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La deuxième guerre du Rif.

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BOURED le 2 octobre 1955
On peut lire dans « la Vigie » du dimanche 9 octobre 1955 :« Ce matin une offensive de grande envergure à laquelle participent plus de 10 000 hommes, a été déclenchée. L'opération consiste en des mouvements d'encerclement de la tribu rebelle des Gzenaya. ». Dix bataillons français participaient à l'opération de prise en tenaille de la tribu rebelle des Gzenaya : des convois massifs remontaient vers le Nord à partir de Fès et de Taza.
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« Toutes ces montagnes ont fait face au colonisateur, ne serais-ce qu'à coups de pierres ! Ne serais-ce qu'à coup de pierres ! » Un résistant de Boured (fraction de la tribu Gzenaya du Rif). 
« Le Rif est connu pour sa résistance nationaliste : depuis la lutte du chérif Mohamed Ameziane, mort en 1912, en passant par celle d'Abd - el krim- el- khatabi en 1921. Nos parents ont persisté dans cette voie de la résistance jusqu'à l'insurrection de 1955. Moi-même j'ai participé en 1955 à plusieurs attaques de l'Armée de Libération : à Bouskour, Aknoul, Mzizoui, et  Tizi N'Taïda à Had Jbarna. Nous avons poursuivi la lutte, en nous rendant à pieds aux quarante quatre saints de Taourirt. Nous avons lutté jusqu'au retour de Mohamed V. Une missive nous est parvenue du défunt Roi nous disant qu'un accord a été signé entre le Maroc et la France, et qu'il faut maintenant déposer les armes. C'est ainsi que nous nous sommes dispersés en rejoignant Rabat : certains pour les Forces Armées Royales, d'autre pour l'intérieur ou encore la police. Et jusqu'au jour d'aujourd'hui, nous sommes restés fidèles au serment. » Résistant rifain de Boured. 
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Abdellah Qariyouh, ancien résistant Metalsa
L'Armée de Libération marocaine attaque le 2 octobre 1955 à partir de minuit, les postes avancés de l'armée française à Aknoul, Tizi Ousli et Boured. Les opérations sont commandées par Abbas Messaâdi, Abdellah Senhaji, et Belhaj. Beaucoup de combattants viennent de la farouche tribu des Gzenaya. Et dans cette région accidentée au cœur du Rif, que la grande presse avait surnommé « le triangle de la mort », les combats sont d'une extrême violence. Ni l'aviation, ni les tanks français ne peuvent intervenir efficacement contre les 2000 maquisards marocains.
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Boured et le piton de Bouzineb,lieux des opérations militaires se situent à la limite des zones occupées par la France et l'Espagne
 Le 15 juillet 1955 fut constitué un comité de coordination de l'Armée de Libération du Maghreb, comprenant quatre membres : Boudiaf,  Ben M'hidi, Abdellah Sanhaji et Abbas El Messadi. Le même jour fut arrêtée la date du premier soulèvement : le dimanche 2 octobre « à partir de 0 heure et pas avant ».Le choix de cette date, qui intéressait également les partisans d'Oranie, ne fut nullement influencé par le départ de Ben Arafa ce qui réduit à néant les conséquences politique qu'en tira Boyer de Latour qui affirma que « le départ de Ben Arafa devait être le signal d'une rébellion généralisée » et qu'il ne fallait « constituer un conseil de trône que quand les esprits seront calmés... »
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Mohamed Yaâgoubi, témoins Metalsa
« A la veille de l'indépendance un jurisconsulte de Kebdana, me confia 100 tickets - semblables à ceux des autocars-  pour que je les distribue aux habitants en contre partie d'un « Doro » par mois. Pourquoi ? Il m'expliqua que ces fonds,  sont destinés à Si Abd el krim, pour qu'il nous achète les armes. »  
  Voici maintenant ce que confie à l'auteur en 2008 ce même rifain issu de la tribu des Metalsa :
"D'après ce qu'on raconte, c'est Abd el krim qui avait envoyé les armes : on avait convoqué les négociants de Casablanca pour qu'ils  les transportent  - comme on fait avec la contrebande en provenance de Mellila et d'Espagne - afin de les distribuer ensuite, aux tribus, en vue de leur soulèvement. Mais les négociants ont refusé de convoyer les armes. Ils ont refusé de décharger les armes qu' Abd el krim  avait demandé de convoyer jusqu'à Casablanca. Ils  avaient peur ! Ils s'apprêtaient à renvoyer la cargaison en Egypte. Abd el krim leur dit alors :« Ecoutez, si les rifains ne réceptionnent pas les armes, personne ne les recevra à leur place ! Les rifains sont cupides ; donnez leur de l'argent et ils lèveront les armes ! ».
Ils déchargèrent alors les armes au rocher de Kebdani. De là, ils les sortirent en contrebande et les convoyèrent à dos d'hommes et à dos de mulets jusqu'aux aux centres des Béni Waraïn et de Taza. Mais aussi à ceux des Metalsa et des Gzenaya. Les responsables de chaque centre tenaient des réunions pour  réceptionner ces armes. Progressivement une date s'est dégagée pour l'attaque. Ils s'étaient dit : à telle nuit, chaque tribu attaquera son bureau des Affaires Indigènes. Ils s'étaient mis d'accord sur la nuit du samedi à dimanche 2 octobre 1955. Chez les Gzenaya, un mouchard est allé en avertir le capitaine : il avait assisté à leur réunion clandestine, et est allé immédiatement les dénoncer ! Il dit au capitaine : « Il t'attaqueront cette nuit ! ». Ce dernier réunit alors ses soldats et auxiliaires et les dissimula dans une grotte à Taourirt près de Tizi Ousli. La grotte contenait armes et  munitions . De sorte que quand les attaquants sont arrivés ils n'ont rien trouvé au bureau. Les Mokhanis n'étaient plus là. Il ne restait plus que des femmes. Plus personne à qui s'attaquer. Rien. Ils se mirent alors à dévaliser les lieux, emportant marmites et théières sur leur passage. Qui avait agi ainsi ? Les gens de Mezguitam et Driouch. Chacun avait sa propre section, qui se composait de 60 à 80 membres de l'Armée de Libération. Les attaques étaient prévues au même moment :  à 0 heure et pas avant . Elles devaient se produire simultanément à Aknoul, Tizi Ousli et Boured. Mais ils n'ont pu s'attaquer effectivement qu'à Boured et Tizi Ousli, et pour des raisons particulières, il n'y eut pas d'attaque à Aknoul.Quand aux Gzenaya, du côté de Boured, ils n'étaient au courant de rien. Ils sont allés s'attaquer au capitaine et à ses soldats. Ils ont tout saisi. "
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Le prestige d'Abd-el -krim est demeuré tellement intacte qu'on continue de lui attribuer à tord ou à raison tous les combats que le Rif a mené contre le colonisateur au 20 ème siècle..
Pour comprendre ces évènements, il faut remonter au mois de février 1947, lorsqu'au Caire, était fondé la première structure de coordination entre les mouvements nationalistes de la région : le « Bureau du Maghreb » chargé de préparer la propagande indépendantiste des pays d'Afrique du Nord. Le 31 mai suivant, le leader de la guerre du Rif, Abd - El - Krim El Khattabi, se réfugie en Egypte, après 21 ans d'exile à la Réunion et une évasion réussie. Il devient aussitôt la figure emblématique qui manquait aux émigrés maghrébins du Caire. Président d'un « Comité de Libération du Maghreb Arabe », proclamé le 9 décembre 1947, il publie le 5 janvier 1948 un manifeste soulignant la volonté inébranlable des partis nationalistes maghrébins de se consacrer à la lutte indépendantiste. On peut y lire ce qui suit :
« A une époque où les peuples s'efforcent d'assurer leur avenir, où les pays du Maghreb arabe tendent à recouvrir leur indépendance extorquée, et leur liberté perdue, il devient d'une nécessité impérieuse, pour les leaders politiques du Maghreb, de s'unir, et pour tous les partis de libération de faire bloc et de se soutenir réciproquement, puisque c'est là une voie qui nous conduira à la réalisation de nos buts et de nos espérances. Je me suis en effet mis d'accord avec les chefs et les délégués des partis auxquels j'avais fait part de l'idée de créer un Comité de libération du Maghreb arabe, composé de tous les partis de l'indépendance dans chacun des trois pays : Algérie, Tunisie, Maroc...Désormais, notre cause entre dans une phase décisive de son histoire. Constitués en un bloc puissant, nous sommes tous unanimes et aspirant au même but, qui est l'indépendance totale du Maghreb arabe, nous ferons face aux usurpateurs. »
La notion de « Maghreb Uni » se révèle à ce moment, très ancrée dans l'imaginaire collectif. La guerre du Rif des années vingt(encore prégnante dans les esprits), la débâcle Française de 1940, le mouvement de décolonisation post seconde - guerre mondiale, la création de la Ligue Arabe en 1945, fabriquent une chaîne mémorielle, des points nodaux de référence, des représentations unanimement partagées. Un même élan se dessine dans les partis nationalistes du Maghreb.
A la fin d'octobre 1955, un front fluide reprenait l'action non plus sur 30 mais sur 150 kilomètres. A la fin de 1955, la menace s'était aggravée, au point qu'il avait fallu abandonner pratiquement une zone de 30 kilomètres de large sur 20 de profondeur au Sud - Est de Tizi Ousli. Les partisans qui se comptaient désormais par milliers étaient mal armés mais bénéficiaient de l'appui de la population et pouvaient porter la guerre chez les Béni Snassen, en liaison avec les combattants algériens.
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En haut en pointillés les postes de contrôle Français, délimitant la zone Espagnole. En bas un fac simili de la presse coloniale de l'époque indiquant sommairement l'emplacement de Boured, de Tizi Ouzli et d'Aknoul...
