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Kadhafi, les dernières heures d'un tyran

Kadhafi
Vendredi 21 octobre 2011, la dépouille de Muammar Kadhafi 
repose dans la chambre froide d’un entrepôt de fruits
 et légumes du grand marché de Misrata.


À l'occasion de la diffusion de notre podcast "Le jour où j'ai eu le cadavre de Kadhafi à mes pieds", redécouvrez le reportage d’Alfred de Montesquiou consacré aux dernières heures du tyran, publié dans Paris Match en 2011…     En 2011, Alfred de Montesquiou grand reporter à Paris Match est envoyé en Libye pour couvrir la chute du dictateur Mouammar Kadhafi. Dans le premier épisode de "Paris Match Stories", produit par Europe 1 Studio, il raconte le jour où il a vu le cadavre du Raïs à ses pieds et son enquête pour trouver qui l'a tué.

À l'occasion de la diffusion de notre podcast, redécouvrez le reportage d’Alfred de Montesquiou consacré aux dernières heures du tyran, publié dans Paris Match en 2011…
À l'occasion de la diffusion de notre podcast, redécouvrez le reportage d’Alfred de Montesquiou consacré aux dernières heures du tyran, publié dans Paris Match en 2011…

Kadhafi, mort d'un tyranDe notre envoyé spécial à Syrte et à Misrata Alfred de Montesquiou
Enfin ! Jeudi 20 octobre, huit mois après le début des émeutes et de leur répression à l’arme lourde, Syrte, la ville natale de Kadhafi, est tombé. C’était l’ultime bastion des loyalistes. Le dictateur s’y était réfugié avec ses fidèles à la fin août quand Tripoli, la capitale, était passé aux mains des « thuwars » (les combattants) qui avaient détruit son bunker. Il croyait encore en une contre-offensive qui l’aurait ramené au pouvoir. Muammar Kadhafi a été capturé alors qu’il tentait de fuir, puis il a été abattu. Nos reporters ont retrouvé les derniers complices du combat du « Guide » et les groupes de rebelles qui ont mis fin à sa cavale. Dimanche, le Conseil national de transition a proclamé la libération du pays. Un long cauchemar de quarante-deux ans s’achève. Il aura fait des milliers de victimes.
C’est seulement lorsque les balles de tirs directs se sont mises à frapper les murs de sa maison que ­Kadhafi a décidé de fuir. Jusqu’au bout, il voulait résister. Terré dans le « District 2 », au cœur de sa ville natale de Syrte dévastée par les bombardements, presque sans nourriture, avec très peu d’eau, le Guide déchu a cru pendant des semaines pouvoir encore organiser la contre-attaque. Mais les tirs sont à présent trop proches. Les kadhafistes ne tiennent plus que trois pâtés de maisons et vivent dans la crainte d’une frappe aérienne de l’Otan.
Dirigés par Moatassem, le fils le plus radical de Kadhafi, ils ne sont guère plus d’une centaine à former un dernier carré de fidèles. Eparpillés dans les ruines et sur le toit des immeubles restés debout, ils constituent l’ultime chaîne de protection contre la fureur vengeresse des ­Libyens. Mercredi soir, Moatassem fait charger les pick-up d’armes et de carburant pour tenter une percée. Chaque voiture est rangée dans une cour ou cachée parmi des débris. Au petit matin, le jeudi 20 octobre, la colonne d’une quarantaine de véhicules prend la fuite. Armés jusqu’aux dents, les combattants espèrent se glisser entre les lignes pendant que les rebelles dorment encore.
« La voiture où je suis monté avec El Kadhafi était vers l’arrière du convoi. Le Toyota Land Cruiser n’avait rien de ­particulier, à part un léger blindage », ­explique Mansour Daw, bras droit du dictateur et l’un des seuls survivants de l’expédition. Sans presque ouvrir le feu, la colonne parvient à sortir du centre-ville. Mais si les premières lignes rebelles, épuisées par des semaines de combat, ne voient rien passer, un drone américain repère la troupe qui tente de filer. Ils espéraient atteindre la bourgade ­natale de Kadhafi, là où, selon la légende, il est né sous une tente de Bédouins, en lisière du désert, il y a soixante-neuf ans. Mais, dans la banlieue de Syrte, le drone Predator tire un missile en travers de la route, frappant trois des voitures. L’Otan ne sait pas qu’il s’agit du convoi de ­Kadhafi et le missile rate sa voiture. Mais le souffle enclenche les airbags, et Mansour Daw est touché par du shrapnell.
