Bâtisseur de la mosquée d’Auwal au Cap, la première à être construite en Afrique du Sud, l’imam indonésien Abdullah ibn Qadi Abdus Salaam a légué un précieux manuscrit coranique à la communauté musulmane locale. Ce n’est que durant les 1980 qu’il a été découvert, au cours de la rénovation du lieu de culte. A ce jour, une centaine de répliques en ont été produites.
En Afrique du Sud, un coran écrit à la main par un imam indonésien est conservé par les musulmans du Cap, depuis plus de 200 ans dans le quartier historique de Bo Kaap. C’est durant les années 1980 que le manuscrit a été découvert dans le grenier de la mosquée d’Auwal de la ville, lors de travaux de rénovation. Dans un récent reportage retraçant cette histoire, la BBC rappelle que les chercheurs attribuent cette reproduction de mémoire à l’imam et descendant de princes Abdullah ibn Qadi Abdus Salaam (1712-1807), connu sous le nom de Tuan Guru. Celui-ci aurait entamé l’écriture après son expédition par la colonisation holandaise depuis son île natale de Tidore (Indonésie), en 1780, au Cap, en tant que prisonnier politique et membre de la résistance.
Membre du comité de la mosquée, cité par le média britannique, Cassiem Abdullah se rappelle que le manuscrit «était extrêmement poussiéreux» mais pratiquement intact, lors de sa découverte. Premier lieu de culte musulman en Afrique du Sud, la mosquée d’Auwal où il a été gardé pendant toutes ces années a été fondée par Tuan Guru lui-même, en 1794. Non relié, le coran y a été trouvé sous forme de «feuilles volantes non numérotées, étonnamment en bon état». Aussi, l’encre de l’écriture calligraphique «clairement lisible en écriture arabe était et est toujours en très bon état». Sur le chantier de rénovation, une boîte renfermant d’autres manuscrits religieux de l’imam a été également découverte.
Aidé par plusieurs érudits, le juriste en chef du Conseil judiciaire musulman au Cap, Maulana Taha Karaan, s’est chargé de vérifier que «toutes les pages contenant plus de 6 000 versets du coran étaient dans le bon ordre». Ce travail minutieux s’est achevé par la reliure, pour ensuite présenter cette pièce en exposition permanente dans la mosquée d’Auwal, en tant que «l’un des objets les plus précieux» du patrimoine de la communauté musulmane dans le pays.
Maintenir les traditions culturelles musulmanes sous la colonisation
Selon le biographe Shafiq Morton, Tuan Guru «a probablement commencé à écrire le premier des cinq exemplaires durant sa détention à Robben Island, où l’icône anti-apartheid Nelson Mandela a également été emprisonné». Il aurait continué l’ouvrage après sa libération, produisant la plus grande part des copies finalisées alors qu’il est âgé entre 80 et 90 ans, soit cinq ans avant son décès à 95 ans.
«L’une des raisons pour lesquelles il a écrit le coran serait de remonter le moral des esclaves qui l’entouraient. Il s’est rendu compte que s’il en écrivait une copie, il pourrait en tirer une éducation à ses gens et en même temps enseigner la dignité», a par ailleurs déclaré Shafiq Morton à la BBC. Shaykh Owaisi, professeur-chercheur d’histoire islamique sud-africaine, estime pour sa part que Tuan Guru aurait était motivé par «la préservation de l’islam au sein des prisonniers et esclaves musulmans, dans ce qui était alors une colonie hollandaise».
A ce jour, trois des cinq copies du coran écrites à la main par Tuan Guru ont été retrouvées. Hormis celui de la mosquée d’Auwal, les deux autres originaux sont désormais une propriété de ses descendants, tandis qu’une centaine de répliques ont été produites. En avril dernier, l’une d’elles a été remise à la bibliothèque de la mosquée Al-Aqsa d’Al-Qods, en Palestine.