La sculpture du lion
La sculpture du Lion n'était pas étrangère à cette ruée : la création d'un centre d'estivage.
La plus célèbre des légendes qui entoure la réalisation du lion d'Ifrane, est sans conteste, celle qui l'attribue à un prisonnier ou un légionnaire. A cette interrogation, les anciens d'Ifrane vous diront, sans trop de précision, que c'était un prisonnier de la Guerre Mondiale. S'agit-il de la première ou la deuxième ? Quant au prisonnier, il est tantôt qualifié d'allemand tantôt d'italien. D'autres encore avanceront que le sculpteur était un légionnaire. Ces faibles présomptions continuent de nourrir les discussions et les réponses de ces jeunes photographes ambulants qui campent autour de la fameuse sculpture. Il fallait donc tenter de résoudre cette équation à plusieurs inconnues…
En consultant les archives de l'époque,
on trouve le nom du sculpteur girondin Henri Moreau. Chargé de travailler au rocher du lion, car le bloc de roche suggérait déjà la forme d'un lion, ce qui allait certainement faciliter la tâche du sculpteur.
Ce dernier est cité dès les mois de mars et d'avril 1930 dans deux courriers séparés recommandant à celui-ci d'une part, l'obtention de réquisitions gratuites aller-retour par train pour le trajet Rabat-Meknès et par C.T.M. pour l'étape Meknès-Ifrane, et d'autre part la mise à sa disposition aussi bien d'instruments que de main d'œuvre, notamment deux ou trois prisonniers, nécessaires à l'accomplissement de la sculpture du lion. Son nom est aussi présent sur les rôles de journées des travaux d'aménagement et d'entretien du Centre d'estivage du 22 avril et du 18 juillet 1930. Selon la lettre du 28 mars 1930, citée plus haut, ce travail qui devra être terminé pour le 20 avril 1930.
Josette Henry-Giorgi (op.cit. p.18) évoque le sujet de la sculpture du lion par : "Je l'ai vu naître sous le ciseau de Monsieur Moreau, professeur. Il fait partie intégrante de mon enfance… au lycée de Rabat….On était au mois de juin [1930]… ". Ce témoignage oculaire est sans équivoque d'une valeur probatoire.
Sculpté, entièrement dans le roc, M. Moreau, de Rabat, que la photo nous montre placé devant son œuvre a eu le mérite de l'exécution de cette sculpture à la fois originale et imposante. Le souvenir est ainsi perpétué.
René H. Henry (op.cit.), ayant travaillé aux côtés de l'architecte Guignard, quant à lui, nous interpelle dans un style un peu nerveux : "Mais parlons du lion d'Ifrane qui n'a pas été taillé par un légionnaire, même poète ou artiste, c'est une légende qui m'agace. Il est l'œuvre de M. Moreau, professeur de dessin au lycée Gouraud de Rabat, où je l'ai trouvé quand j'y ai fait ma 6ème. Je le connaissais pour l'avoir vu tailler le lion à Ifrane." Un autre témoignage plus que révélateur, une autre source sans failles, vient contrecarrer les intrigues qui ne cessent, depuis des décennies, de se tisser autour des origines de la sculpture du lion d'Ifrane.
Plus célèbre que son inventeur, la sculpture du lion d'Ifrane est donc, références à l'appui, l'oeuvre de Henri Jean Moreau (1890-1956), professeur de dessin au lycée Gouraud (Lycée Hassan II) puis inspecteur régional des monuments historiques de Rabat. Elle fut réalisée à la fin du printemps de 1930. Ses dimensions qui peuvent être, sans aucune crainte d'être contredit, qualifiées de monumentales, sont approximativement de 7 m. de long, 2 m. de haut et 1,50 m. de large. (Mohammed El Aouene, op.cit.).
Maintenant que l'énigme est déchiffrée, j'espère mettre un terme aux ergotages qui font encore susciter de longues discussions aussi futiles que vétilleuses autour la sculpture du lion d'Ifrane. Sincèrement j'en ai ma claque d'entendre chaque fois que l'auteur est un prisonnier allemand alors que les services concernés auraient pu tout simplement accoler une petite plaque avec le nom du sculpteur et l'année de son exécution.
En conclusion : Le lion fut sculpté par un professeur de dessin du lycée Gouraud de Rabat durant les années 1930 et 1931, il s’agissait du sculpteur Henri Moreau. Monsieur Moreau disparut sans laisser sa signature.