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D'apres Ialatten , qui a participé  à l'attaque du bureau des Affaires Indigenes de Boured: " Un responsable  est arrivé de Nador pour nous informer que les armes allaient être envoyées d'Egypte par Abd el krim, et qu'elles seront convoyées par bateau jusqu'à Nador. Nous saurons par la suite que ces armes étaient  déchargées au rocher de Kebdana. De là la cargaison a été acheminée à Aïn Zorah, d'où on a procédé à sa répartition : une première livraison alla aux Marmoucha, une seconde à Berkine, une troisième à Mzguitam, et une quatrième à Tizi Ousli.Après une période de mise en sommeil, l'attaque a débuté par Tizi Ousli. D'autres batailles eurent lieu du côté de Taza, à Berkine et chez les Marmoucha." La déposition de Mohamed V était à l'origine de l'insurection:
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Iâllaten, résistant Gzenaya, ayant participer à l'attaque du poste de Boured
«Le jour où nous avons appris la déposition de Mohamed V, tout le monde s'est mis à pleurer : hommes, femmes, enfants, adultes. Et qu'avons - nous  fait ? Nous avons rejoint les nationalistes. Nous avons prêté serment à leurs chefs. Ceux-ci sont allés chercher les armes, qu'ils introduisent à Nador. Abbas Messaâdi et les autres résistants : tels Abdelaziz Aqodad, Hassan Zekriti, Allal Amqri, El Ghabouchi, Aqjouj, Bouqoullan , et le sergent Abdessalam.Tous  avaient prêté serment de lutter pour la bonne cause.Abbas Messaâdi avait introduit les armes à Nador. Chaque chef de section a emporté deux armes, pour entraîner sa cellule à leur maniement. Chacun  avait rejoint  son douar avec un fusil et un revolver. Les éléments qui devaient participer aux entraînements militaires étaient triés sur le volet. Ils s'étaient engager à garder jalousement le secret. Les entraînements se faisaient  de nuit aux environs de nos douars. »
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Le sergent Abdessalam d'Aknoul qui commandait une armée de libération du Rif composée pour l'essentiel de déserteurs de l'armée française qu'ils ont quitté avec armes et bagage pour retourner leurs fusils contre le colonisateur qu'ils servaient jusqu'à la veille de l'indépendance...Selon un resistant de Boured , c'est à cause des déserteurs que la France avait été  vaincue. Ceux qui  retournaient leurs armes contre leur propre bataillon, quand survenait  une attaque des maquisards. Ils changeaient brusquement de camp en retournant leurs armes contre les français. C'est de cette manière que la France  avait été vaincue. 
 Un bilan établi par les partisans, le 6 octobre 1955, insista sur l'effet de surprise et surtout sur la saisie de 380 armes. Il estimait à 71 le nombre de victimes de l'offensive, en majeure partie européennes.
Plus grave pour l'occupant français la rébellion des montagnards sédentaires des Aït Seghrouchen et des  Marmoucha , occupant le versant Sud du Moyen Atlas dans la massif du Jbel Bou Iblane. L'attaque d'Imouzzer des Marmoucha fut l'épisode le plus sanglant de l'insurrection. Le chef de circonspection des Affaires Indigènes  commandant le poste avait été prévenu par un Marocain de l'imminence d'un coup de force...mais il ne  crut pas au renseignement qui lui a été donné.Les rebelles tuèrent dix européens et cinq goumiers. Ils purent emporter une grande quantité d'armes. On craignait que le mouvement gagna la haute Moulouya.
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Les troupes françaises qui opèrent dans « le triangle de la mort » - Aknoul - Boured - Tizi Ousli - ne trouvèrent pas de groupements ennemis à affronter. Si elles purent occuper les trois points du triangle, la principale tâche revint au génie pour réparer, chaque matin, les sabotages nocturnes. Billote put tenir à Boured une conférence d'état - major. On n'en était encore qu'à une guerre de buissons.
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Boured-TiziOuzli-Aknoul: le triangle de la mort
Après la bataille du 2 octobre qui s'est déroulée « au triangle de la mort » -  Tizi Ousli - Aknoul - Boured - la majeure partie de la population de cette région s'est réfugiée en zone occupée par les espagnols.
Dans la nuit du 28 au 29 décembre 1955, une nouvelle offensive des rebelles dans le Rif révélait l'extension de la dissidence de plus de 40 kilomètres vers l'Ouest. Le général Agoustini, qui disposait de 15 000 hommes, dut entreprendre « une puissante opération de nettoyage » qui lui permit, de reprendre les positions abandonnées et de mettre fin aux attaques. Aux prises avec une guérilla insidieuse, les troupes d'occupation se sentaient impuissantes et découragées. Les désertions en masse des Marocains montraient aux Français vers qui allaient leur fidélité. On devait évacuer les goumiers en camions et sans armes. L'Oriental restait en état d'anarchie, le Amel d'Oujda se déclarait impuissant et les impôts ne rentraient plus. L'affaire du Rif exaspérait la tension entre la France et l'Espagne.
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Abbas Messaâdi , leader de l'A. L.N. pour le Nord et l'Oriental
D'après Waterbury : le gros des combattants n'excéda jamais 600 ou 700 hommes provenant des tribus Gzenaya, Bni Bou Yahi , et Bni Snassen. La plus batailleuse, celle des Bni Ouariaghel dont est originaire Abd-el-krim el khattabi, se tint à l'écart. Plusieurs des chefs furent acceptés par les tribus rifaines pour leurs capacités non pour leur origine : Dr.Khatib était né à El Jadida, Abbas Messaadi des Aït Ishaq, au Sud - Ouest de Khénifra, et Abdelkader Bouzar était un algérien interprète au Maroc.
 C'est ici - même qu'on avait élu Abbas Messaâdi, en tant que leader. . L'un des premiers leaders  à Bouskour fut le caïd Hassan, qui était auparavant militaire dans l'armée française et qu'on avait choisi pour son expérience des armes. Après avoir été nommé chef de l'Armée de Libération ; il était venu s'établir à Bouskour. Les patrouilles se composaient de cinq à dix membres qui harcelaient les postes français, jusqu'au cœur même de Taza. »
L'opinion française s'émut et dénonça la complicité de l'Espagne. Valino, qui n'avait pas oublié le silence de Guillaume, répondit sèchement qu'il n'en était rien. En réplique à Boyer de Latour, qui fait état de l'accord conclu, le 10 juillet 1926, lors de la guerre du Rif, qui prévoyait une concertation sur la situation des confins, il dénia la possibilité aux français « d'en appeler à un accord qui a été violé tant de fois par la France, qu'il peut être aujourd'hui considéré comme périmé ». Les européens redoutaient une insurrection généralisée.
Les services de renseignements de l'armée française au Maroc espagnol ne soupçonnaient pas que l'insurrection avait été préparée de longue date par des militants marocains et algériens associés pour une action commune dans la lutte pour la libération du Maghreb Arabe. Un colonel fut envoyé à Nador pour apprécier si la situation était sérieuse. Un tract a pour en - tête : « Vive l'Armée de Libération, vive le Maghreb Arabe, vive Mohamed V ».
Bataille rangée ,"Bin Sfouf"(d'entre les rangées" d'arbres)
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Témoignages recueillis par l'auteur à Boured en 2007
Voici les témoignages des résistants Gzenaya que nous avons receuillis l'été 2007 a Boured , ce village des hauteurs rifaines , non loin des ruines du bureau des affaires indigenes attaqué le 2 octobre 1955 a 0 heure. Apres ce coup de force de la resistance eurent lieu plusieurs escarmouches dont la principale est la bataille dite de "Bin Sfouf" (d'entre les rangées d'arbres) sur les hauteurs strategique de Taineste qui surplombent en pays Branes le couloir de Taza :
« Nous étions des nationalistes. A  l'époque, il y avait la France. C'est Si Abbas Messaâdi, un des compagnons du Dr. Khattib, qui le premier a introduit les armes à Nador, où il a fait prêté serment aux leaders qu'il a désigné pour l'Armée de Libération Marocaine chez les Gzenaya : deux sont originaires de Tighezratine, Massaoud Bouqalla(aux environs de Malal), El Haj Mohamed Abeqri d'Ajdir, Ouqodad Si Abdlaziz(Oulad Ali Ben Aïssa), Si Abdelkader Ouqodad(Oulad Ali Ben Aïssa).
Si Abbas leur a dit :
  • - Chacun de vous doit amener deux personnes, pour qu'ils s'entraînent aux armes à Nador.
Ceci était arrivé le jour où la France avait déporté Mohamed V, qu'Allah l'ait en sa sainte miséricorde. Femmes et enfants pleuraient la déportation de Mohamed V par les Français. C'est à partir de là que l'Armée de Libération Marocaine a commencé à recruter aux douars où elle avait confiance. Ils ont fixé le rendez vous de l'attaque à zéro heures. Il y avait plus de cent militaires français au poste de Boured. Le poste qui surplombait l'oued Boured comprenait un capitaine et un adjudant français ainsi que des forces auxiliaires.   Vers minuit trente on s'est retrouvé au poste munis de haches. Nous avions entre treize et quinze fusils. Nous nous sommes emparé de 35 fusils du poste ainsi que de deux autres de la douane .Trois mokhazni sont morts lors de cette attaque ainsi que deux douaniers : l'un européen, l'autre  marocain. Il y eut aussi des blessés : Boujabli de Boured ainsi que l'adjudant européen. L'adjudant, le capitaine et les forces auxiliaires ont pris la fuite, soit à cheval soit à pieds. Pour notre part, nous avons capturé deux chevaux du poste des affaires indigènes. Ceci a eu lieu le 2 octobre 1955, et nous avons obtenu l'indépendance en 1956.L'Espagne nous a aidé, puisque les combattants se réfugiaient dans la zone qu'elle occupait. La France ne pouvait pas franchir cette frontière.Après cette attaque la France a envoyé de grands renforts de Mernissa et d'Aknoul.  La légion, les goums, les chars bombardaient et les fantassins avançaient. Ils se dirigeaient vers le mont Bou Zineb qui constituait la frontière entre zone espagnole et zone française. Ils ont pris le poste de l'Armée de Libération Marocaine au mont Bouzineb. Sous pression les éléments de celle -ci se retirèrent en zone espagnole, et certains d'entre eux se sont cachés ici même à Boured. A ce moment là, 250 à 300 éléments de l'Armée de Libération, se sont dirigés vers Taïnest. A notre arrivée à Taïnest 40 déserteurs nous ont rejoint avec armes et bagages. C'était le cabrant Moulay Ali qui les avait amené de Taza. Avec ses soldats, il nous a amené des mitrailleuses et soixante mortiers. Il pleuvait. On errait dans la forêt.  Quelqu'un a  bousculé une grosse pierre : en roulant vers le bas, celle - ci  réveilla le poste Français de Bin Sfouf. Ils se mirent alors à tirer sur nous de nuit, à l'aide de bombes éclairantes et de mortiers. Le cabrant Moulay Ali s'écria :
  • - C'est une dénonciation; reculez! que chacun retrouve son poste!

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Mr.Ahmed Fellah, originaire de Boured ayant participé aux combats de "Bin -Sfouf"
     Quand nous avons reculé, quelqu'un est venu nous avertir que trois patrouilles ont quitté Taïnest et Mernissa. Effectivement, vers dix heures du matin, l'officier de Marnissa rencontre celui de Taïnest qui était accompagné de Mokhazni. Les militaires mettent leurs armes en garde à vous, et c'est à ce moment où ils ont commencé à prendre leur casse - croûte, qu'un dénommé Kharbouch, originaire de Kahf El Ghar, leur tira dessus à la mitrailleuse ,tuant ainsi six d'entre eux. Au cours de cet accrochage deux des nôtres sont morts. Je suis resté vivant. Ceci est arrivé à Bin Sfouf. A Taïnest, on a tué au moins treize légionnaires. J'en ai enjambé moi - même les dépouilles de quelques uns en fuyant vers l'oued. Une femme est sortie poussant des you - you, un légionnaire la tua sur le coup , son pauvre corps s'est mis à rouler jusqu'en bas. L'officier venu de Mernissa était bloqué avec le mokhazni qui l'accompagnait. Celui-ci sortit son revolver et tua l'européen, pour qu'il ne soit pas lui- même tué par l'armée de libération. On l'emmena avec nous à la cache où on préparait le pain au douar Timskan du côté de Malal chez les Gzenaya. Après cet incident, les avions sont arrivés. C'est à mon arrivée à l'oued Bin Sfouf que j'étais blessé à mon bras gauche.
