Juillet 1926. Inauguration de la Grande Mosquée de Paris
en présence du président de la République, Gaston Doumergue,
du sultan du Maroc Mulay Yûsuf (assis au centre)
et d’Edouard Herriot, président de la Chambre des députés
en présence du président de la République, Gaston Doumergue,
du sultan du Maroc Mulay Yûsuf (assis au centre)
et d’Edouard Herriot, président de la Chambre des députés
Il y a foule ce jeudi 15 juillet 1926 dans le Ve arrondissement de Paris. Riverains, badauds : ils sont nombreux à vouloir assister à l'inauguration de la Grande Mosquée de Paris. L'événement très protocolaire prévu dans l'après-midi attise la curiosité. La consécration religieuse officielle doit se faire en présence du président de la République ; Gaston Doumergue au côté du cheik marocain Moulay Youssef entourés de plusieurs hautes personnalités françaises et musulmanes, représentations diplomatiques de la Perse, de la Turquie, du Caucase et de l'Afghanistan.
1848, 1878, 1885, 1895... Le projet d'une mosquée à Paris est ancien, mais il est devenu très concret au lendemain de la bataille de Verdun. « En 1916 dans la Meuse, 70 000 musulmans tombent les armes à la main (sur 300 000 victimes pour le seul côté français). L'opinion estime alors que la nation vient de contracter une dette vis-à-vis de ces populations musulmanes très sévèrement éprouvées », rappelle Dalil Boubakeur, l'actuel recteur dans son ouvrage sur la Mosquée de Paris.
L'édifice a demandé quatre ans de construction.
Il a fallu quatre ans pour construire l'immense édifice religieux. Lors de la pose de la première pierre, le 19 octobre 1922, le discours du maréchal Lyautey a des envolées lyriques. « Quand s'érigera le minaret que vous allez construire, il ne montera vers le beau ciel d'Ile-de-France qu'une prière de plus dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses », clame l'homme qui a ardemment oeuvré pour la construction de l'édifice. La mairie de Paris est partie prenante dans ce projet puisqu'elle a cédé les terrains où doit être érigée la mosquée, là même ou était installé l'hôpital de la Pitié.
Le lieu de culte sera financé par l'Etat (malgré la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat de 1905) à hauteur de 500 000 francs. Le budget sera complété par les dons des pays musulmans et des fidèles.
Le 16 juillet, au lendemain de l'inauguration « le Petit Journal » et « le Petit Parisien » vantent la beauté du lieu, présenté comme « une incomparable vision orientale, sortie tout droit d'une pièce d'un beau conte des Mille et une nuits », « un monument dont l'éclat ne cède en rien aux plus belles mosquées de l'Orient ». C'est l'architecte Maurice Mantout, né à Alger, qui a imaginé l'édifice hispano-mauresque. Sur les 7 500 m2, plus de 3 500 sont réservés à des jardins arabes. Un minaret de 33 mètres domine ces espaces verts, patios et autres allées carrelées de mosaïques multicolores. Les bâtiments regroupent une salle de conférences, une bibliothèque, une salle de prière et diverses annexes auxquelles s'ajoutent les coupoles du hammam et les courettes du café maure. Le site est meublé grâce à de généreux donateurs comme le roi Fouad d'Egypte et le bey de Tunis qui ont offert différents tapis précieux, des lustres savamment ciselés, des cuivres, mais aussi des meubles incrustés de nacre et une magnifique chaire oratoire (minbar).
« L'inauguration de la mosquée a été un événement majeur. Avec elle, la France manifestait son extrême attachement aux musulmans qui s'étaient sacrifiés pour elle.. Ces malheureux indigènes n'attendaient rien de leur engagement. Ils l'avaient juste fait par amour de la nation », rappelle Dalil Boubakeur.