Ce ne sont pas tant les morts qui ­arrêtent les fuyards – ils laissent derrière eux un sillage de cadavres – que la propagation de l’alerte. Il est 9 heures du matin et les rebelles sont debout. Pour son malheur, la colonne de Kadhafi a choisi le chemin de l’ouest, espérant ­regagner le désert pour foncer vers le sud, chez les Touareg. Mais l’ouest de la ville est tenu par les insurgés venus de Misrata, la cité côtière que l’armée du dictateur a assaillie pendant des mois. Les survivants sont devenus les plus ­farouches guerriers de la rébellion. Ce sont eux qui ont fait basculer la bataille de Tripoli et ont chassé Kadhafi de sa capitale, en août dernier. A l’appellation de « ville martyre », ils préfèrent maintenant « Misrata : l’usine à fabriquer des hommes ». C’est dans Misrata que le haut commandement rebelle tient ­aujourd’hui Mansour Daw au secret, sous bonne garde, pour éviter qu’il soit exécuté par la foule comme Moatassem, capturé vivant jeudi, et dont le corps gît à présent, défiguré, à côté de celui de son père. Un des commandants, avec qui nous étions en avril dernier pendant le siège de Misrata, accepte de nous le faire rencontrer. Longtemps chef des redoutables gardes populaires, considéré comme le numéro trois du pouvoir ­occulte qui régna sur Tripoli, Mansour Daw était une des terreurs du régime Kadhafi. Les commandants rebelles lui parlent encore avec un peu de crainte, et avec le respect dû à l’ennemi qui n’a pas flanché. Après l’avoir tant haï, ils ont fait soigner le vieil homme et assurent qu’il aura un procès équitable.
Le fidèle lieutenant lâche par bribes la vérité sur les dernières semaines du tyran. « On a dit que j’étais parti au Niger après la chute de Tripoli, mais c’est faux. Je suis toujours resté avec El Kadhafi », raconte Mansour. Contrairement à ce que beaucoup suspectaient, le groupe n’avait plus de cash ni de lingots d’or. « On a quitté Tripoli si vite qu’on a pris seulement ce qu’on pouvait porter », ­affirme Mansour. Replié à Beni Oulid, à 170 kilomètres au sud de la capitale, Kadhafi a fait ses adieux à sa famille vers la fin du mois d’août. Un convoi avec sa femme, sa fille et deux de ses fils, inutiles au combat, s’est glissé vers le sud pour atteindre la frontière algérienne. Saïf al-Islam, le fils le plus important, est resté sur place pour tenter d’organiser une résistance. Kadhafi, lui, est parti ­directement pour Syrte, escorté par Moatassem et sa garde prétorienne. « Ça faisait des mois qu’on lui disait d’abdiquer puis de quitter la Libye. Mais pas une seconde il n’a envisagé de partir. »
Kadhafi saigne abondamment. Il ne peut plus courir. Son fils Moatassem et les hommes valides prennent la fuite.
Caché dans des maisons banales de Syrte « parce qu’il n’y avait plus de bunker », le groupe n’a plus aucune nouvelle de l’extérieur. Les hommes de Moatassem organisent la résistance tout autour, mais ne s’approchent jamais de Kadhafi. « Nous avions bien un téléphone satellite, mais on ne l’allumait pas, pour ne pas se faire repérer par les Américains. »
Dans la dernière maison, ils ne sont plus que douze autour de leur Guide. Quand le cuisinier est blessé par une ­roquette, ils se mettent à la popote à tour de rôle : rations de riz, macaronis. Rapidement, la nourriture vient à manquer. « El Kadhafi restait le maître, mais dans la maison nous étions tous égaux », ­explique Mansour, racontant comment le groupe finit par ne se partager que du pain coupé d’eau sucrée. « Le Guide ­lisait le Coran et ne parlait presque plus. » Pendant des semaines, Kadhafi reste convaincu qu’il peut rallier les hommes de sa tribu, les Kadhafa, et reprendre le pouvoir. Dans Syrte, ils sont encore environ 400 à contrôler le centre-ville. Mais, chaque jour, il en meurt une poignée. Chaque nuit, deux ou trois prennent la fuite. « Les Kadhafa nous ont lâchés. Ils partaient en voiture avec des femmes, en faisant semblant d’être des civils », se souvient Mansour.
