaliste français, Hassan II ayant à peine débarqué de l’avion lors de sa visite officielle en France en 1981.
Hassan II répondait à la question: “L'Algérie réagit sévèrement à votre visite en France, ils disent que vous êtes venu chercher des conseils et des armes pour poursuivre la lutte.” Cette déclaration survient au plus fort du froid diplomatique entre le Maroc et l’Algérie, des relations qui ne se détendront que plus d’une décennie plus tard, après la signature du cessez-le-feu entre le royaume et le polisario en 1991.
Hassan II répondait à la question: “L'Algérie réagit sévèrement à votre visite en France, ils disent que vous êtes venu chercher des conseils et des armes pour poursuivre la lutte.” Cette déclaration survient au plus fort du froid diplomatique entre le Maroc et l’Algérie, des relations qui ne se détendront que plus d’une décennie plus tard, après la signature du cessez-le-feu entre le royaume et le polisario en 1991.
- Oufkir, le haschich, etc.
“L'amitié est une chose nécessaire. Un homme qui n'a pas d'amis n'est pas un homme, et je préfère encore personnellement être victime d'une amitié plutôt que d'être l'assassin d'une amitié. Je préfère qu'il soit dit que j'ai été trahi plutôt qu'il soit dit que j'ai trahi une amitié.“
En 1972, après la tentative de putsch
Hassan II, apparaissant abasourdi suite à la tentative de coup d’Etat de 1972, fait part en ces termes de sa déception à un journaliste français. L’ami qui l’a déçu n’est autre que son bras droit, le général Oufkir, instigateur de la tentative de putsch.
“Les stupéfiants produits par le Maroc ne sont ni dangereux ni illicites. Il faut sanctionner le consommateur et non le producteur.”
Lors d’une rencontre avec des journalistes espagnols en 1989.
Au moment où certains pays européens pointent du doigt le laxisme des gardes-frontières marocains, Hassan II déstabilise les interlocuteurs en prônant entre les lignes la légalisation du cannabis et n’hésitant pas à citer l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui, selon lui, était favorable à l’utilisation thérapeutique du cannabis. Quid de l’islam? Il avance que le cannabis n'est pas interdit par la religion.