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    Oued Ouergha en contrebas: au loin le piton de Bouzineb
     J'ai vu un soldat qui se dirigeait au bord de l'oued, le long d'un champ de vigne. L'européen qui m'a tiré dessus était lui-même blessé au pied. Notre infirmier l'acheva à coup de pistolet. Puis il vint me rejoindre avec les déserteurs qui sont venus de Taza avec Moulay Ali.  L'infirmier me soigna d'abord, puis alla enlever à l'européen sa carabine, ses cartouches et son sac. En remontant, j'ai trouvé la jument de l'européen, fuyant vers Taïnest, portant munitions et mortiers, ainsi qu'une grande radio qui leur servait à communiquer du sol avec l'avion. L'Armée de Libération Marocaine a ainsi récupéré les caisses de munitions et la radio de liaison. C'est à ce moment là que j'ai rejoint le sergent Abdessalam d'Aknoul, qui commandait l'Armée de Libération. Il y avait là un autre blessé, parmi les déserteurs qui nous ont rejoint. On a mis les blessés, sur dos de mulet. Quand nous sommes arrivés en haut de la colline de Timskane, où se situait un poste de l'Armée de Libération, deux avions nous ont survolé. L'un des blessés me dit :
    • - Ils vont nous tirer dessus! Moi, je suis mort, toi, tu dois te dissimuler!
    On s'est laissé tomber tous les deux de notre mulet, l'avion nous a tiré dessus, mais personne n'a été blessé. J'ai continué le reste du trajet à pieds. Lui fut  transporté sur un brancard par l'Armée de Libération . Quatre avions nous attaquaient ainsi que des tanks venus de Mernissa et de Taïnest : ils bombardaient de tous côtés dans la forêt et à l'oued Bin Sfouf. Aux membres de l'Armée de Libération qui voulaient prendre la fuite, Moulay Ali disait :
    • - Par Allah, vous devez revenir délivrer les vôtres; qui sont encore bloqués à l'oued Bin Sfouf.
    Ils y sont revenus de nuit, ils ont ramené les blessés, laissant les morts sur place. On est resté là bas deux jours. Quelqu'un nous a averti que les goums ont l'habitude d'aller chercher du bois à la montagne de Bin Sfouf. Il y avait parmi nous Bouqoulla de Gzenaya, le sergent Abdessalam d'Aknoul et Allal de Tizi Ousli : chacun commandait à 50 ou 100 combattants. La plupart d'entre eux étaient des militaires qui ont déserté l'armée française pour rejoindre l'Armée de Libération Marocaine. Un légionnaire s'est enfui de Taza et vint nous rejoindre à Aknoul. C'est un européen que nous avons surnommé « El Yazid ».C'était à la proclamation de l'indépendance en 1956. On nous a ordonné de rentrer à Rabat,  où on nous a amené en train. J'étais à Âkkari. C'est là que j'avais décidé de m'engager dans les Forces Armée Royales.
    - Quant à moi, je suis revenu à la maison pour m'occuper d'agriculture.»
    Survolant le théâtre des opérations en avion le correspondant de la « Vigie Marocaine » écrit dans le numéro du jeudi 20 octobre 1955 :
      « J'ai survolé hier la zone des opérations, où les rebelles camouflés sont parfaitement invisibles. Au bout de l'aile, à le toucher, le poste de Bou Zineb, tout blanc, dans un mince berceau de verdure, dominait la crête. L'avion n'a pu survolé Bou Zineb, car le poste est aux mains des rebelles, et pour atteindre la petite enclave, il faudrait traverser le territoire espagnol. Allez donc trouver les rebelles dans ce paysage jaunâtre quand ils se sont couchés contre le sol, le visage recouvert par le capuchon de leur djellaba.... »
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      « Le jour du soulèvement, j'étais en compagnie d'Aqjouj . On s'est réparti les taches : toi, Bouqoullane,  tu attaqueras Aknoul. Et toi El Ghabouchi, tu attaqueras Tizi Ousli. Quant à vous,  Abdelaziz Aqodad,  Hassan Zekriti, et  Allal Amqri, vous vous attaquerez à Boured. Ils se sont donnés rendez-vous le 2 octobre. Chacun était accompagné de deux personnes. On a fait appel aux gens de toutes parts. Puis, on s'est attaqué au bureau. Notre commando s'est dirigé vers Boured, où nous avons rencontré des gens venus de toutes parts. On disposait de peu d'armes. Les armes envoyées de Nador étaient insuffisantes. Nous avons attaqué  Boured en le brûlant. Le capitaine s'est enfui en direction de Mernissa en traversant l'oued. Trois Mokhaznis des forces auxiliaires sont morts, ainsi que le gardien de la prison que nous avons tué après avoir défoncer sa porte. Boujbal reçu un coup du français dénommé « Boyer ». L'attaque a durée jusqu'à l'aube.Le lendemain des renforts militaires français arrivaient par Mezguitam et par Tizi Ousli forçant les gens à s'enfuir. Des bataillons sont arrivés de Mernissa et de Taza. Celui en provenance de Taza, nous l'avons affronté au lieu -dit « Ballouta ». Nous eûmes un accrochage avec lui, d'où nous avons ramené un soldat avec nous. Deux d'entre nous sont morts. Eux, ils ont eu trois morts parmi les forces auxiliaires . En effet, au lieu-dit « Ballouta », deux de nos Moujahidines sont morts : il s'agit de Si Ahmed Taherras et de Mohamed Hammadi originaire d' Inahnahen.  Voyant que les gens s'enfuyaient vers « Ma Ali », les bataillons français se mirent à bombarder « Ma Ali » et Bou Zineb. En effet, après que Boured soit brûlé, des renforts sont arrivés de Mernissa , avec  tanks et avions . C'est à ce moment qu'eut lieu la bataille. Les gens fuyaient vers la zone espagnole toute proche, en particulier ceux de Tamjilt et de « Ma Ali ».Les tanks bombardaient, les canons tonnaient. Nous nous réfugiâmes au sommet de Bou Zineb, avec les bataillons de légionnaires français à nos trousses, épaulés de leurs goumiers, et de leur Makhzen. Trois bataillons nous pourchassaient. Les gens s'enfuyaient, tandis que les tanks les bombardaient. Il s'agit de terroriser le pays, mais sans parvenir à leur objectif ce jour là. Ils ont dû reprendre une seconde fois, en vain. Ce n'est qu'au troisième jour qu'ils parvinrent à occuper Bou Zineb. »
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    Bouzineb vu depuis Boured
    "Alors que la répression s'abattait sur le Rif, un front fluide reprenait l'action sur 150 kilomètres.Il y eut d'autres batailles à Tifjaouine, à « Ma Ali », à Bou Zineb, à Bin Sfouf, et à  la Khatra de Bou H'doud : "Nous sommes partis à Bouhdoud, où  eut lieu une bataille. Après quoi, on s'est dit :  il faut partir à Taïnest. On devait  arriver la nuit - même à Taïnest. Une fois  à Taïnest - plus précisément au col de Taïda où eu lieu une autre bataille, et où nous avons enterré nos morts-  nous y retrouvons El Ghabouchi et le capitaine Abdessalam d'Aknoul. Il y avait là aussi Si Abdelaziz ainsi que les autres chefs de la résistance, tel le caïd Si Hassan - il était devenu caïd après la reddition de l'Armée de Libération. A ce moment là, il y eut beaucoup de déserteurs de l'armée française qui nous rejoignaient au maquis. Parmi ces déserteurs de l'armée française, je vous cite, le caporale Moulay Ali, qui nous a rejoint avec quarante de ses soldats. Il y a de ces déserteurs qui sont venus avec deux mitraillettes, ou avec un fusil mitrailleur et plus.
    On était quelques 300 maquisards à se retrouver au lieu - dit « Imskane ». On nous demande :
    - Savez vous, ce qu'on va faire cette nuit ? On va s'attaquer à Taïneste !
    Des éclaireurs , nous avertirent que des patrouilles française font leur tour de garde par ici, et qu'il fallait se préparer à les affronter. Un originaire du pays insiste :
    - Il faut absolument rentrer à Taïnest.
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    Enjeu militaires de taille : Taïnest qui domine le couloir de Taza
    Des indicateurs dénoncèrent notre présence aux français, qui tenaient  le poste avec leurs mortiers. Une petite averse tomba cette nuit. Nous avons pris l'initiative d'attaquer. Je n'avais qu'une carabine et  quelques grenades. J'avais aussi de la munition, qui m'avait été offerte par un déserteur de l'armée française. Auparavant, je n'avais que des grenades. Franchement.
    A la veille donc de l'attaque du poste de Taïnest, une petite averse était tombée au cours de la nuit. Les soldats ne connaissaient pas les lieux. Nous avons traversé une forêt plus dense que celle - ci, où il faisait sombre. Au cours de notre progression un soldat a buté sur une pierre qui s'est mise à rouler par la pente jusqu'au lit de la riière, réveillant  les français qui se mirent à envoyer des signaux lumineux et à nous bombarder de mortiers.
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    Notre chef nous  ordonna alors de reculer.
    Nous reculâmes. J'accompagnais mon oncle Aïssa Ali, qui est mort que Dieu ait son âme. En fait, j'avais trois compagnons : mon oncle Aïssa et deux personnes originaires de Mallal. Tous deux sont morts au cours de ces combats. Nous étions inséparables.
    Je me cachais derrière une pierre. Quand ils nous ont tiré dessus.  Bougoullan tomba sur le coup après avoir été atteint de plein fouet. Abdessalam Ben Zahra , également originaire de Mallal m'ordonna alors :
    - Lèves-toi et diriges - toi vers l'oued!
    On a couru tous les deux en direction de l'oued, en  enjambant les cadavres de légionnaires. Brusquement, du fond de la vallée, quelqu'un s'est mis à nous crier que les légionnaires  en provenance de Mernissa venaient de rencontrer, une section  en provenance de Taïnest, et qu'ils ont fermé le fuseau  près du panneau de brique .
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    Celui - ci  indique  trois directions : celles d' Aknoul, Taïnest, et Marnissa. C'est là où les officiers français se sont rencontrés et où ils ont fermé le fuseau..
