CONCEPTION DE LA VIE
Pour les Khmers, qui sont pour la plupart bouddhistes, la vie terrestre n’est qu’un moment dans une longue existence jalonnée par des incarnations successives qui ne se terminent qu’au jour de l’anéantissement final. A l’instant même de la mort du corps qui l’abrite, l’âme se réincarne dans un nouveau corps. Une âme qui a habité un corps humain peut se réincarner dans une forme animale ou dans une plante.
Au moment de se séparer de son enveloppe terrestre, l’âme est libre de choisir l’état dans lequel elle reviendra dans ce monde, mais le désir qu’elle exprime s’accomplira à ses risques et périls. Si elle choisit une condition au-dessus de ses capacités, elle peut faillir à ses obligations et à ses devoirs, commettant ainsi des fautes susceptibles de lourdes sanctions dont l’envoi à l’enfer irrémissible.
Les âmes qui ne tombent pas dans cette extrémité doivent, d’incarnation en incarnation terrestre, justifier d’une épuration évolutive jusqu’au moment où l’épreuve n’est plus nécessaire et où elles cessent de se réincarner.
Pour résumer, chaque corps humain n’est que l’enveloppe terrestre provisoire d’une âme. Chaque être vivant se trouve dans la condition que lui permet le degré d’évolution de son âme. Il doit donc accepter la situation qu’il occupe sur la terre, car elle lui est assignée par la justice divine.
La conception de la vie telle qu’elle vient d’être présentée très sommairement explique la superstition des cambodgiens. Leur monde est rempli de génies de toute sorte : génies domestiques, génies des fleuves et cours d’eau, génies des forets… Ces génies sont souvent protecteurs et se laissent fléchir moyennant quelques cérémonies propitiatoires.
GÉOGRAPHIE ET CLIMAT DU CAMBODGE
Le Cambodge se situe dans le sud la péninsule indochinoise et fait partie des pays de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est). De forme plus ou moins carrée, il est entouré par la Thaïlande à l’Ouest et au Nord, par le Laos au Nord-Est, par le Vietnam à l’Est et au Sud-Est, finalement par le golfe du Siam au Sud, avec une bordure maritime de plus de quatre cent kilomètres.
D’une superficie de 181 035 km², le Cambodge est constitué d’un grand lac central, puis de plaines et de pénéplaines butant sur une sérié de crêtes et massifs montagneux ; géographie particulière, pays d’eau et de fleuves, source de la richesse des anciens royaumes. Les repères géographiques les plus importants sont le lac Tonlé Sap et le fleuve Mékong. Le Tonlé Sap, le plus grand lac d’eau douce en Asie du Sud-Est, a une superficie de près de 2 700 km² en saison sèche (février à mai), se voit quasiment multipliée par six quand arrivent les pluies de mousson. Le Mékong quant à lui traverse le pays sur une longueur de près de cinq cent kilomètres et, lors de ses crues, fertilise les plaines voisines.
La plus grande partie du territoire, environ 75 %, se trouve donc dans le bassin du Tonle Sap et les basses terres du Mékong. Ces bassin et ces basses terres sont bordés de chaînes montagneuses : au Sud-Ouest, les monts des Cardamomes et la chaîne de l'Éléphant, au Nord, les monts du Dangrek, au Nord-Est et à l’Est, ce sont les hautes terres, prolongement occidentaux des Hauts Plateaux du Centre Viêt Nam.
Le climat du Cambodge est un climat de mousson avec des saisons qui s’alternent : la saison sèche (de novembre à mars) et la saison des pluies (d’avril à octobre). La durée de ces deux saisons peut varier d’une région à l’autre.
La saison sèche est plus agréable avec une température de 25 à 30°C et moins d’humidité. La saison des pluies est caractérisée par la chaleur (jusqu’à 35°C en mai).
LA POPULATION
Avant l’arrivée des Khmers rouges au pouvoir en 1975, le Cambodge compte neuf millions d’habitants. Le génocide fait environ trois millions de victimes.
Depuis la fin du régime de Pol Pot, la population cambodgienne croit régulièrement et atteint aujourd’hui plus de quatorze millions d’âmes, dont la moitié a moins de vingt cinq ans.
Pour des raisons historiques, sociales et économiques, cette jeune population reste majoritairement rurale. Les Khmers, qui occupent le pays depuis le début de notre ère, représentent à eux seuls 90% de la population. Les 10% restant se composent de Vietnamiens immigrés, de Chinois, de Chams et de minorités ethniques vivant dans les régions montagneuses.
Les Khmers, majoritairement bouddhistes, peuplent le bassin du Tonlé Sap et les plaines formées par le Mékong. Riziculteur attaché à sa terre, le Cambodgien est sentimental, contemplatif, mystique, nostalgique et très fier de son prestigieux passé (la Constitution cambodgienne de 1993 commence en ces mots : « Nous, le peuple cambodgien, étant héritiers d'une civilisation grandiose, d'une grande Nation prospère, d'un haut prestige étincelant comme le diamant… »).
Les Cambodgiens d’origine vietnamienne, quatre millions environ, vivent essentiellement de la pêche sur le Tonlé Sap ou ont des affaires à Phnom Penh. La population chinoise du Cambodge est de plus en plus importante avec l’arrivée de nouveaux hommes d’affaires. Travailleurs et très solidaires entre eux, ils ont un rôle économique particulièrement appréciable au Cambodge.