Ce n’est que début octobre, lorsque les rebelles parvinrent enfin dans le ­centre de Syrte, que Kadhafi prit conscience de sa perte imminente. « A partir de là, ce fut fini, il attendait la mort. » Moatassem refuse pourtant de mourir dos au mur. C’est lui qui convainc son père, jeudi matin, de monter dans le dernier convoi. Tiraillant sous le feu qui s’intensifie, la colonne parvient à faire quelques centaines de mètres après la frappe du drone. Ils coupent vers la grand-route à travers une prairie ensablée. Presque hors de Syrte, dans la banlieue de Mazrat Zafaran, à 5 kilomètres du centre-ville, ils tombent sur la position de la Khatibat Nimr, la « brigade du tigre ». C’est une des unités les plus aguerries de Misrata, et les hommes clouent la caravane sous un déluge de feu. Le convoi forme alors le cercle pour protéger son chef. La bataille, d’une ­férocité extrême, dure jusqu’au milieu de la matinée. Tout autour, les rangées d’eucalyptus sont sectionnées à mi-hauteur. A court de munitions, les rebelles appellent en renfort une autre brigade, la Khatibat al-Khirane, dont les recrues viennent d’un faubourg pauvre de Misrata. Mal équipée, presque sans uniformes, cette seconde unité doit ­encercler puis ratisser la zone.
Il est près de 11 heures du matin quand les jets français de l’Otan interviennent. « Ils ont largué deux bombes au milieu de notre troupe. Ça a fait un carnage », se souvient Mansour Daw. Maintenant couché sur un matelas souillé, dans une maison de Misrata transformée en prison, le fidèle parmi les fidèles a le visage tuméfié de shrapnell, et plusieurs éclats dans le dos et le bras. « Comme nos voitures étaient chargées d’essence et de munitions, tout a brûlé », explique le rescapé. A Mazrat Zafaran, on peut voir le large cratère laissé dans le sable par un des missiles français. Les carcasses retournées et ­calcinées d’une vingtaine de voitures s’entassent alentour. Des corps gisent encore dans certains véhicules, carbonisés dans des positions atroces alors qu’ils tentaient de fuir. Un homme aux jambes arrachées a laissé une longue coulée de sang en rampant loin du brasier et des caisses de munitions en train d’exploser. Il a fini quelques mètres plus loin, les yeux écarquillés de douleur.
Au centre, près de l’impact, les ­rebelles ont déjà mis 40 corps dans des gros sacs de toile blanche. Malgré l’odeur de putréfaction et les nuées de mouches, Ali el-Ozli, un combattant de Benghazi, les rouvre un à un pour regarder chaque visage mangé d’asticots. « Je ne fais pas ça pour m’amuser, dit-il. Je cherche mon cousin. C’était un médecin et les kadhafistes l’avaient pris comme bouclier ­humain pendant leur retraite. »
Blessé à la tête lors de l’explosion, Kadhafi saigne abondamment. Il tient debout mais ne peut plus courir. Son fils Moatassem et les derniers hommes valides l’abandonnent pour fuir à pied, talonnés par les ­rebelles de la « brigade du tigre ». Mansour Daw reste avec son maître. « Je le soutenais par l’épaule et on s’est mis à marcher à travers les arbres. » Il n’y a plus avec le Guide que Abou Bakr Younis Jabr, le chef de sa sécurité personnelle, et une poignée de gardes du corps. En marchant 140 pas en direction du nord depuis le site de la frappe française, ils arrivent à découvert près d’une large route surélevée. « On voyait d’autres ­rebelles qui s’avançaient vers nous en ­tirant, alors j’ai fait entrer El Kadhafi dans le tunnel pour le mettre à l’abri. » Il s’agit en fait de deux grosses buses de drainage qui passent sous la route. Bakr Younis Jabr pénètre dans celle de gauche, Mansour entre avec ­Kadhafi dans celle de droite.

