Il y a 100 ans, le 22 avril 1915, les Allemands lancent la guerre chimique à Ypres, en utilisant du chlore contre les soldats. Un désinfectant pour piscine devient la première arme chimique de destruction massive.
C’est lors de la deuxième bataille d’Ypres que les Allemands, désireux d’en finir et de déloger leurs ennemis des tranchées, décident d’utiliser des gaz asphyxiants, arme pourtant proscrite par la Convention de Genève de 1864.
Ils se servent du vent pour diriger ce gaz vers les lignes françaises de la 87e division territoriale et de la 45e division algérienne. C’est la panique dans les unités françaises. Les soldats sont totalement pris au dépourvu. Sans protection face à ce nouvel ennemi, les hommes courent, tombent, sont asphyxiés. Les survivants crient pour obtenir de l’eau. Ils ont la gorge en feu, crachent du sang, se débattent pour tenter de trouver un peu d’oxygène. Mais si on peut tenter d’échapper aux obus ou aux chars, on n’échappe pas au gaz qui se propage partout. Une attaque chimique n’épargne personne, soldats bien sûr, mais aussi infirmiers, médecins qui tentent de porter secours.
C’est le chimiste allemand Fritz Haber, directeur de l’Institut Kaiser Wilhelm en Allemagne, qui est le concepteur de cette funeste invention.
Un premier test peu concluant
Un premier test d’utilisation avait été effectué par les Allemands en janvier 1915 sur le front polonais, mais ce fut un échec en raison du vent et du froid qui minimisent les effets des obus toxiques. L’utilisation de gaz comme arme n’est pas aisée. Il faut que le gaz soit assez dense pour rester compact lorsqu’il est libéré, mais aussi qu’il puisse envahir n’importe quelle cavité en rampant à proximité du sol. Le chlore est parfait pour cela. Il faut aussi tenir compte du vent, au risque de voir le gaz se retourner contre soi. Et étant donné sa légère coloration, il vaut mieux l’utiliser quand la lumière est obscurcie, afin de prendre l’ennemi par surprise.
L’attaque allemande au Nord d’Ypres le 22 avril 1915 n’est donc pas la première du genre, mais elle est nettement plus efficace que la précédente : la nappe de chlore sème la mort et la panique dans les rangs des troupes françaises. Une brèche de plusieurs kilomètres s’ouvre entre les Belges de la 6e division d’armée et les Canadiens du IIe corps britannique, qui voient leurs flancs subitement à découvert. Leur résistance sur les ailes empêche l’attaque allemande de créer une percée, mais les positions alliées doivent reculer et se rapprocher de la ville.
La Première guerre mondiale est la " Mère " de toutes les guerres chimiques |
La mort, et surtout la peur
L’état-major allemand a été fort critiqué pour ne pas avoir été capable de profiter davantage de l’utilisation de cette arme secrète, et d’avoir échoué à percer le front allié. Il était en fait difficile aux états-majors allemands ou anglais de savoir exactement comment utiliser ces armes avant qu’elles ne soient testées en situation réelle, de même qu’il était impossible d’entraîner leurs soldats à les utiliser tout en conservant l’effet de surprise chez l’ennemi. A posteriori, et à l’échelle du conflit, l’usage de ces "nouvelles technologies" n’aura pas énormément d’incidences sur les pertes militaires. Mais il sera d’avantage efficace pour la peur et la gêne qu’il cause chez l’ennemi. Leur usage se généralisera d’ailleurs chez les belligérants, y compris les Belges.
Plus tard, avec les Japonais durant la seconde Guerre mondiale, les attaques égyptiennes au Nord du Yémen en 1967, puis de l'Irak contre les Kurdes et les Iraniens dans les années 1980, les soldats ne sont plus les seules cibles : les populations civiles se retrouvent visées par les gaz.
Un siècle après Ypres, la plupart des stocks chimiques ont été détruits, et il existe un traité de désarmement depuis 1997, mais les obstacles sont encore nombreux, comme le montrent les événements récents en Syrie.