Un officier de l'armée américaine suit le président dans ses moindres déplacements avec la valise noire des codes nucléaires. |
Donald Trump a été officiellement investi 45e président des Etats-Unis, ce vendredi 20 janvier, au cours d’une journée très protocolaire. Entre autres moments clés, la transmission de codes secrets qui permettent le déclenchement d’une attaque nucléaire sur le seul ordre du président. Presque comme s’il s’agissait d’un sujet de conversation courante, le nucléaire militaire aura été un leitmotiv, initié pendant la campagne électorale américaine et poursuivi depuis l’élection de Donald Trump, le 8 novembre dernier.
Le sujet de l’arme nucléaire, légitimement abordé par les médias américains, a été régulièrement alimenté par le candidat républicain, puis le président élu, à travers ses réponses à la fois belliqueuses, provocatrices, floues et contradictoires. En résulte une inquiétante incertitude, comme le traduisent articles et éditoriaux de ce D-Day, en France : « On ressent tous un filet de sueur glacée couler le long de notre colonne vertébrale en imaginant Barack Obama remettre à Donald Trump la petite mallette contenant les codes nucléaires américains. » (Libération)… comme outre-Atlantique : « Les Etats-Unis s’apprêtent à donner son arsenal à quelqu’un qui est clairement incompétent pour commander ces armes. » (CNN)
Bouton, codes et mallettes
Au cours d’un meeting à San Diego, en pleine campagne, Hillary Clinton, encore dans la course à la Maison Blanche, avait harangué la foule de ses partisans : « Est-ce que nous souhaitons vraiment voir son doigt près du bouton rouge ? » De bouton rouge, déclenchant l’apocalypse par une simple pression, il n’y a point. Il n’existe que comme symbole dans l’imaginaire collectif. Mais il rappelle que le feu nucléaire est une réalité bien concrète. C’est ce pouvoir, parmi d’autres, que reçoit Donald Trump ce vendredi.
Aux Etats-Unis, comme dans d’autres pays détenteurs de la bombe, c’est une mallette qui contient la procédure à suivre en cas de décision de son utilisation. Il s’agit d’une sacoche noire, extérieur cuir, intérieur aluminium, qui pèse une vingtaine de kilos et relativement bombée : un drôle l’a donc surnommée « le ballon de football nucléaire », son nom quasi officiel depuis 1963. Après la crise des missiles à Cuba, « le ballon » suit le président comme son ombre, rapporte le Smithsonian Magazine, durant toute la durée du mandat. Il est transporté par des officiers triés sur le volet qui se relaient en permanence, que le président soit dans son bureau, en vacances ou encore… au Vatican.
La mallette de la marque Zero Halliburton porteuse des codes nucléaires. |
Plus précisément, la « sacoche d’urgence présidentielle » comporte quatre choses principales, indique dans un livre l’ancien directeur du bureau militaire de la Maison Blanche, Bill Gulley : « Il y a un livre noir qui présente le menu des options d’attaques ; une liste des bunkers sécurisés où le président peut être abrité ; les instructions pour mettre en œuvre l’Emergency Broadcast System ; et une carte de 3 pouces sur 5 avec des codes d’identification afin que le président puisse confirmer son identité. »Cette petite carte de plastique, le « biscuit », est une pièce essentielle du processus. Elle est générée par l’Agence nationale de sécurité (NSA). Elle n’est pas nécessairement placée dans la mallette : le président peut aussi simplement la porter dans ses poches. Par le passé, elle s’est régulièrement fait la malle : Bill Clinton l’aurait égarée plusieurs mois et Gerald Ford l’avait oubliée au pressing.
Une chaîne de déclenchement… sans veto légalLa décision d’utiliser l’arme nucléaire est souveraine : elle ne revient qu’au commandant suprême des armées incarné par le président. « Un président ne peut être stoppé que par une mutinerie, et plus d’une personne (dans l’appareil militaire, ndlr) devrait désobéir à ses ordres » pour l’en empêcher, détaille Kingston Reif, directeur à l’Association de contrôle des armes.« Donald Trump pourrait certes, tout seul, ordonner une frappe nucléaire. Mais cet ordre devrait être vérifié par le secrétaire à la Défense. Dans le cas d’un ordre absurde, le système peut bloquer », assure de son côté à Libération le chercheur Bruno Tertrais, coauteur du livre Le Président et la bombe.En réalité, officiellement, le secrétaire d’Etat à la Défense ne vérifie pas l’ordre, mais l’identité du président. « Est-ce qu’il existe un quelconque droit de regard sur le pouvoir du président de lancer un missile nucléaire qui pourrait détruire des villes ou des pays entiers ?, s’est demandé le New York Times. La réponse immédiate est non, bien que l’histoire montre qu’en pratique, il peut y avoir des moyens de ralentir, voire de faire dérailler la prise de décision. »« Il n’y a pas de veto dès lors que le président a ordonné une frappe », tranche pour le journal new-yorkais Franklin C. Miller, spécialiste nucléaire à la Maison Blanche et au département de la Défense pendant 31 ans. De surcroît, des spécialistes s’accordent à dire qu’il n’y a aucun filet de protection dans le cas d’un président mentalement malade.Quoi qu’il en soit, la transmission des codes et de la mallette est au coeur d’un rite de passage entre les présidents. Traditionnellement, ce moment singulier a lieu plusieurs heures avant la cérémonie publique. A l’abri des regards et en comité réduit, le chef d’Etat intronisé est instruit sur sa nouvelle « compétence ». Mais la transmission physique a bien lieu devant tous : « Aux États-Unis, on peut le voir sur les images de l'inauguration : l'officier change de place et se met derrière le nouveau président dès que celui-ci a prêté serment », explique Bruno Tertrais au Figaro.Mais celui-ci est faillible. Aussi le vice-président (Mike Pence en l’occurrence) tient-il lui aussi à sa disposition un « ballon de foot ». Le ministre de la Défense serait le troisième personnage à qui reviendrait l’autorité militaire en cas d’incapacité des deux autres.