Après tant d'années de pouvoir absolu, il est seul, fait comme un rat

« Mais c’était trop étroit pour nous deux, alors j’ai fait demi-tour pendant qu’il avançait à quatre pattes vers la sortie, de l’autre côté. » Après quarante-deux ans de pouvoir ­absolu, le dictateur libyen est maintenant seul. Comme un rat dans ces égouts d’où il prétendait, il y a quelques mois, déloger les rebelles. Sur la route, les combattants de la seconde unité, la Khatibat al-Khirane, nettoient les derniers éléments kadhafistes. « Ça tirait encore énormément à ce moment-là », raconte leur chef, Omar Shebani, 37 ans, ingénieur en hydrocarbures avant la révolution. Les gardes du corps de Kadhafi sont en civil, et Omar ne les reconnaît pas. « L’un d’eux a mis son chèche sur sa kalachnikov, pour se rendre. Mais quand on s’est approchés, les autres l’ont abattu et nous ont tiré dessus. » Après quelques minutes, un des ennemis rend néanmoins les armes. Pour tenter d’avoir la vie sauve, il choisit de trahir. « Il nous a dit : “Saïdi, saïdi [notre seigneur], il est dans le trou.”» Omar, qui ne comprend pas de qui il peut s’agir, pense que ce doit être un officier. « Dans un combat comme ça, on ne peut pas tout vérifier. Mais là, j’ai décidé d’envoyer un groupe inspecter en contrebas. »
Six hommes s’approchent de la sortie des buses. « Honnêtement, je mourais de peur », raconte Nabil Darwish, 24 ans, mécanicien dans le civil. En s’approchant de la buse de droite, les hommes se font cribler de balles par Bakr Younis Jabr, le chef de la sécurité, qu’ils exécutent. « Ensuite, j’ai vu qu’il y avait quelqu’un qui ne tirait pas dans le tunnel de gauche, alors j’y suis allé », explique Omrane Shaabane, un étudiant en électricité de 21 ans. Le jeune homme s’enfonce dans le tunnel. « On l’a ­entendu crier : “C’est Muammar, c’est Muammar !” Je n’y croyais pas », raconte Ahmed Ghazal, le vendeur de kebabs de 21 ans qui gardait l’entrée. Dans la pénombre, Omrane Shaabane arrache tout de suite le pistolet que Kadhafi ­tenait, sans faire feu, dans la main droite. « Je l’ai tiré dehors par le col de sa veste. » Il restait trois balles dans le barillet du petit Smith & Wesson de Kadhafi, un 357 Magnum à six coups. A l’air libre, le groupe encore perplexe palpe le prisonnier. Dans leurs locaux de Misrata, ils exhibent maintenant leurs prises : un Browning en or ciselé que Kadhafi portait dans un baudrier sur le flanc, une kalachnikov et un fusil-mitrailleur FN Fal qui se trouvaient dans le tunnel, et la bottine gauche du dictateur.
Comme Mansour Daw, ils disent que Kadhafi n’avait encore qu’une seule blessure ­sérieuse, à la tempe gauche, causée par des éclats. « Il saignait et n’avait plus l’air d’avoir toute sa tête », se souvient ­Mohamed Lahwek, le chef du groupe des six, qui traîna ensuite Kadhafi jusqu’à sa voiture pour l’évacuer. Si les vidéos filmées par téléphones portables et vite diffusées sur Internet montrent des scènes de lynchage, Mohamed ­Lahwek et les autres affirment qu’ils ne l’ont pas commis. Sur les images, on devine que Kadhafi implore grâce. Mais ses seules paroles claires lors de sa capture – les six sont formels sur ce point – ­furent prononcées un peu plus tôt, en sortant du tunnel. « Il a cligné des yeux et nous a regardés, raconte Omrane Shaabane. Il semblait paumé et nous a juste dit : “Kheir, kheir. Chenou fi ?”» Ainsi vont les derniers mots du dictateur, en dialecte arabe libyen : « Ça va, ça va. Vous me voulez quoi ? »
La suite est ambiguë. « Il n’y avait presque plus de coups de feu à ce stade », affirme le commandant Omar Shebani, même si les autorités du Conseil national de transition ont ensuite déclaré que le tyran était certainement mort d’une balle perdue dans les derniers instants du combat. Mohamed Lahwek, qu’on voit sur nombre de vidéos essayant de protéger Kadhafi contre la foule enragée, déclare qu’il était encore semi-conscient quand il l’a pris dans son pick-up. Ni lui ni ses hommes ne veulent expliquer les deux balles qu’il a ­reçues dans le poumon droit. Le regard un peu fuyant, ils affirment ne pas se souvenir des coups de poing et de pied qu’on voit pleuvoir sur Kadhafi dans une des vidéos qui circulent sous le manteau dans Misrata. Ni des mains arrachant des touffes de cheveux de la tête ensanglantée du dictateur à genoux, ­vomissant de gros caillots de sang. Ni d’un jeune rebelle qui affirme, dans une autre vidéo, avoir tiré à bout portant sur le prisonnier. « Il faut comprendre, ça fait quarante-deux ans qu’il est pire que le diable. Pour nous, ce n’est même plus un homme », explique Mohamed ­Lahwek, qui affirme pourtant l’avoir livré en vie à la première ambulance. Vers 12 h 30, à la sortie de Syrte, Holly Pickett voit passer l’ambulance bourrée de monde.
