De l’histoire du XIe siècle au Maroc, nombre d’écrits retinrent le rôle primordial de Zaynab al-Nafzawiyya, épouse de Youssef ben Tachfine, dans l’édification de l’empire almoravide (1040 – 1147). Sur ses conseils, les sultans avaient maintenu leur pouvoir qui s’étendit jusqu’à Al-Andalous.
Après l’effondrement de la dynastie idrisside (789 – 985), le Maghreb occidental fut plongé dans un chaos, au milieu duquel émergèrent des principautés éparses. Cette situation perdura jusqu’à ce que les Almoravides (1040 – 1147) réunifièrent le pays, étendant leur zone d’influence à Al-Andalus.
Dans ce sens, nombre de publications firent référence au rôle primordial d’une femme nommée Zaynab al-Nafzawiyya, fille d’Isaac Houari. En effet, celle-ci participa activement à l’unification du territoire des Almoravides au Maghreb et à Al-Andalus et apporta son soutien aux dirigeants almoravides, jusqu’à la chute de leur empire, sur lequel les Almohades (1121 – 1269) construisirent le leur.
- Une femme connue pour sa pugnacité
Dans son ouvrage «Le Livre des exemples», l’historien Ibn Khaldoun (1332 – 1406) décrivit la femme comme étant «l’une des plus célèbres et des plus belles du monde, connue pour son grand leadership». Dans l’une de ses principales œuvres intitulée «Kitâb al-Istiqsa li-Akhbar Al-Maghrib duwwal al-Aqsa», l’historien marocain Ahmad ibn Khalid al-Nasiri (1835 – 1897) écrivit, lui, que Zaynab al-Nafzawiyya était «d’une beauté et d’une bonté distinguées». Elle était également connue pour «sa fermeté, sa vivacité d'esprit, la richesse de sa connaissance, son sens judicieux de la gestion, à tel point que certains la considéraient comme une sorcière».
- «Je n’épouserai que celui qui régnera sur tout le Maghreb occidental»
«En 640 (de l’hégire, ndlr), les choses se stabilisèrent pour l’émir Abou Bakr ben Omar qui mobilisa ses hommes. Il s’installa à Aghmat, où résidait une belle femme à la grande réputation parmi les tribus de Masmouda, connue comme Zaynab al-Nafzawiyya. A chaque fois que les émirs la demandaient en fiançailles, elle montrait ses réserves et rétorquait, intransigeante: ‘seul celui qui unifiera le Maghreb m’épousera’. A cause de cela, certains la traitaient de ‘folle’.»
L’écrivain relata que sa figure enrichit les mythes et les imaginaires, même que certains lui prêtèrent des superpouvoirs et véhiculèrent sur elle l’image d’une personne aux facultés mystiques.
Successeur au bâtisseur de la dynastie almoravide, Abdellah ben Yassin, qui fut imam de 1040 jusqu’à sa mort en 1059, le prince Abou Bakr ben Omar Lamtouni eut écho de la beauté saisissante de Zaynab al-Nafzawiyya. Ibn Idhāri al-Marrākushi raconta que l’homme l’avait épousée et en retour, elle lui avait promis une part importante de sa richesse. Elle le fit entrer les yeux bandés dans un sous-sol, puis lui ouvrit les yeux une fois devant des trésors à perte de vue, de l’or, de l’argent et des diamants.
L’historien reprit ce qui se racontait sur cette femme en indiquant qu’«elle était d’une grande beauté, fortunée et vertueuse, à tel point que – Dieu seul le sait – l'on disait des esprits se servaient d’elle». Par ailleurs, le numéro 96 du magazine «Daâwat al Haq», publié par le ministère des Habous et des affaires islamiques, nota que Zaynab al-Nafzawiyya était l’épouse d’un rival des Almoravides, issu de la tribu maghraouie et un des émirs de Beni Yefren. Il avait combattu farouchement Abdellah ben Yassin qui finit par le tuer dans un duel ultime.