    Tandis que les officiers prenaient leur casse croûte, les soldats veillaient aux armes. Je les voyais de mes propres yeux, je ne fabule pas. De l'autre côté, une femme sortait de sa maison. Elle est morte que Dieu ait son âme, mais après le début des accrochages. Celui qui avait ordonné la fermeture des fuseaux est le premier à commencer à tirer. Nous avions avec nous un déserteur de la 4ème armée, qui avait déserté avec Moulay Ali. Avec sa batterie fusil mitrailleuse,  il tirait sur quiconque bougeait de sa place, et l' abattait sur le champ ! Eux ils étaient au fond de la vallée et lui les narguait depuis le haut de la colline !
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    Il tirait aussi d'un fusil à neuf balles. C'est l'une des armes qu'on avait apportées de Nador. Dés les premiers tirs, chacun s'est précipité dans le désordre le plus complet, sur la première arme à portée de la main, sans que ce soit nécessairement la sienne. Et ils se sont enfuis vers l'oued.
    Celui qui avait le fusil mitrailleuse, sais - tu combien de gens, il avait abattu à partir de sa ligne de tir qui surplombait l'oued  et qui était encadrée de part et d'autre par un roseau ?  Sais - tu combien, il en a abattu, de ceux qui s'enfuyaient à travers une ruelle ? Quiconque la traversait était abattu sur le champ. Certains roulaient jusqu'à l'oued.
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    En enjambant les cadavres de légionnaires, j'ai tenté de rejoindre le haut de la colline avec mon compagnon blessé au pied. Mais alors que je lui ouvrais la voie,  me voilà face à un français blessé au pied  de sorte que du sang ruisselait de son brodequin. J'ai dis à mon compagnon :
    • - Voici un légionnaire blessé!
    • - Où est - il?! Où est - il?!
    Sachant que nous allons le suivre, le légionnaire se dissimula derrière un roseau, d'où il nous tira dessus. Atteint, mon compagnon s'éfondra sur le champ. Je fus blessé à la main pour ma part.
    - Ne bouges pas d'ici! M'ordonne mon compagnon.
    Puis il s'en fut le long de  la rivière, jusqu' à retrouver le légionnaire qui nous a blessé et l'acheva  d'un simple révolver. J'étais au milieu du guet.
    - Restes là où tu es! M'ordonna à nouveau mon compagnon.
    Une fois assuré de la mort du légionnaire, il lui retira sa carabine, sa ceinture à munitions, sa musette, et son capuchon. Il me remet  ceinture et  musette, et se mit à soigner ma blessure. Après avoir panser ma main, il m'ordonne d'escalader la pente en direction du centre qui se trouvait là haut où on rassemblait  les morts et les blessés.
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    En raison de ma blessure, l'adjoint du capitaine Abdessalam me dit :
    - On va te transporter sur la jument avec cet autre blessé de part et d'autre de l'étrier. Et on va vous accordé quelqu'un pour conduire la jument jusqu'au centre où vous pouvez vous restaurer et dormir.
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    Il s'agit du centre de TimsKane. A peine étions - nous parvenus au sommet de la colline que voilà qu'arrivent les avions. Tandis que des tanks nous bombardaient du côté de Mernissa et du côté de Taïnest. Il n'y avait  plus que canonnades sur canonnades !
    Le soldat blessé me dit :
    • - Que vas-tu faire maintenant? Moi, je ne peux échapper à la mort. Les avions qui arrivent vont te bombarder! Après un tour d'horizon, ils vont piquer et te bombarder! Cherche à te défendre en se jetant sous les racines d'un chêne liège! Ne t'occupes pas de moi, je suis déjà mort!
    Effectivement, c'est en rase motte que les avions se mirent à nous tirer dessus. Affolée la jument s'est emballée. Le soldat lâcha la bride et se jeta sous le parapet de briques, en faisant le mort. Pour ma part, je me suis laisser  rouler sur une pente, et me suis dissimulé finalement sous un buisson touffu.
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     Témoignage d'Iâllaten Abdessalam, né en 1929 au douar Aferzaz(résistant) :
    « Quand les Français, qui avaient déposé le Mohamed V, ont vu cet acharnement de la résistance, ils sont revenus sur leur décision inique, en permettant son retour au pays. C'était la fin du Ramadan, avec la fête de l'Aïd Essaghir. On était convié à une grande fête à Mzizou. Un avion venait de tomber à Saka avec trois aviateurs à bord. L'un est français, les deux autres sont allemands - prisonniers  chez les français depuis la seconde guerre mondiale ! Nous les avons  pris, et nous sommes partis à la grande fête de Mzizou. Les militaires étaient venus, les chevaux étaient venus. Quant aux ovins de la tribu, égorges et ne te gêne pas ! Plantes ta tente , manges ton méchoui, et boit à ta guise ! Après le grand méchoui, la fantasia !
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    Cavaliers Metalsa de Aïn Zohra
    Le jour du retour de Mohamed V, que Dieu ait son âme, il a ordonné l'armistice, « Cessez le feu ! »
    Les gens nous ont rejoint à l'Armée de Libération. Ils sont restés dans le maquis, où ils ont lutté jusqu'au jour où nous avons reçu un message de Mohamed V disant en substance :
    « La lutte armée est terminée; notre indépendance est acquise.»
    Nous rendîmes alors nos armes, pour nous diriger vers Rabat.
    Mohamed V était venu chez nous par la suite à Boured, où il avait prié sur nos martyres. Après quoi, il s'est  rendu à Tizi Ousli et à Aknoul. »
    L'Armé de Libération du Maghreb
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    Fantassin Bni Waraïne:L'Armée de Libération est restée à Bouskour, Tizi Ousli et Boured. Les Béni Waraïn avaient attaqué eux aussi leur  bureau de Tahla,  d'où  ils avaient ramener tout un arsenal, qu'ils avaient conservé jusqu'à ce que cette armée se soit constituée et renforcée.
    L'Armé de Libération du Maghreb voulait combattre à la fois pour l'indépendance du Maroc, dont la première étape était la restauration de Mohamed V et pour l'indépendance de l'Algérie, en assurant son concours aux efforts des insurgés de l'Oranie. En faisant appel au patriotisme et à la religion, elle devait débaucher les soldats et les officiers marocains des unités françaises pour se procurer des combattants aguerris et surtout des armes.  Deux prestigieux militants algériens jouèrent un rôle considérable dans le développement de l'ALM et surtout de l'esprit qui l'inspira. Mohamed Boudiaf qui vint à plusieurs reprises à Tétouan, fut l'animateur et l'Arbi Ben Mhidi, à Nador, l'éducateur. Le marocain Sanhaji, le baroudeur, avait établi à Nador un centre d'entraînement d'où partirent les émissaires qui implantèrent des commandos dans les tribus entre Oujda et Fès, dont un militant de haute qualité Abbas Messaîdi, fut l'agent de coordination.
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    Vestiges du poste avancé en montagne de Boured
    Le 20 août 1953, le Sultan Mohamed V est destitué par les autorités Françaises. La résistance commence aussitôt à s'organiser. Mais les armes manquent. Pour en chercher dés le 27 août un responsable de l'Istiqlal, Abdelkébir El Fassi, prend contact à Madrid avec le Dr Hafid Ibrahim. A Rabat, lors de la prière du vendredi, un militant héroïque, Allal Ben Abdellah, a attaqué au poignard le Sultan fantoche Ben Arafa , installé par le général Juin. L'attentat a échoué, son auteur y laissa la vie. Mais son geste a renforcé la croyance en la résistance marocaine et inciter les sceptiques à la soutenir. Des émeutes ont eu lieu le 20 août 1955 à Kasbat Tadla, Boujad, Oued Zem et Khouribga. Le mercredi 28 septembre 1955, M.July ministre des affaires marocaines et tunisiennes évoque pour la première fois le départ de Ben Arafa. Mais ni le Conseil du Trône, ni le gouvernement ne répondaient plus à une situation qui les dépassait. La population marocaine, ne se contentait plus du transfert trop tardif de Mohamed V en France. Pour arracher la restauration immédiate du Sultan, les attentats individuels ou les manipulations collectives gardaient leur efficacité mais ne suffisaient plus. Des insurgés engageaient la guerre de reconquête du Trône par une armée de Libération dans le Rif et le Moyen Atlas. Et comme pour prouver l'inanité des demi-mesures le hasard voulu que l'insurrection coïncidât exactement avec le départ de Ben Arafa.
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    Boured
    Il faut attendre quasiment la conférence d'Aix-les-Bains (été 1955), où s'ouvrent des négociations sur l'indépendance du royaume, pour qu'apparaissent les contours d'une armée marocaine de libération nationale. Un « comité de coordination » de l'Armée de Libération du Maghreb(ALM) est constitué le 15 juillet 1955, à Nador, avec quatre membres : Ali Draïdi(Boudiaf), Ahmed Ben Mohamed ben Abdelkader(el-Mhidi), Abdellah(Sanhaji), et Abbas Ben Omar(el-Messadi). La date du premier soulèvement est fixée au dimanche 2 octobre « à partir de 0 heure et pas avant. » Un premier bilan, dressé le 6 octobre 1955, insiste sur l'effet de surprise et la saisie de 380 armes. Il évalue le nombre de victimes de l'offensive à 71, en majeur partie européennes.
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    Vue de Bouzineb depuis Bourd
    Marocains et Algériens établissent à Nador, un centre d'entraînement d'où partent les émissaires qui implantent des commandos dans les tribus situées entre Oujda et Fès. L'ALM entend combattre tant pour l'indépendance du Maroc, dont la première étape est la restauration de Mohamed V, que pour l'indépendance de l'Algérie en assistant les insurgés de l'Oranie. Elle se pose , de la sorte, en armée maghrébine. En faisant appel au patriotisme et à la religion, elle débauche des militaires marocains des unités françaises pour se grossir de combattants endurcis et se fournir en armes. Beaucoup répondent à cet appel.
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    Ruines du poste de Boured
    Le 1er octobre 1955, Boyer de Latour, le Résident général au Maroc, devait se résigner de voir Ben Arafa quitter Rabat pour Tanger. Dans la nuit du jour de départ de Ben Arafa, l'Armée Marocaine de Libération entra en action, à la frontière des deux zones d'occupation française et espagnole. Les postes de Tizi Ousli, Aknoul et Boured furent les premiers attaqués. Puis l'assaut prit de l'ampleur prenant l'observatoire de bou Zineb pour cible. Une troisième attaque fut entreprise en même temps par d'autres formations de l'Armée de Libération dans le sud de Taza qui s'emparèrent du poste d'Immouzer des Marmoucha dans le Moyen Atlas : le magasin d'armes permit aux résistants de récupérer 300 fusils mortier 60, plusieurs fusils mitrailleurs et plusieurs dizaines de pistolets mitrailleurs. Alors que d'autres commandos pénétraient dans l'Oriental à proximité d'Oujda, la tribu des Gzenaya se joignit à l'Armée de Libération et passa de l'autre côté de la frontière. Ce fut le commencement d'une deuxième guerre du Rif, après celle qui avait été déclenchée, et glorieusement menée, 35 ans auparavant, par Abdelkrim El Khattabi.