« Les rebelles étaient entassés à l’intérieur, certains assis sur ­Kadhafi. Ils disaient qu’il était mort, mais je n’ai pas pu vérifier », explique la photographe free-lance américaine. Elle voit le véhicule arriver au premier dispensaire. Plutôt que de sortir Kadhafi, les ambulanciers rebelles paradent avec le véhicule sur le parking, puis s’en vont vers un second hôpital, 50 kilomètres plus loin sur la route de Misrata. Ils ne s’arrêteront plus jusqu’à la lisière de la ville côtière, devant le grand marché de Souk al-Arab, où ils déposent jeudi après-midi le corps de Kadhafi dans une grande chambre froide destinée à la viande. On peut y voir les Libyens qui, par centaines, font la queue pour défiler en silence devant le cadavre déjà jaunâtre. Il repose sur un vieux matelas, torse nu, couvert de balafres et d’ecchymoses, entouré de son fils Moatassem et d’Abou Bakr, son chef de la sécurité, tous deux encore plus mutilés.
Le CNT affirme vouloir rendre la dépouille du Guide à sa famille, mais presque tous suspectent qu’on l’enterrera à la va-vite dans un coin de désert. Tandis que, dimanche, le gouvernement transitoire déclare officiellement la Libye libérée, on préfère voir les restes de Kadhafi disparaître pour de bon... Devant le tunnel de ses derniers instants, les rebelles accourent déjà en masse pour se prendre en photo. Ahmed Amari, un jeune garçon coiffeur de Benghazi, pose devant le trou pendant que ses amis filment la scène, kalachnikov dans une main et téléphone portable dans l’autre. Ahmed s’adresse à Bachar El-Assad, le président syrien qui, depuis des mois, réprime lui aussi dans le sang sa propre révolte populaire. « Regarde bien ce trou, Bachar : c’est là que finissent les dictateurs. Et c’est toi le prochain. »
Alfred de Montesquiou
Ses derniers mots : « Ça va, ça va. Vous me voulez quoi ? »
Sur cet extrait d’une vidéo filmée avec un mobile, Kadhafi, malmené par les rebelles, saigne abondamment. Il ne lui reste que quelques instants à vivre.
Sur cet extrait d’une vidéo filmée avec un mobile,
 Kadhafi, malmené par les rebelles, saigne
 abondamment. Il ne lui reste que
 quelques instants à vivre.
Ce pitoyable vieillard ensanglanté et désorienté était hier le maître du pays. Lui qui traitait les révolutionnaires de « rats » a été extrait d’une buse d’évacuation des eaux où il se terrait. A peine capturé, il est déjà filmé par des téléphones portables sortis des poches des combattants. Aussitôt envoyée sur Internet, l’image du Guide déchu, bousculé, lynché par ses vainqueurs, fait le tour du monde grâce à YouTube et aux réseaux sociaux. Une image qui pour tout un peuple signe la fin de la guerre. La Libye est libérée de son tyran. Mais Kadhafi est mort dans des circonstances encore troubles. Il ne pourra jamais répondre devant son pays et le monde entier des crimes qu’il a commis.
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