Le livre «Al-Bayan al-Maghrib» retint qu’Abou Bakr Lamtouni s’était rendu dans le désert et fut remplacé par son cousin Youssef ben Tachfin (1061 – 1106), troisième imam et premier sultan de l’empire almoravide. A son départ, Abou Bakr s’adressa ainsi à son épouse : «Je voyagerai loin mais je ne saurai être loin de toi ; si je meurs, j’aurai une responsabilité sur toi et il est plus judicieux de divorcer.» «Le plus judicieux est ce que tu auras décidé», répondit-elle. La séparation fut et l’histoire rapporta que l’homme avait recommandé à Youssef ben Tachfin d’épouser Zaynab al-Nafzawiyya, car elle était «une femme glorieuse».
De son côté, l’ouvrage d’Ahmad ibn Khalid al-Nasiri confirma cette rupture de raison, notant qu’avant de partir, Abou Bakr fit ainsi son testament à son épouse : «Zaynab, je pars au Sahara ; tu es une belle femme exceptionnelle et tu ne pourras supporter tout ce mal. Je divorce et une fois cette séparation consommée, je te conseille d’épouser mon cousin Youssef ben Tachfine qui est mon successeur sur le Maghreb.» L’homme s’éloigna ensuite d’Aghmat vers les dunes du désert.
- Le bras droit de Youssef ben Tachfine
Dans son livre «Ayam al Amazigh» (Le temps des Amazighs), l’écrivaine Nouha El Zini raconta que lorsqu’il avait épousé Zaynab, Youssef ben Tachfine s’approchait de la soixantaine sans avoir eu d’enfant. «Parce que cette femme lui portait chance comme l’avait décrit Abou Bakr ben Omar, elle lui offrit un fils héritier», nota la chercheuse en rappelant par ailleurs le grand rôle de Zaynab dans l’édification de la ville de Marrakech. En effet, la cité fut construite sur ses conseils, elle qui veilla sur toute son architecture et son urbanisation.
Selon «La civilisation islamique au Maroc et à l’époque andalouse, almoravide et almohade» de Hassan Ali Hassan, la nouvelle femme forte de l’empire almoravide employait tous les moyens possibles pour soutenir son époux financièrement et en lui prodiguant de précieux conseils.
- Les conseils de Zaynab al-Nafzawiyya
Selon «Al-Bayan al-Maghrib», lorsque la nouvelle parvint à Marrakech, le sultan s’inquiéta profondément du devenir de son trône après avoir goûté au pouvoir. Il prépara ses armées et Zaynab l’interpela ainsi : «Je te vois préoccupé à l’idée du retour de ton cousin sur son territoire ; je te promets qu’Abou Bakr ne reviendra pas au règne.» Ce à quoi l’homme fort des Almoravides répondit : «Il me fait confiance en mettant entre mes mains ce pouvoir et je jure de l’avoir combattu s’il n’avait pas été mon cousin ; je te connais Zaynab, tu es clémente.» Et son épouse de rétorquer : «S’il vient à toi en mettant ses hommes en première ligne de front, ne le combats pas ; offre lui un présent pour qu’il batte en retraite… Il ne faut pas verser de sang, c’est ainsi que tu maintiendras ton règne, par la volonté de Dieu.»
«Kitâb al-Istiqsa li-Akhbar Al-Maghrib duwwal al-Aqsa» retint que Youssef ben Tachfine suivit les recommandations de son épouse et prévit un accueil fastueux à son cousin. Ce dernier s’adressa à lui par ces mots : «Je t’ai chargé de cette mission et j’en suis responsable. Reviens à la raison et ne mets pas en péril les affaires de tes sujets.» Abou Bakr repartit vers le Sahara et se retrancha dans le désert. Depuis là-bas, il supervisa le jihad vers le Soudan, jusqu’à ce qu’il fut tué par une flèche empoisonnée.
Dans le livre «Al-Bayan al-Maghrib», son auteur relata que cette gestion était pensée par Zaynab al-Nafzawiyya qui conseilla continuellement Youssef ben Tachfine. Elle le combla et gouverna à travers lui, jusqu’à faire de ce règne à deux le plus victorieux de son temps et un âge d’or où «aucune armée almoravide ne fut vaincue».
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