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    Poste de Boured
    Les 7 et 8 décembre 1952, les manifestations de Casablanca, organisées pour protester contre l'assassinat de Ferhat Hechad en Tunisie, se soldent par la mort de 60 Marocains et 6 Européens. Après l'attentat du marché central de Casablanca, le 5 décembre 1952, les principaux militants tentèrent, pas toujours avec succès, de passer au Maroc espagnol.  Abdellah Senhaji, qui devait jouer un rôle important dans la création de l'Armée de Libération Maghreb(ALM), put gagner El Ksar El Kébir (à 36kms au sud-est de Larache)où vivaient déjà 34 résistants qu'il groupa et organisa. Il existait alors à Tétouan un comité de réfugiés, où figuraient non seulement des gens du peuple mais des représentants des grandes familles fassies et des intellectuels occidentalisés, surtout soucieux de politique. Le conflit était inévitable entre les Istiqlaliens de Tétouan et les résistant d'El Ksar El Kébir et de Larache plus enclins à se battre même quand le Dr Abdelkrim Khatib fut rappelé de France pour mettre de l'ordre.
    boured10.JPGL'ALM proclama dés le 30 juin 1955, qu'elle « ne déposera les armes qu'après la reconnaissance par la France officiellement et internationalement de l'indépendance du Maroc sous l'autorité du roi et de son leader Mohamed Ben Youssef ». Le choix n'existait plus qu'entre le retour immédiat de Mohamed V ou le chaos. Ainsi s'affirmait une divergence, lourde de conséquences, qui devait subsister même après la restauration du Sultan.
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    Les organisations de résistance, jouissaient d'une certaine liberté de mouvement et d'action dans la zone nord du protectorat espagnol. « On se trouve en présence d'une action dirigée contre le Maroc depuis le Caire. » titre la « Vigie » de l'époque. Deux circonstances permirent en effet, l'essor de l'Armée de Libération Maghrébine : d'abord l'adhésion des égyptiens après l'avènement de Nasser qui leur a promis aide, et surtout le concours des chefs de l'insurrection algérienne... Enfin s'ajoute le changement d'attitude des autorités espagnoles qui, après avoir durement accueilli les réfugiés, admirent de les traiter en politique puis leur donnèrent toutes facilités pour organiser des commandos.  Les armes et munitions qui permirent les premières opérations de l'Armé de Libération du Maghreb , provenaient en partie des achats effectués en Suisse, en Belgique, en Allemagne, ou en Espagne, par Abdelkébir El Fassi,Abderrahman el Youssoufi et d'autres militants. L'autre partie de l'armement, qui semblait être la plus importante, provenait des actions conjuguées des dirigeants algériens du F.L.N. et des dirigeants marocains de' l'A.L.N. C' était la première fois que la solidarité Maghrébine cessait d'être un slogan pour se concrétiser dans le combat contre l'occupation coloniale. Le rôle du docteur Hafid Ibrahim, installé à Madrid depuis la fin de la 2ème guerre mondiale, avait été déterminant. Très souvent, et cela dés 1953, il avait contribué de ses propres deniers pour fournir aux résistants et maquisards les armes qui leur faisaient défaut.  En 1954, cinq mois avant le déclenchement de l'action, Ben Bella est à Berne. Une réunion a lieu à laquelle participaient avec lui, Ben Boulaïd, et Abdelkébir El Fassi. Ben Bella est chargé d'assurer la coordination avec la résistance marocaine. Abdelkébir El Fassi retourne aussitôt à Madrid pour informer le Dr Hafid Ibrahim que l'Union des trois mouvements maghrébins est en bonne voie. Quelques temps plus tard, Abdelkébir El Fassi présente au Dr Hafid Ibrahim des « gens gonflés à bloc ». Il s'agit de Ben Bella et Boudiaf. On se répartit les tâches : à l'Ouest du Maghreb, Boudiaf, à l'Est, Ben Bella.Boudiaf prend immédiatement la direction des affaires du F.L.N. au Maroc et s'installe à Tétouan, 15 rue Mandri. Il met également en place un P.C. à Nador et noue des rapports étroits avec les responsables marocains, notamment Laraki Ghani, Abbès Messaâdi, Belhaj Latabi, et Abdellah Senhaji.   Son premier souci bien entendu, est de trouver des armes. Il en achète d'abord à des espagnols. Le général Garcia Valino, haut commissaire du Maroc dit espagnol, n'ignore pas les opérations mais les tolère. Abdelkébir El Fassi, au retour de Berne, a pu avoir un premier entretien avec Gamal Abdel Nasser. L'entretien a permis au président égyptien de prendre une vue précise de l'ensemble de la situation au Maghreb : ce qui le décide en août 1954 à amplifier considérablement son aide aux mouvements de résistance.   Ben Bella gagne le Caire où se trouve Allal el Fassi,le leader de l'Istiqlal. Les évènements, dès lors, vont se précipiter. Nasser décide d'aider à fond. Reste à expédier les armes. En rade d'Alexandrie est ancré le yacht DINA, propriété de la reine Dina de Jordanie. Sans demander l'avis de l'intéressée, Ben Bella, aidé d'un commando algérien, s'en empare, recrute un équipage grec et embarque un important stock d'armes : fusils mitrailleurs, mitraillettes, fusils, grenades et munitions. Deux responsables sont désignés pour les convoyer : le Soudanais Brahim Nyal et l'Algérien Mohamed Boukharrouba qui deviendra plus tard colonel et célèbre sous le nom de Houari Boumedienne. Destination : Nador, au Maroc, encore dit « espagnol », où Boudiaf, on le sait, a installé une base. Le yacht est déjà en plein mer quand Ben Bella reçoit un télégramme d'Abdelkébir El Fassi : « surseoir à l'envoi du bateau ».Motif : il n'a pu obtenir l'accord des autorités espagnols au déchargement des marchandises. Mais il est trop tard pour reculer, et surtout les maquisards ont trop besoin de ces armes pour tenir compte de considérations diplomatiques. Ben Bella décide d'aller de l'avant. Boudiaf avertit s'est rendu à Nador avec Larbi Ben M'hidi et des responsables marocains (notamment Mohamed Ben Saïd, Saïd Bou N'aïlat, Abbès Messaâdi). Pour suivre de près l'opération, Boudiaf, gagne Tétouan en compagnie du Docteur Abdelkrim Khatib. Celui-ci qui deviendra un de ses plus fidèles amis personnels, arrivait de France pour prendre la présidence du Comité Marocain de la Résistance et le commandement de l'Armée de Libération Nationale marocaine, qui se constituait alors dans le Rif, avec Abbas Messaâdi, Abderrahman El Youssoufi, Abdellah Senhaji...
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    Baie de Nador
    N'ayant pas l'autorisation d'entrer au port, le  Dina longe la côte marocaine près de Nador, en quête d'une crique propice, mais s'échoue. On attend la nuit et les caisses peuvent être débarquées à dos d'hommes. Quelques uns seulement tombent à la mer et ne peuvent être récupérées. L'aventure, en définitive, se solde par un succès complet : Larbi Ben M'hidi réussi à acheminer une partie de la cargaison vers la Wilaya 5 où elle joua un rôle majeur dans les actions en cours.     Attaqué sur ce nouveau front, le gouvernement français engage avec les Marocains, les pourparlers d'Aix-Les-Bains.
    L'agonie du Maroc Français
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    " La déposition de Mohamed V était à l'origine de l'insurection
    Sous le titre « L'agonie du Maroc Français » Pierre Boyer De Latour(ancien Résident général de France, en Tunisie et au Maroc) écrit dans son livre « Vérités sur l'Afrique du Nord », paru en 1957, soit deux ans après les évènements :
    Dans la nuit du 1er au 2 octobre 1955 les postes français de Tizi Ouzli et de Boured situés en bordure de la zone espagnole furent attaqués par des commandos venus de cette zone ; celui de Boured, bureau des affaires indigènes, sans défense extérieures, fut enlevé, l'autre résista. De plus, l'observatoire de Bou Zineb situé en pleine zone espagnole et occupé seulement par quelques Goumiers commandés par un sous-officier français fut attaqué dans la nuit du 3 et enlevé lui aussi ; quelques hommes et le chef du poste parvinrent à s'enfuir ; ils racontèrent l'attaque. Un poste espagnol, voisin de moins de deux kilomètres du poste français n'intervint pas. Or la police dans sa zone appartenait bien à l'Espagne. Je laisse au lecteur le soin de conclure.  Dans la même nuit du 1er au 2 octobre et dans la journée du 2, le poste de Berkine, au sud de Taza fut aussi assailli. Mais il résista jusqu'à l'arrivée des renforts venus de Guercif. Les agresseurs prirent la fuite.  Le poste des Immouzar des Marmoucha, dans le Moyen Atlas, avait lui aussi été attaqué et l'affaire était plus grave. Le chef de circonscription des Affaires Indigènes commandant du poste avait été prévenu par un Marocain de l'imminence d'un coup de main, car une bande d'étrangers armés circulait dans le pays ; malheureusement il ne crut pas au renseignement qui lui avait été donné. Il ne prit pas de précautions sérieuses et les dispositions prescrites dans son poste allaient amener un désastre. La garnison était composée du 22ème Goum marocain, soit environ 180 hommes mais tous désarmés. L'officier avait fait conserver armes et munitions enchaînés au magasin, ne laissant de fusils qu'au poste de police. Attaqué par le commando ce dernier se défendit ; mais il n'était composé que d'une dizaine d'hommes ; des assaillants parvinrent à se glisser jusqu'au magasin, y pénétrèrent et emportèrent armes et munitions. Le lendemain été jour de souk, de nombreux Marmouchas s'y rendirent. Une quarantaine d'hommes du commando avec les armes volés se trouvèrent au milieu d'eux ; chacun se précipita pour prendre une arme ; il faudrait ne pas connaître les Berbères pour croire qu'il en aurait pu en être autrement. Plus de 300 fusils, un mortier de 60, 10 fusils-mitrailleurs et 48 pistolets-mitrailleurs furent enlevés. D'autre part les villas des officiers  furent attaquées et brûlées, un contrôleur civil venu passer le week-end chez un officier fut tué et une voiture civile attaquée. Dix civils dont une femme d'officier et deux enfants furent tués.
