La richesse du Touat en eaux souterraines a permis, au cours des VIe- IXe siècles, le percement d'un extraordinaire système de captage et d'adduction d'eau, particulièrement adapté pour couvrir les besoins du pays et lutter contre l'aridité du sol sans laisser prise à l'évaporation, considérable dans cette région du Sahara.
La foggara est conçue sur le modèle des « qanat » de Mésopotamie et Perse, dont Hérodote a fait mention dès le Ve siècle avant Jésus-Christ. « Le travail de creusement progressait d'aval en amont, c'est-à-dire qu'on a attaqué la nappe souterraine à son point d'affleurement et qu'on a poussé la galerie horizontale jusqu'à ce que le débit soit devenu suffisant ».
Le mot foggara, à l'étymologie incertaine, rappelle les formes arabes « f'qr » (creuser) et « fedjara » (donner une issue à l'eau, la faire couler).
La foggara est une canalisation souterraine construite pour alimenter les jardins lorsqu'il n'est pas possible de creuser des puits. C'est un boyau de 2 à 10, voire 15 km de développement et de 1 m à 1,20 m de diamètre, ce qui permet le déplacement d'un homme courbé lorsqu'il faut effectuer des travaux d'entretien. En surface, les cônes de déblais (maçonnés en ville) jalonnent le trajet de la foggara entre la nappe et le bassin de réception. Construits tous les 12 à 15 m, ils protègent l'orifice en permettant de surveiller l'écoulement et, au besoin, de descendre dans la foggara pour déblayer le point précis de la galerie qui viendrait à être obstrué.
Il est à remarquer que, si l'eau ruisselle à environ 8 ou 10 m sous la surface, la pente légère (quelques millimètres de dénivelé par mètre), assure la continuité de l'écoulement, plus importante que le débit.
Au débouché de chaque canalisation, dans la palmeraie, l'eau se déverse dans un bassin; à la sortie, l'eau passe par une plaque de cuivre - ou de terre cuite - percée de trous (« chebka »), puis par un dispositif répartiteur (« kassis » ou « kesra »: peigne) pour être redistribuée par les « séguias » (rigoles) qui parcourent la palmeraie, vers les jardins, après que son débit ait été soigneusement mesuré.
Si l'ingéniosité du procédé réside dans sa conception et son adaptation aux conditions du climat saharien, en limitant l'évaporation au minimum, il assure un approvisionnement à débit sans risque constant de tarir la nappe - il a permis de créer une agriculture en plein Sahara et de supprimer les corvées épuisantes qui, ailleurs, prennent l'essentiel du temps des habitants.
« Il ne pleut pour ainsi dire jamais au pays des fgagir. Et cependant, depuis plus de dix siècles, à chaque heure, la moindre foggara soutire plusieurs mètres cubes d'eau souterraine dont le remplacement pluviométrique est manifestement impossible ».
«En utilisant quelques suintements après un labeur énorme et une dépense stupéfiante d'ingéniosité, l'homme (….) a fait naître une agriculture savante, intensive, ce qu'on connaît de plus évolué en matière d'agriculture... ».
N.B. Lorsque le niveau d'eau a baissé dans une foggara, il faut pour atteindre la nappe, soit prolonger la foggara en amont, soit en recreuser le fond.
Au Touat, la plupart des foggaras sont orientées dans le sens est-ouest: issues du plateau de Tademaït, ce véritable « château d'eau », elles se dirigent, suivant une ligne perpendiculaire, vers les palmeraies.
Vestiges sans doute d'un « système primitif », celles de Tamentit ont la double particularité d'être orientées sud-nord et de passer sous le ksar, ce qui exclut un percement postérieur à la construction de la ville (Vle siècle). La foggara Hennou en est l'exemple type : alimentée par l'eau d'une source - contrairement à toutes les autres - elle est une des plus anciennes.
Ici la foggara est dite « horaire » et le système de distribution de l'eau dans la palmeraie très différent, puisqu'il s'agit d'une répartition non en quantité mais en volume; nul besoin, donc, de « peignes » et de « séguias » (canaux d'irrigation). Il suffit d'obstruer la foggara une ou deux fois le jour pour atteindre le niveau requis, puis de la libérer pour un temps donné, proportionnel à la contribution versée par le bénéficiaire.
Les foggaras ont fait l'originalité et le renom du Touat qui possède environ 950 de ces galeries souterraines, soit au total, quelques 2000 km (4000 km pour tout le Sahara).
Si certaines, obstruées et laissées à l'abandon faute de main-d'œuvre pour les entretenir, sont mortes, de nouvelles sont encore creusées à l'époque actuelle, la dernière en date ayant été creusée en 1984.
Pour les anciens, les premières foggaras furent l'œuvre des juifs: « La foggara Hennou de Tamentit ( ... ) serait l'ouvrage des Juifs ( ... ), les ruines du ksar juif d'Ar'lad dans l'oasis de Tamentit semée de ruines de ksour auxquelles le souvenir des Juifs reste attaché ».
« Au Gourara et dans tout le Touat septentrional, les beaux travaux d'irrigation, orgueil des oasis, aqueducs souterrains, puits artésiens, les traditions en font honneur aux Juifs ».
« La gloire des oasis ce sont leurs fgagir. La foggara Hennou de Tamentit et toutes les foggaras mortes comprises entre Zaouiet Sidi Bekri et Beni Tameur seraient l'ouvrage des Juifs ».
Il semble assez probable, en effet, que les maîtres d'œuvre, avant le Xe siècle, aient été des Juifs, au moment où le Touat, plaque tournante du commerce transsaharien, voyait arriver à Tamentit de nombreuses caravanes, dont il fallait abreuver les centaines de chameaux. Les Musulmans ont poursuivi l'action et développé le réseau existant à partir du XIe siècle.
Toutefois, il importe de donner au verbe « creuser » un sens factitif et de rendre justice aux véritables artisans de cette vaste et dangereuse entreprise; car, si le principe fut importé de Mésopotamie par des concepteurs et entrepreneurs judéo-berbères ou musulmans, au Touat, la mise en œuvre et la réalisation de ces travaux titanesques ont nécessité l'utilisation d'une nombreuse main-d'œuvre africaine et asservie qui, au long des siècles, a affronté les conditions terribles imposées par le terrain et le climat, au prix d'immenses efforts, de sueur et de sang.