Les minorités ethniques, les Proto-Indochinois, constituent d’antiques peuplements humains d’origine austronésienne ou austro-asiatique, divisés en groupes et sous-groupes dont les Kroeungs, les Kacos, les Kachaks, les Jaraïs, les Braus, les Mnôngs Biôt (Phnôngs), les Rhadés, les Tampuas, les Kraols, et les Stiengs. Ces groupes, jadis nomades et parfois organisés en fédérations, vivaient dans une relative indépendance, payant quelques tributs aux royaumes voisins. Protégés par l’épaisseur de leurs jungles et par la peur que celles-ci inspiraient aux étrangers, ils assassinent quelques explorateurs et ne sont véritablement soumis que vers les années 1920, suite à des opérations militaires menées par les Français.
Les Chams fuyant le Vietnam arrivent au Cambodge à la fin du 19ème siècle. Ils sont de confession musulmane, environ 200 000, et vivent à l’écart, le long fleuve du Tonlé Sap, au Sud du Grand lac et dans la province de Mondulkiri.
RAPIDE APERÇU DE L’HISTOIRE DU CAMBODGE
Difficile de rentrer dans les détails de l’histoire du royaume khmer, une histoire à la fois longue, tumultueuse, heureuse et tragique. Nous nous contenterons donc de vous présenter quelques repères.
Selon différentes sources, le Cambodge est né vers le VIème siècle de notre ère. Le quatrième des rois khmers, Brhavavarman, monte sur le trône vers l’an 550. Depuis, l’histoire du royaume peut être divisée de manière plus ou moins exhaustive en cinq périodes successives : l’expansion, le déclin, la colonisation française, le chaos et le retour à la stabilité.
1. Longue période d’expansion et de grandeur (VI-XVIème siècle)
Les anciens voyageurs hindous, arabes et chinois parlaient avec admiration de ce pays doré, couvert de monuments magnifiques, de trésors emplis de pierreries, d’objets sculptés dans l’ivoire ou le cristal, de ces apsaras, les danseuses célestes, évoluant sous les porches ombragés de cité royale.
Vers la première moitié du XIIIème siècle, l’empire khmer connaît l’apogée de sa puissance et de sa splendeur. Il s’étend alors sur une grande partie du Siam, sur le Sud Laos, vers les royaumes du Champa (le Centre du Vietnam) et la Cochinchine (l’actuel delta du Mékong et les provinces le bordant).
C’est durant cette période, et plus particulièrement au XIIème siècle, sous le règne de Javaryaman VII, que les architectes et bâtisseurs khmers conçoivent et édifient Angkor.
2. Période de décadence (du XVIème au XIXème siècle)
Sans cesse déchiré par des conflits fratricides entre héritiers du trône (souvent alliés à des forces extérieures), le pays est en proie à des invasions étrangères provenant du Siam, des royaumes chams et du Dai Viêt. Selon G.H MONOD, la situation du Cambodge va en s’aggravant : son territoire arraché par morceaux, sa population décimée, ses villes somptueuses saccagées et envahies par la forêt, jusqu’à ce que le roi Norodom, en 1863, mit son pays sous la protection de la France.
3. Période de colonisation française (1863 – 1954)
L’arrivée des Français et la mise sous protectorat mettent fin à la décadence du Cambodge. Durant cette période, de nombreux territoires occupés par le Siam sont restitués aux Cambodgiens : Stung-Treng, Mlou-Prei, Battambang, Sisophon, Siem Reap etc.
Certains auteurs parlent même du rôle sauveur de la France qui, après avoir arrêté le déclin de l’empire khmer, met en œuvre un programme de reconstruction du pays.
Après la deuxième guerre mondiale, sous l’effet conjugué de la montée en puissance du nationalisme au Cambodge et de la défaite française en Indochine, l’indépendance du Cambodge est officiellement reconnue en 1954.
4. Période chaotique (1954 – 1990)
Après son indépendance, par une politique de neutralité, le Cambodge connaît une période heureuse sous la direction du roi Sihanouk. Phnom Penh devient la Perle de l’Extrême-Orient.
Le coup d’Etat de 1970, réalisé par le général Lon Nol, l’allié des Américains, ouvre une ère chaotique. Suite à la corruption du régime de Lon Nol, le peuple cambodgien connaît l’un de ses plus grands drames : le dictatorial et sanglant régime khmer rouge. Le génocide réalisé par ce gouvernement maoïste (l’Angkar), hostile aux citadins, aux intellectuels, aux minorités ethniques et aux Vietnamiens provoque près de trois millions de morts en quatre ans, met le pays à genoux et créé un traumatisme sans précédent au sein des populations.
5. Retour à la stabilisation
En 1979, l’arrivée des troupes vietnamienne au Cambodge permet de cesser le génocide et de stabiliser le pays. Au début de la décennie 1990, les troupes vietnamiennes se retirent du Cambodge, et sous l’égide de l’APRONUC (Autorité provisoire des Nations unies au Cambodge), le royaume passe à une nouvelle période de paix, de reconstruction et de démocratisation.