Dans le quartier des tissus de Lomé, la capitale du Togo, nous pénétrons dans un royaume exclusivement féminin : celui des "Nana Benz". Ces commerçantes, souvent illettrées mais extrêmement débrouillardes, ont bâti entre les années 1970 et 1980 un empire du textile couvrant toute l’Afrique de l’Ouest. Spécialisées dans la vente de tchigan - des pagnes en wax hollandais réputés pour leur excellente qualité -, les "Nana Benz" ont été les premières femmes millionnaires, voire milliardaires, du continent. Leur règne a marqué le début de l’émancipation de la femme africaine. Réalisant des chiffres d’affaires colossaux, elles ont fait construire des villas de luxe dans les quartiers résidentiels de Lomé, acheté des appartements en Europe et importé au Togo les premières berlines allemandes, les fameuses Mercedes Benz. Leur surnom était né.
Depuis, les Porsche ont remplacé les Mercedes et le règne sans partage des Nana Benz s’est affaibli. Au début des années 2000, les commerçantes ont dû composer avec la concurrence chinoise, qui a inondé le marché togolais de tissus fabriqués à Shanghai et vendus dix fois moins cher...
Réinventer le métier
Mais la jeune génération, les "Nanettes", compte bien défendre son pré carré du textile. Ces jeunes Togolaises mettent à profit leurs études universitaires parfois réalisées en Europe et s’efforcent de réinventer le métier. Pour rester compétitives, certaines se sont lancées dans le prêt-à-porter et exportent dans le monde entier. Elles se sont même résignées à accepter ce qui était inconcevable pour les anciennes générations : créer des collections à partir de tissus importés de Chine... D’autant qu’elles profitent d’une embellie avec l’arrivée du wax sur les podiums de grands couturiers occidentaux, comme Dior.