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    J'avais alerté toute l'aviation disponible, elle intervint et sauva le poste jusqu'à l'arrivée d'une colonne de secours qui dispersa les assaillants. La tribu des Marmoucha n'avait pas participé dans son immense majorité à ce coup de main. La colonne de secours composée d'un bataillon de la légion étrangère et du 1er Tabor marocain entreprit immédiatement une vaste opération de nettoyage. Dés le premier jour une quarantaine d'armes furent rendus. Je donnai l'ordre de constituer avec d'autres tribus des commandos armés pour donner la chasse aux dissidents. Les résultats au bout d'une quinzaine de jours furent excellents. J'envoyai sur place des officiers des affaires indigènes connaissant Bien les tribus, les Marmoucha rendirent une grande partie de l'armement dérobé et le commando qui était venu de la zone espagnole par les étendues désertiques de la vallée de la Moulouya, regagna le protectorat voisin où il renforça les éléments qui harcelaient nos troupes.   L'enquête prouva que le coup venait de la zone espagnole de connivence avec quelques individualités locales. La chose était normale car dans toute tribu marocaine il y a au moins deux clans, et si l'un est au pouvoir, l'autre désir le déposséder, tous les moyens sont bons pour y parvenir. Les haines particulières jouent sur le plan général. Sans aucun doute, un commando dont les chefs étaient Mimoun Ou Akka et Ahmed Ou Lhassen,Marmouchas réfugiés en zone espagnole, s'était dirigé vers Immouzer et avaient procéder à l'attaque du poste. L'armement du commando était anglais et avait été débarqué sur la côte dans le protectorat voisin. Une certitude se dégageait, largement confirmée depuis par les interrogatoires de prisonniers : tout ce mouvement avait été conçu et préparé par des agitateurs et des étrangers réfugiés dans la zone voisine. Les Espagnols ont hébergé les réfugiés, les ont munis de cartes d'identité, ont fermé les yeux sur la contrebande d'armes et ont laissé monter sans intervenir  toute une organisation qui n'avait pour but que de préparer un mouvement insurrectionnel en  zone française.   J'avais dégarni les autres régions du Maroc et fait affluer vers la zone nord de Taza d'importants effectifs. Nos troupes bordaient toutes les hauteurs à proximité de la zone espagnole. Les tribus, comme on aurait pu le craindre, n'avaient pas bougé à part une fraction de Gzenaya qui avaient été forcé de suivre le commando en zone espagnole.
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    Immouzer des Marmoucha était calme, les armes volées rentraient ; sur le plan militaire je n'avais plus pour souci que la menace sérieuse que faisaient peser les bandes qui se situaient à la limite et à l'intérieur de la zone espagnole.
    Pendant ce temps la presse arabe et espagnole de Tétouan se déchaînait contre la France. En gros titres les communiqués de l'armée de libération étaient publiés ; tel celui - ci paru le 3 octobre dans le journal AlOummah.
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    L'Armée de Libération du Maghreb arabe annonce l'insurrection nationale bénie dans toutes les régions du Maghreb.
    La guerre contre le colonialisme français s'étend de l'océan Atlantique jusqu'à l'intérieur des frontières de Tunisie.
    Les premières batailles avec les forces françaises ont occasionnés la mort d'un grand nombre de soldats du colonialisme.
    Les postes français demeurent encercler malgré l'intervention de l'aviation dans le combat. Les voies de communication sont totalement coupées.
    Au nom de Dieu le Tout Puissant, le haut commandement au Maroc publie son premier communiqué sur la lutte sacrée.
    Le but est : l'indépendance totale du Maroc et de l'Algérie et le retour de Mohamed Ben Youssef sur son Trône à Rabat.
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    Le général Boyer De Latour publie un communiqué où il accuse l'Espagne par des termes à peine voilées, de passivité voire de complicité avec les menés de l'Armée de Libération dans le no man's land de la zone frontière. En somme l'Armée de Libération a bénéficié de rivalité entre l'Espagne et la France !
    Le récit s'achève ainsi : « un jour je reçus une lettre d'un ami du Maroc qui se terminait ainsi : le Maroc Français est mort le 11 novembre à 16h.30.
    C'était l'heure où mon avion décollait de l'aérodrome de Salé ! »
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    « En ce mois d'octobre 1955 écrit pour sa part Ahmed  Balafrej, le début des opérations militaires de l'Armée de Libération, basée dans la zone Nord, sous occupation espagnole,précipite les évènements. Le gouvernement Français prend la menace au sérieux et décide précipitamment le retour de l'exil de Mohamed V et l'ouverture de négociation de Saint-Germain-en-Laye avec le Souverain marocain. Au début de 1956, un conseil restreint de la résistance se réunit à Madrid en présence de Allal El Fassi. D'une part, il a été décidé de déposer les armes dans la partie libérée, et ce conformément à l'appel de Mohamed V. Et d'autre part de poursuivre la lutte dans les territoires encore occupés au Sahara et l'aide aux combattants algériens. »
    Le retour de Mohamed V
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    "Le jour où ils ont déposé Mohamed V, nous étions dans une fête de mariage. On est venu nous en informé vers le coup de minuit. Le mariage se déroulait dans un douar par ici. Je faisais partie des convives. On nous dit :
    « Levez - vous ! Mohamed V vient d'être déposé ! Cette nuit, Boured sera brûlé ! Allant - s' y ! »
    Ce fut effectivement l'étincelle qui mit le feu aux poudres en ce jour du 20 août 1953, lorsque  le Sultan Mohamed V est destitué par les autorités françaises. La résistance commence aussitôt à s'organiser. Mais les armes manquent. Pour en chercher, dès le 27 août, un responsable de l'Istiqlal, Abdelkébir El Fassi, prend contact à Madrid, avec le Dr. Hafid Ibrahim.A Rabat, lors de la prière du vendredi, un militant héroïque, Allal Ben Abdellah, a attaqué au poignard le Sultan fantoche Ben Arafa, installé par le Général Juin. L'attentat a échoué et son auteur y a laissé la vie. Mais son geste a renforcé la croyance en la résistance marocaine et incité les sceptiques à la soutenir.
    Le Maroc se dressait unanime dans ses villes et dans ses campagnes pour réclamer le retour de celui qu'il considérait comme son roi. Le souffle populaire balayait comme un ouragan les ultimes tentatives de conjuration. L'opposition au sultan perdait pied. Désormais pour la France, il ne s'agit plus d'écarter Mohamed V mais de précipiter son retour à Rabat. Après un séjour de Beauvallon, réduit par la hâte du gouvernement à une escale d'une journée, le sultan put mesurer l'étendue de son triomphe à Saint-Germain-en-LLay, le 1er novembre 1955. Il était désormais le maître du jeu. Ben -El-Arbi -El Alaoui, qui n'avait jamais quitté le Maroc, prit l'avion pour rendre hommage à son Souverain. Le Glaoui après avoir fait anti-chambre pendant plus d'une heure, obtint une audience de trois minutes et demi, au cours de laquelle il baisa, à genoux, la babouche du sultan, sous les feux des photographes. Mohamed V qui gardait la tête froide, pardonna en souriant. Le renoncement du Glaoui à la vie politique(12 janvier 1956), suivi bientôt de sa mort(23 janvier) marqua la fin du régime des grands caïds que Lyautey avait maintenu.
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    Tsoul
    Le Glaoui s'étant rendu compte, depuis le départ de Ben Arafa, que la partie était perdue, déclare le 25 octobre 1955 : « j'éprouve la joie du peuple marocain tout entier à l'annonce du retour en France de SM Mohamed Ben Youssef. Je fais mien le vœux de la nation marocaine, qui est la prompt réstauration de Sidi Mohamed Ben Youssef et son retour sur le Trône, retour seul à unifier dans l'ordre les esprits et les cœurs. » Avec elle s'effondrait le mythe des deux Maroc, de la fidélité des grands caïds et de l'influence religieuses des confréries. Pacha, caïds, cheikhs des zaouia, le Kettani en tête, rivalisaient de hâte et d'ardeur pour rentrer dans l'obédience et aussitôt l'Istiqlal réclama la restauration du Souverain. Les réactions populaires contre les caïds après le retour du Sultan montrèrent que le ralliement du Glaoui signifiait pour eux la fin du régime. Même Boyer de Latour comprit qu'il n'y avait plus d'autres solutions que la restauration de Mohamed V.
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    Branès
    Ce fut une foule en délire, contenue par les milices de l'Istiqlal et du PDI qui accueillit le roi, le 16 novembre 1955. Le peuple qui l'acclamait assumait avec fierté l'œuvre de restauration : « par les bombes et les revolvers, chantaient les femmes, nous avons conquis notre roi. » En plébiscitant le Souverain, la nation marocaine, rejetait tout compromis et faisait entrer l'indépendance dans les faits avant qu'elle ne fût dans le droit.. Le roi bénéficiait non seulement de son prestige d'imam mais d'une sacralisation populaire acquise par le martyre.
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    Bni Bou Yahi
    En mai 1956, un accord avec Paris permet au roi de réorganiser la police et de mettre sur pied plusieurs bataillons encadrés  par des officiers marocains et français. 6000 partisans de l'Armée de Libération Marocaine se joignent aux tirailleurs marocains de l'armée française. Cette jonction hisse les effectifs des Forces Armées Royales (FAR) à 30 000 hommes, placés sous l'autorité directe du jeune prince Hassan qui occupe la fonction du chef d'Etat Major. Les règlements de compte dans les rangs du nationalisme marocain, accélèrent cette montée en puissance. Ainsi l'assassinat de Abbas Messadi, en mai 1956, vraisemblablement organisé avec l'accord de Mehdi Ben Barka, provoque le ralliement de 5000 hommes de l'Armée de Libération aux FARS.
    A Boured, un témoins nous signale cet évènement mystérieux , glaçant et incompréhensible : En 1958, le souk d'Imzouren, chez les  Bni Ouariaghel la tribu d'origine d'Abd-el-krim dans le Rif fut transformé en terre brûlée par les Forces Armée Royale. Les causes de cet évènement restent encore obscures à ce jour. Si la tradition orale l'évoque dans le Rif ; il relève encore de ces zones d'ombre dont les écrits historiques restent parcimonieux....
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    La deuxieme guerre du Rif

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    Immouzar - des - Marmoucha
    Dimanche 2 octobre 1955
    Il y a trois ans de cela, au mois d'octobre 2007, nous avons rencontré Ilyas Mimoun Ou Aqqa alors âgé de 97 ans. Il nous a reçu chez lui, sur chaise roulante, non loin de la cascade d'Imouzzar des Marmoucha pour nous entretenir de ses souvenirs du soulèvement armé du 2 octobre 1955 dont il était l'instigateur à l'âge de 45 ans. Né à Marmoucha  en 1910, il est aujourd'hui centenaire en 2010. Le documentaire que nous lui avons consacré alors n'est toujours pas diffusé par la deuxieme chaine marocaine. Pourquoi?
