L'Empire ottoman a toujours été obsédé par le Maroc. Après son occupation de l’actuelle Algérie vers 1518, le Sultanat turc lorgnait le royaume chérifien, parvenant finalement à sceller une alliance durant le règne wattasside. Durant le XVIème siècle, la chute de cette dynastie, remplacée par les Saadiens, inquiète Constantinople. Le royaume est alors témoin de plusieurs tentatives menées par les Ottomans pour l’inclure dans leurs conquêtes nord-africaines.
Des tentatives qui se heurtèrent au grand rejet de Mohammed ech-Cheikh (1554 - 1557), premier sultan de la dynastie saadienne. Et cette hostilité commence dès la conquête de Fès, en 1549, qui signera le premier acte de décès de la dynastie Wattasside. Car, quelques années plus tard, Fès est alors reconquise par les Wattasides, soutenues par leurs alliés d’hier. Les Ottomans pensaient en fait que cette décision intimiderait Mohammed ech-Cheikh.
Dans son livre «A History of the Maghreb in the Islamic Period» (Editions Cambridge University Press, 1987), Jamil M. Abun-Nasr rappelle qu'en janvier 1552, une lettre envoyée à Mohammed ech-Cheikh par les Ottomans «semble indiquer que le gouvernement ottoman espérait encore pouvoir amener le sultan saadien à reconnaître la suzeraineté du sultan ottoman par la diplomatie».
La brève conquête de Fès et restauration de la dynastie wattasside par les Turcs
La lettre des Ottomans n'était pas d'un grand intérêt pour les Saadiens, qui ne montrent aucun intérêt à coopérer avec les Turcs. La réaction du nouveau sultan du Maroc pousse ainsi l’Empire ottoman à opter pour la conquête militaire. Il fait ainsi appel au corsaire et amiral ottoman Salah Rais, pour occuper Fès.
En juin 1557, les Ottomans dépêchent un ambassadeur au Maroc pour rencontrer le sultan saadien. Les Turcs exigent ainsi que Mohammed ech-Cheikh «fasse prononcer la prière dans les mosquées au nom du sultan ottoman» et que son image figure sur la monnaie du royaume.
Bataille d'Oued Al Makhazin,
connue aussi sous le nom de bataille des trois rois.
En colère, le sultan saadien réunit son armée et reprend Fès dès septembre de la même année. Il commence ainsi à préparer sa vengeance. Immédiatement après la reprise de Fès, Mohammed ech-Cheikh «entame des négociations» avec l'Espagne, qui prévoyait déjà de chasser complètement les Ottomans du Maghreb.
Devant l’émissaire turc, Mohammed ech-Cheikh peste et jure, menaçant de conquérir l’Algérie et la Tunisie et d’arriver jusqu’en Egypte avant de rencontrer l’armée ottomane. Des menaces qui pousseront le Sultanat turc à se débarrasser du sultan saadien. En tournée dans l’Atlas, la même année, il est alors assassiné par l’officier qui commandait sa garde personnelle, sur ordre d’Hassan Pacha, nouveau Beylerbey de la régence d'Alger.
Un obsession qui perdure, même avec la chute des Saadiens
Et l’obsession de la Sublime Porte pour conquérir le Maroc ne s’arrête pas. Avec le décès d’Abdallah Al Ghalib et la montée sur le trône de son fils Mohammed Al Moutawwakil Al Maslûkh, l’Empire ottoman soutient alors Abd Al Malik et Ahmad Al Mansour, frère d’Abdallah Al Ghalib et prétendants au trône.
En mars 1576, une guerre fratricide entre Saadiens se déclenche, avec une première bataille à proximité de Fès. Historiquement appelée Bataille d’A Rukn, elle opposera le camp saadien du sultan Mohammad Al Moutawwakil et l’armée ottomane menée par son oncle Abd Al Malik et se soldera par la défaite du premier.
L' obsession ottomane pour le Maroc ne cessera jamais. Même durant les premières années de l'ère alaouite, les Turcs soutiendront Raïs Lakhdar Ghaïlan et la famille des Naqsis, au nord-ouest du Maroc, pour maintenir le royaume divisé après la chute de la dynastie saadienne.