Une chaîne de déclenchement… sans veto légalLa décision d’utiliser l’arme nucléaire est souveraine : elle ne revient qu’au commandant suprême des armées incarné par le président. « Un président ne peut être stoppé que par une mutinerie, et plus d’une personne (dans l’appareil militaire, ndlr) devrait désobéir à ses ordres » pour l’en empêcher, détaille Kingston Reif, directeur à l’Association de contrôle des armes.« Donald Trump pourrait certes, tout seul, ordonner une frappe nucléaire. Mais cet ordre devrait être vérifié par le secrétaire à la Défense. Dans le cas d’un ordre absurde, le système peut bloquer », assure de son côté à Libération le chercheur Bruno Tertrais, coauteur du livre Le Président et la bombe.En réalité, officiellement, le secrétaire d’Etat à la Défense ne vérifie pas l’ordre, mais l’identité du président. « Est-ce qu’il existe un quelconque droit de regard sur le pouvoir du président de lancer un missile nucléaire qui pourrait détruire des villes ou des pays entiers ?, s’est demandé le New York Times. La réponse immédiate est non, bien que l’histoire montre qu’en pratique, il peut y avoir des moyens de ralentir, voire de faire dérailler la prise de décision. »« Il n’y a pas de veto dès lors que le président a ordonné une frappe », tranche pour le journal new-yorkais Franklin C. Miller, spécialiste nucléaire à la Maison Blanche et au département de la Défense pendant 31 ans. De surcroît, des spécialistes s’accordent à dire qu’il n’y a aucun filet de protection dans le cas d’un président mentalement malade.Quoi qu’il en soit, la transmission des codes et de la mallette est au coeur d’un rite de passage entre les présidents. Traditionnellement, ce moment singulier a lieu plusieurs heures avant la cérémonie publique. A l’abri des regards et en comité réduit, le chef d’Etat intronisé est instruit sur sa nouvelle « compétence ». Mais la transmission physique a bien lieu devant tous : « Aux États-Unis, on peut le voir sur les images de l'inauguration : l'officier change de place et se met derrière le nouveau président dès que celui-ci a prêté serment », explique Bruno Tertrais au Figaro.Mais celui-ci est faillible. Aussi le vice-président (Mike Pence en l’occurrence) tient-il lui aussi à sa disposition un « ballon de foot ». Le ministre de la Défense serait le troisième personnage à qui reviendrait l’autorité militaire en cas d’incapacité des deux autres.
« Comment lui faire confiance ? »
Barack Obama, pour ne citer que le président sortant, n’a pas pris de gants pour dévoiler le fond assombri de sa pensée : il juge son successeur trop « inconstant » pour se voir confier une arme aussi destructrice. « Comment pouvez-vous lui faire confiance avec les codes nucléaires? Vous ne pouvez pas », avait-il clamé en octobre. « Si quelqu'un ne peut pas gérer un compte Twitter, il ne peut pas gérer les codes nucléaires ».
L’impulsivité du 45e président américain interroge au minimum, et donne carrément des suées dans les cénacles les plus concernés. « A minuit précisément, le contrôle de cette mallette passera dans les mains d’un homme qui a été décrit par les experts sécurité de son propre camp comme manquant de jugement, de tempérance et de connaissance pour commander des armes nucléaires », enfonce encore CNN, dans un éditorial le 18 janvier dernier.
Des déclarations intempestives et contradictoires
Parce qu’il ne sait pas foncièrement de quoi il parle - son ignorance en géostratégie a été étalée sur les écrans de télévisions -, Donald Trump maintient le flou sur sa conception de l’arme nucléaire et de son utilisation. « Je crois personnellement que c’est le plus gros problème du monde, la capacité nucléaire, sa prolifération », confiait-il le 26 mars au New York Times. « Je ne voudrais vraiment pas être le premier à les utiliser », poursuivait-il.
Quelques mois plus tard, il tweetait : « les Etats-Unis doivent grandement renforcer et accroître leur capacité nucléaire tant que le monde n’aura pas retrouvé la raison dans le domaine des armes nucléaires. » Le lendemain, vendredi, il aurait renchéri, lors d’une conversation avec une journaliste de la chaîne d’information MSNBC, Mika Brzezinski. « S’il le faut, il y aura une course à l’armement », aurait-il déclaré, selon la journaliste. « Nous les dépasserons à chaque étape et nous leur survivrons », aurait-il ajouté, visant les rivaux des Américains.
Publié par Par Géraud Bosman-Delzons