Le Maroc rural des débuts du protectorat, les coutumes de la maison royale, l'entrée du pays dans la modernité par la voie du colonialisme puis la lutte pour l'indépendance, et l'affaire Ben Barka... British Pathé rend publiques des vidéos d'époque, certaines inédites.
Des images rares, certaines n'ont jamais été diffusées jusque-là. Le fonds d'archives de British Pathé, mis en ligne le 13 avril dernier, regroupe quelque 85.000 vidéos, dont plus de 200 sur le Maroc.
C'est un grand pan de l'histoire coloniale et postcoloniale du royaume qu'il est possible de consulter en un clic. La plus vieille vidéo du fonds d'archives a été filmée durant la période 1910 à 1919, marquant les débuts des protectorats français et espagnol. Elle offre une balade dans le Maroc du début du siècle, ses ruelles bondées, les étals des marchés et les femmes avec leur "Ngab" et parfois des ombrelles.
Au-delà des images d'Épinal, les vidéos proposées par Pathé s'intéressent surtout à l'actualité du pays et aux traditions de la Cour marocaine, qui fascinent le public occidental. En 1938, Mohamed Ben Youssef préside une cérémonie célébrant le ramadan.
Le sultan, qui n'avait pas quitté son Palais depuis 3 ans, relate le commentateur, sort faire la prière et va la rencontre de son peuple. C'est aussi la dernière fois qu'il se déplace dans le carrosse offert par la reine Victoria à la couronne Alaouite en 1873. Le carrosse sera ensuite remplacé par une voiture moderne, et ne sera plus utilisé que pour les grandes occasions.
Moulay Hassan et Ali Baba
Une autre vidéo, inédite, met en scène le jeune prince héritier Moulay Hassan. Intitulé "Le Petit Sultan chez Ali Baba", le document qui date de la période 1930-1939 montre le futur Hassan II en habits d'apparat. Timide, il reçoit une poupée offerte par son comité de réception. "Prince… and baby", une autre curiosité de cette collection d'inédits, immortalise une visite de l'héritier du trône en France. Durant cette visite, le jeune Moulay Hassan chante une comptine pour le plus grand plaisir des invités qu'on imagine sous le charme du jeune prince marocain.
En 1935, à l'occasion de la fête du trône, le sultan Mohammed Ben Youssef
observe de son balcon lebal des courtisans mêlé à celui des autorités du protectorat.
Des gâteaux marocains et du thé sont offerts aux jeunes enfants, pour cette fête populaire.
Les femmes du Sultan
Plus dramatiques, les vidéos immortalisant l'exil imposé au sultan en 1953. Des images rares des femmes du harem royal, s'apprêtant à suivre Ben Youssef dans son exil, sont diffusées sur la chaîne YouTube. Pudiques, les femmes du Palais portent toutes les mêmes habits: une djellaba, des gants noirs, un "Ngab" et de petites valises. Elles embarquent à bord d'un bus aux vitres cachées par des rideaux.
Pendant ce temps au Maroc, le colonisateur français remplace le souverain par Ben Arafa. Un Alaouite, certes, mais surtout un vieillard docile soutenu par le Pacha Glaoui.
On découvre de nouvelles images de la tentative d'assassinat du sultan Ben Arafa à Marrakech en 1953. Un coup de feu retentit et on voit le corps de l'assaillant, Allal Ben Abdellah, gisant sur le sol, mais encore en vie. Ben Arafa est escorté dans l'urgence jusqu'à l'intérieur d'un véhicule.
De Mohammed V à Hassan II
En 1955, Mohammed Ben Youssef rentre d'exil et retrouve son trône sous le titre de Mohammed V.
L'émotion du peuple est sincère. Le roi du Maroc est accueilli en libérateur sous les applaudissements de la foule. Ben Arafa est filmé, entouré d'officiels français, devant le parvis du palais. Une page de l'histoire du pays se tourne. On retrouve la même émotion à la mort du roi, en 1961.
Pleurs, cris et évanouissements accompagnent le cortège funéraire.
Commence alors le règne de son fils, Hassan II. Un enregistrement rendu public pour la première fois montre le nouveau roi accueillant à Rabat les dirigeants des jeunes États indépendants d'Afrique du Nord, les présidents Bourguiba (Tunisie) et Nacer (Égypte).
Mais l'euphorie de l'indépendance passée, les problèmes d'équilibre des pouvoirs font surface. C'est dans ce contexte que le leader socialiste marocain Mehdi Ben Barka est enlevé en 1965, puis assassiné dans des circonstances encore inconnues aujourd'hui. Un reportage immortalise l'ajournement du procès des assassins présumés: on aperçoit le commandant Ahmed Dlimi, qui avait répondu à la convocation de la Justice française.
1967. La couleur fait son entrée. Le Maroc traverse toujours une crise politique, l'économie est exsangue, mais les grandes villes ne sont pas encore surpeuplées. Le centre-ville de Casablanca est moderne et rutilant. Les paysages de l'arrière-pays sont resplendissants, tandis que la vie dans les médinas semble rappeler les images du début du siècle, la couleur en prime.
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