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    Au lendemain de l'attaque - surprise , le dimanche 2 octobre 1955, d'Immouzar des Marmoucha au Sud du couloir de Taza et de Boured au Nord de ce même couloir, « la Vigie Marocaine », annonce en première page les graves incidents qui se sont produits au cours de la nuit de samedi à dimanche dans la région située au Nord et au Sud de Taza sous le titre : « 2000 rebelles des tribus tenus en échec à Immouzer - des - Marmoucha et à Berkine ».L'attaque d'Imouzzer des Marmoucha fut l'épisode le plus sanglant de l'insurrection du 2octobre 1955 : Les rebelles tuèrent dix européens et cinq goumiers. Ils purent emporter une grande quantité d'armes.  
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    La rébellion des montagnards   Marmoucha , occupant le versant Sud de Bou Iblane, fut la plus surprenante :  « Nous avions dés le début de la matinée, reçu de nos correspondants du Nord du Maroc, des informations à ce sujet, souligne l'auteur de l'article, mais fragmentaires, car l'interruption des communications téléphoniques avec les zones troublées ne permettait pas de se faire une opinion sur l'importance réelle de ces évènements. Les précisions fournies de source officielle nous permirent toutefois d'affirmer qu'à Immouzer des Marmoucha, le bilan est hélas lourd : le goum d'Immouzer a été décimé. L'effet de surprise a été incontestable...La preuve est acquise que les tribus ont été armées grâce à une active contrebande d'armes en provenance de la zone espagnole vers la région des Marmoucha ainsi que par Guercif vers la moyenne Moulouya. Ces armes ont servi entre autre, à l'attaque de Berkine... ».
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    Le contexte Maghrébin était favorable à la revendication d'indépendance. C'était l'impasse en Tunisie avec la répression contre le néo-déstour, l'assassinat en 1953 du dirigeant syndicaliste Farhat Hachad, et au Maroc avec la déposition du Sultan Mohamed V et les émeutes sanglantes de Casablanca. L'option en faveur de la lutte armée se faisait sous le signe de la coopération Maghrébine. Plusieurs réunions, en 1953 et 1954, aboutirent à la reconstitution d'un Comité de la libération du Maghreb arabe siégeant au Caire.
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    Abd-el-krim et Mohamed V au Caire
    Boudiaf, Ben M'hidi et autres Algériens circulaient dans la zone espagnole avec des autorisations qui leurs avaient été procurées par le Dr Khatib, en tant que réfugiés politiques marocains. La collaboration était parfaite. C'est ce qui poussa Ben Bella, après son cours séjour à Nador, à demander aux Egyptiens de fournir les armes aux résistants. Nasser chargea ses services de s'occuper sérieusement de la question algéro-marocaine. Boudiaf homme de résistance algérienne, vint à Tétouan pour prendre contact avec la résistance marocaine. Une  cargaison d'armes venant d'Egypte fut réceptionnée sur la côte de Kebdana(à l'Est de Nador),le 21 septembre 1955. Mimoun Ou Aqqa resistant originaire des Marmoucha  figurait parmi les hommes présents, dont entre autres : Mohamed Boudiaf, Abbas Messaâdi, Abdellah Senhaji, le sergent Abdesslam orignaire d'Aknoul chez la remuante tribu rifaine des Gzenaya...
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    Abbas Messaâdi
    De Nador, la voiture allouée à Abbas Messaâdi servait à déplacer les armes jusqu'à une distance hors de la ville. L'armement était caché par la suite à Drius(45 kms au sud-ouest de Nador). Une quantité fut transportée à Immouzar Marmoucha par Mimoun Ou Aqqa, Ahmed Dkhissi et Lhoucine Marmouchi. Tout acheminement se faisait de nuit, soit à dos de mulet, soit à dos d'hommes.Dans la foulée de ces dramatiques évènement, la presse de l'époque annonce le départ du Roi fantoche Ben Arafa vers Tanger, ainsi que la constitution d'un conseil du trône composé du Grand - Vizir Mohamed El Moqri, de Si Bekkaï, ancien Pacha de Sefrou, de Si Sbihi pacha de Salé, et de Si Tahar Ou Assou caïd des Alaham ,(ce dernier est le fils de Ali Ou Assou le caïd des Alaham, qui était venu avec sa harka dans le sillage du colonisateur pour mater la rébellion Marmoucha en 1926). C'est son fils qui est nommé par le résident général, le 16 octobre 1955, comme membre du Conseil du Trône. Juste après l'indépendance, on retrouvera ce même Tahar Ou Assou, gouverneur de « Marrakech-Safi-Essaouira » : allez comprendre quelque chose à l'histoire politique du Maroc...Ceux qui ont véritablement contribué par leur lutte à l'avènement de l'indépendance sont restés à l'ombre jusqu'à la mort. C'est le cas  d'Ilyas Mimoun Ou Aqqa que nous avons rencontré presque centenaire près de la cascade d'Imouzzar des Marmoucha, là même où ,un demi siècle plutôt, il avait dirigé le commando qui mena l'attaque contre le poste des goums , le 2 octobre 1955 à 0 heure.  Mission dont l'avait chargé personnellement Abbas Messaâdi, membre fondateur de l'Armée de Libération du Maghreb.
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    Vue d'Immouzer des Marmoucha
    Ce dernier qui était alors chargé avec Sanhaji,  de la résistance de la zone Nord et du Maroc Oriental, avait alors adressé aux hauts responsables de l'A.LM., une lettre en date du 11 août 1955, où il affirmait qu'il était en train de former 15 personnes au maniement des armes, au bord de la Moulouya, et dans les parages de Nador.Il était écrivait-il  obligé de  «  porter la djellaba, de s'enrouler la tête d'un turban et de voyager dans un autocar « dégoûtant » roulant sur une piste épouvantable, ne pouvant dépasser vingt kilomètre à l'heure, pour contacter des personnes ressources et former des paysans ! » . 
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    Larbi Ben Mhidi le 23 janvier 1957 
    Abbas Messaâdi  était chargé avec l'algérien Larbi Ben M'hidi  d'entraîner et de former militairement ces frustes montagnards, au bord de la Moulouya, d'en faire les premiers éléments de l'Armée de Libération du Maghreb naissante. C'est d'ailleurs ce noyau primitif de la résistance Maghrébine qui formera à son tour les commandos qui seront éparpillés dans les montagnes rifaines et du Moyen-Atlas . Lesquels entrainements servaient aussi à preparer la fameuse Bataille d'Alger  : Ben M'hidi finira par y laisser la vie....
     Le témoignage d'Ilyas Mimoun Ou Aqqa
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    Ce simple Mokhazni du protectorat à Tagnift de 1937 à 1955, soit 18 ans de bons et loyaux services,Ilyas Mimoun Ou Aqqa va  progressivement se convertir au nationalisme par ceux-là mêmes dont il était le géolier du temps du protectorat. C'est une « apparition surnaturelle »  de Moulay Idriss qui était  à l'origine de sa conversion au nationalisme en le convaincant de choisir définitivement son camp ; celui des damnés de la terre :
    « Le début de mon engagement dans la résistance a commencé du temps où j'étaisMokhazni du côté de Béni Mellal. J'ai vécu 16 à 18 ans là-bas. Des gens deWawizeght venaient d'être emprisonnés. Ils étaient six condamnés aux travaux forcés à Tagnift. Le Makhzen d'alors nous a chargé de les surveiller de près et de les mater sévèrement au besoin pour qu'ils reprennent le droit chemin. J'ai dit : « D'accord ». Au moment de toucher ma paie, un de mes amis qui était au bureau, m'invita à déjeuner  :« J'ai des secrets à te confier... » Me glissa-t-il.
    Et au cours du repas, il m'a demandé si j'étais  au courant, que des nationalistes parcouraient ces contrées en allant au devant des tribus ? « Mais qui va m'en informé, lui- répondis-je, puisque je suis considéré du mauvais côté , celui des colonisateurs français. De quoi s'agit - il ?»
    « Nous autres les nationalistes, me rétorqua-t-il, on te considéré comme des nôtres. Même si tu n'avais pas assisté à la réunion clandestine, on t'a compté parmi les nôtres. Il va bientôt arriver par ici un chérif à qui tu dois prêter serment. ». Le soir le dit chérif est arrivé et je lui ai prêté serment. Il m'a recommandé bouche cousue, après quoi  je suis parti au bureau. En s'en approchant, je l'ai trouvé entouré de tentes. J'ai alors demandé au gardien :
    « Pourquoi tant de surveillances ? »
    Il m'a répondu :
    « Nous avons reçu l'ordre de nous rendre aux Skhounate.
    « Où se trouve cette localité ? »
    « Chez les Marmoucha. » Me répondit - t -il.
    « Ma maison se trouve à 2 ou 3 kilomètres de ce lieu - dit. Je vais donc vous accompagner ! » lui dis-je.
    Le lendemain, je me suis retrouvé dans cette montagne. J'étais accompagné de quelqu'un. Nous étions en conciliabule à la lisière de la forêt, quand des gens surgirent de nulle part. Certains portaient des turbans, d'autres non.
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    A leur approche, nous nous sommes enfuis vers le plat pays, là où partout des fleures surgissent du sol : des rouges, des mauves, des jaunes. Je demande à mon compagnon : « D'où vient tant de fleurs ? »,« De Moulay Idriss. »Me répondit -t-il.J'ai alors commencé à errer. Les échos du nationalisme tournoyant dans ma tête. J'ai dis à un ami :« Nous autres qui travaillons pour le Makhzen, les Français nous considèrent comme leurs enfants, pourtant l'appel du nationalisme m'interpelle. » Il me rétorqua : « Tais-toi ! N'évoque pas cela ! Les Français parviennent à dénicher ce qui est souterrain, alors n'en parlons pas de ce qui est visible sur la surface de la terre ! »
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    Un peu plus tard, j'ai eu la visite de l'un des prisonniers que j'ai connu à Beni Mellal. Dés sa descente du bus, il m'a dit :« On m'a envoyé de Casablanca. »
    « Pourquoi vous continuez à me poursuivre ?! Lui dis je. C'est à cause de vous que j'ai perdu mon emploi au Makhzen !
    « Nous avons déjà travaillé avec toi en prison, me rétorqua -t- il.. On a vu comment tu nous traitais, en nous disant :« Si vous voyez le capitaine ; au travail ! Mais si vous ne le voyez pas, dodo ! » Il faut que tu nous dise, quant es ce que tu vas nous rejoindre à Beni Mellal ?
    « Nous avons ici une boutique et les Français veillent au grain... » Leur -dis-je.
