Plus de 2.000 Rohingyas se sont massés le long de la ôte birmane après avoir fui leurs villages de l'Etat Rakhine (ouest) cette semaine en espérant rejoindre ensuite le Bangladesh voisin, a indiqué samedi 30 septembre un journal pro-gouvernemental birman. |
Alors que les musulmans de l'Etat Rakhine continuent à fuir les violences, les envoyés du gouvernement birman tentent d'endormir la communauté internationale.
La Birmanie a assuré lundi qu’elle était prête à rapatrier les réfugiés qui fuient par centaines de milliers au Bangladesh. Pour la première fois depuis le 25 août et le début de la répression violente de la population civile, un ministre du gouvernement d’Aung San Suu Kyi s’est rendu au Bangladesh pour une visite éclair, lundi, en refusant de se rendre dans les camps où s’entassent un demi-million de personnes. Il a laissé le soin au ministre des Affaires étrangères bangladais d’affirmer à la presse que la Birmanie était «d’accord pour reprendre les réfugiés» et que les deux pays allaient mettre en place un «groupe de travail» bilatéral (dont les instances internationales seraient exclues) pour réfléchir aux modalités du rapatriement.
Au même moment, un autre ministre birman déclarait à la tribune de l’ONU, à Genève: «Notre priorité immédiate est de rapatrier les réfugiés qui ont fui au Bangladesh. Nous pouvons commencer n’importe quand pour ceux qui le souhaitent. Ceux qui seront reconnus comme provenant de notre pays seront acceptés sans aucun problème et avec l’entière assurance de leur sécurité et de leur accès à la dignité humaine.» «Du vent, résume un diplomate étranger basé à Dacca. La Birmanie veut donner des gages à la communauté internationale, mais il n’y a aucune chance que cela soit suivi d’effet.»
Ces déclarations sont en décalage avec la réalité : l’afflux de musulmans rohingyas au Bangladesh a repris de plus belle, après un ralentissement la semaine dernière dû au mauvais temps qui rendait très difficile le passage de la frontière par la mer et la rivière. Bien que le ministre birman ait affirmé à Genève que «la Birmanie ne craint pas une enquête internationale», et qu’une délégation de l’ONU ait eu droit à une visite guidée très encadrée, les observateurs ne peuvent toujours pas se rendre dans le nord de l’Etat Rakhine où la situation semble inchangée.
Milices et terres abandonnées
De nouveaux témoignages confirment l’opération de nettoyage ethnique en cours depuis l’attaque par un petit groupe rebelle rohingya d’une trentaine de postes de police fin août. Selon les réfugiés, des membres de la police et de l’armée birmanes alliés à des milices extrémistes bouddhistes continuent à terroriser la population, n’hésitant pas à violer et à tuer. Les villages rohingyas sont incendiés par dizaines, l’armée birmane, contre toute vraisemblance, assure toujours que les habitants eux-mêmes brûlent leurs maisons pour attirer l’attention de la communauté internationale.
A Dacca, le ministre birman a précisé que «les 2 415 personnes dont la vérification d’identité a été faite» peuvent déjà rentrer. Un chiffre ridiculement bas comparé aux 800 000 personnes se trouvant dans les camps au Bangladesh et dont Dacca demande le retour (les 500 000 départs de ces dernières semaines s’étant ajoutés aux précédentes vagues d’exil). Privés de la plupart de leurs droits et de leur nationalité depuis des années, leurs habitations détruites, les Rohingyas n’auront aucune chance de prouver leur appartenance à la nation birmane, d’où ils sont pourtant issus depuis plusieurs générations.
De plus, leurs terres abandonnées tombent désormais sous le coup de la loi de 2012 sur la gestion des terrains vacants qui donne un droit de préemption aux autorités, alors que la spéculation foncière bat son plein dans la région. «Si des réfugiés retournent en Birmanie, ce sera pour être logés dans des camps, où leur sécurité ne sera pas assurée et où leurs conditions de vie ne seront pas meilleures qu’ici», assure la responsable d’une ONG bangladaise. Un avenir si sombre que les bureaux d’enregistrement à l’intérieur des camps avaient été désertés, après que Aung San Suu Kyi, dans son discours à la télévision le 19 septembre, a parlé pour la première fois de rapatriement. Les gens craignent de se voir renvoyés illico en Birmanie pour être livrés à leurs bourreaux.
La majorité des 1,1 million de Rohingyas de l’Arakan (autre nom de l’Etat Rakhine) vit désormais en exil
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