    « À telle date, on se reverra à Moulay Yaâkoub, me dit le mystérieux visiteur. Tu porteras une écharpe jaune et notre émissaire des lunettes rouges. C'est par ces signes que vous allez vous reconnaître mutuellement. »
    En quittant Immouzar-des Marmoucha, j'ai dis à mon frère :
    « Si quelqu'un demande après moi, dit lui que tu ne sais pas si je suis mort ou vivant ! »
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    C'est à Safsafat que nous avons rencontré notre contact. On l'appelait Haj Ben Qaddour. Il état accompagné d'un résistant des Doukkala dont j'ai oublié le nom. Ils ont téléphoné à Abbas en lui disant :
    « Le Monsieur est avec nous. » Abbas nous rejoignit par la suite à Tétouan :
    « Maintenant que tu es arrivé saint et sauf, me dit - il, rendant grâce au Seigneur, car tu étais menacé d'arrestation à tout moment ! »
    Abbas Messaâdi est arrivé avec l' un de ses amis qui poursuit ses études à  Bab el Khoukha à Fès :« On t'a dénoncé à la police, lui dit ce dernier. Ils viendront te chercher ce soir. »Un mouchard est allé nous dénoncer à la police.
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    L'inconnu venu d'Egypte se lève alors en disant à Abbas :
    « Je  m'en vais, les armes qui arrivent au Maroc passeront par tes mains. Tu auras une somme d'argent, et je t'indiquerais les centres de l'armée de libération. Vous pouvez constituer les premiers noyaux de cette armée. »
    L'égyptien était un émissaire de Nasser qui soutenait les mouvements de libération nationale maghrébin. C'est au Caire, en effet que naquit le 9 décembre 1947 le comité de libération du Maghreb Arabe. C'est là, que l'émir Abd-el-krim, publia le 5 janvier 1948,un manifeste signé par les représentants des principaux partis nord-africains, où tous s'engagent à lutter pour l'indépendance et rien que pour elle et à n'accepter aucune négociation préalable.
    Les armes expédiées d'Egypte par Nasser et Abd el Krim étaient destinés aux armées de libération du Maghreb. Une fois réceptionnées à Nador, ils ont étaient répartis entre Algériens et Marocains. La plus grosse partie des armes servira à la bataille d'Alger, le reste a été destiné principalement à Boured, Tizi Ousli et Aknoulchez les Gzenaya, à Berkine chez les Bni Waraïn, et à Immouzar - des -Marmoucha.
    « Avez-vous des résistants ? », Me demande Abbas Messaâdi.
    « Nous en avons. » Lui dis je.
    « Combien ? »
    « 400. Essentiellement des déserteurs de l'armée Française. »
    Nous sommes resté à Nador jusqu'à la livraison des armes en provenance d'Egypte. Nous étions cinq personnes à réceptionner le yacht pour récupérer les armes. Voyant que je suis taciturne, Abbas me dit :
    « Pourquoi ce silence ? »
    « Devons nous, nous attaquer aux  colons ou aux Cheikhs ? Lui dis-je. Car tuer les Cheikhs serait une erreur qui risque de nous mettre à dos leurs tribus d'origine, avant même que ne commence la bataille contre les colons.On risque de réveiller les vieux démonts du tribalisme!. »
    « Donnes - moi ta photo, me dit-il finalement. C'est toi qui es désigné pour l'attaque d' Immouzer des  Marmoucha, Ben Qaddour s'occupera de celle de Berkine. »
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    Vue de Berkine
    Les armes furent transportées jusqu'à Aïn Zorah. Mais une fois arrivés à Tlat Boubker, des gardes espagnols  ont arrêté les convoyeurs d'armes et les ont conduits au commandant pour vérification d'identité. Ils ont prétendu qu'ils se rendaient en visite à leurs familles. Le commandant espagnol leur a répondu qu'il n'était pas dupe, qu'il comprenait leur lutte, et les laissa continuer leur chemin. Ils ont parcouru de grandes distances jusqu'à ce que le soleil se lève sur la kasbah deMsoun. De là ils ont continué vers Safsafat, où à la tombée de la nuit, on les a muni de mulets pour transporter les armes vers Berkine d'une part, et vers Imouzar desMarmoucha d'autre part. A l'approche de celle ci, en passant devant un hameau où des gens étaient en palabre, Ilyas a pu entendre l'un d'eux dire :
    « Je soupçonne ces mulets d'être des convoyeurs d'armes, car je peux d'ici sentir  la poudre! »Tout le monde se mit à rire de sa remarque sans trop lui accorder l'importance qu'elle mérite !
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    Les armes à la manière dont les bergers transportent à dos de mulets les tentes de la transhumance. Je suis arrivé à Immouzar - des - Marmoucha, en longeant l'oued. Une fois à la maison mon frère qui y recevait des gens me dit  : « Où as-tu disparu ? Les Français te cherchent partout ! ». Avec l'aide de mes trois frères, nous avons caché les armes dans la montagne.
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    Une fois chez lui,  Ilyas Mimoun Ou Aqqa organise une réunion clandestine pour la répartition des tâches. Il y avait là des membres originaires de différentes fractions Marmoucha : Aït Mama, Aït Messad, Aït Bazza, Aït Samh, Aït Lahcen, Aït Youb, et Aït Benaïssa. Tous les fractions Marmoucha étaient là. C'est au cours de cette réunion qu' Ilyas fait part de la décision d'Abbas Messaâdi de mener des attaques simultanées contre tous les postes ennemis, le 2 octobre 1955 à zéro heures. Le plan d'attaque d'Immouzar - des -Marmoucha, visait les points névralgiques suivants :
    §  La résidence du commandant « Baud »
    §  La caserne militaire, située au centre d'Immouzer- des -Marmoucha.
    §  La caserne des Forces Auxiliaires, aux environs de la cascade.
    §  Le domicile du garde forestier.
    Immouzer-des -Marmoucha allait connaitre l'attaque la plus violente au Moyen Atlas. Le plan consistait à attaquer simultanément  tous les points névralgiques, puis de se retirer au mont Bou Iblane, où la résistance peut se réorganiser avant d'attaquer à nouveau les forces coloniales, à la manière de la guérilla rifaine. Ils étaient 120 résistants.
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    Une fois qu' Ilyas les a informé que le moment d'en découdre est arrivé, les participants à la réunion clandestine se dispersèrent  Chacun pris la direction du lieu d'attaque qui lui est assigné. Ilyas se dirigea avec un groupe armé vers les cascades, objet d'une surveillance sévère:
    " Un détachement militaire se dirigeait vers la forêt. Ceux qui s'y cachaient s'enfuirent. C'est à ce moment là que nous avons attaqué le bureau des affaires indigènes. Dkhissi Ahmed était le chef de la cellule qui s'est attaquée à la caserne des forces auxiliaires. Cinq résistants parmi lesquels Maghis Mohamed Ou Aqqa - qui a défoncé la porte du dépôt d'arme - ont attaqué l'armurerie, qui était sous la garde de quelques soldats, qui se sont enfuis par la fenêtre et se mirent à tirer sur les  résistants, tuant sur le coup mon frère Maghis Mohamed Ou Aqqa."
    Les assaillants s'emparèrent du poste d'Immouzar-des-Marmoucha : le magasin d'armes permit aux résistants de récupérer 300 fusils mortiers 60, plusieurs fusils mitrailleurs et plusieurs dizaines de pistolets mitrailleurs. Cependant la plupart de ces armes étaient inutilisables parce qu'on avait pris la précaution de leur retirer les culasses.
    "Dés le début de l'attaque, le gardien a tiré en direction des Moujahidines. Mais une des balles de ces derniers le tua sur le coup. Les Moujahidines ont occupé la caserne jusqu'au matin. Quant à l'attaque du garde forestier, elle a aboutit à la mort de ce dernier ainsi qu'à celle de sa femme. Chevauchant leurs bêtes de somme, deux indicateurs - il s'agit du suppléant du Cheikh et du directeur de la coopérative agricole - quittèrent la localité et se dirigèrent vers le village de Serghina, de là ils se rendirent à Boulman où ils informèrent le commandant de l'attaque infligée au bureau des Affaires Indigènes d'Immouzar. Informée, l'état major de Fès envoya immédiatement un avion de reconnaissance, suivi de bataillons de tanks et d'artillerie."
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    "Notre occupation du bureau des Affaires Indigènes dura jusqu'au matin du 2 octobre 1955. C'est alors qu'au ciel les avions firent leur apparition. Nous nous sommes empressés de libérer les prisonniers,leur disant :
    « Aujourd'hui, il y aura un soulèvement général dans tout le Maroc ! »
    Nous leur avons ordonné de rejoindre leurs hameaux, pour y inciter leurs familles à rallier la résistance. Dés le levé du soleil, des dizaines d'individus, hommes et femmes, affluèrent de partout vers le centre d'Immouzer."
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    Il était 8 heures du matin, le 2 octobre 1955, quand apparut au ciel un avion français en provenance du Sud-Ouest. La fumée s'élevait encore au dessus du village. L'avion a tournoyé plusieurs fois au dessus des villageois avant de repartir vers sa base arrière. Quinze minutes plus tard, cinq avions se mirent à bombarder les positions où se sont regrouper les habitants. La résistance a combattu avec courage jusqu'à 14 heures, où sont apparu les forces terrestres avec tanks et colonnes en provenance des bases militaires de Fès et de Meknès.
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    « La Vigie Marocaine » du mardi 4 octobre 1955, titre  ainsi « le calme est revenu à Immouzer-des- Marmoucha, où de nouveaux morts ont été identifiés » et l'auteur de l'article de poursuivre :« Le calme est revenu ce matin entièrement à Immouzer-des- Marmoucha après la tragédie de la nuit de samedi à dimanche. Quelques rares journalistes ont pu atteindre la petite cité martyre grâce à des convois militaires qui assurent les liaisons entre Boulmane et Immouzer d'où aujourd'hui tous les blessés et tous les morts ont été évacués. D'après les témoins qui ont pu être interrogés, c'est à la faveur d'une nuit claire que les assaillants ont rampé lentement vers les maisons dans lesquelles en toute confiance, reposaient les familles. Ce fut alors brusquement en plein sommeil, un épouvantable cauchemar pour les victimes de scènes atroces dont certaines ont tenté d'échapper en se dissimulant dans les pièces retirées des appartements, où finalement, elles succombèrent.Des meubles ont été éventrés, calcinés, les fils téléphoniques ont été coupés et les machines à écrire du bureau des affaires indigènes, lui-même incendié, ont été brisé contre les rochers. Décor de tragédie également dans la villa du capitaine Chaussier dont la femme et les deux enfants ont été massacré.Il semble que les assaillants dont certains se trouvent encore dissimulés non loin d'Immouzer et tiraillent parfois, aient été armés minutieusement par les soins d'approvisionneurs auxquels s'intéressent particulièrement les enquêteurs. Interrogé à Fès par un journaliste américain, le général Bertron a déclaré que vendredi dernier, lui avait été signalé la présence d'un commando venant de la zone espagnole qui se trouvait au sud de Mezguiten, mais dont la trace a été perdue. Le général Bertron a précisé que le commandos était armé de carabines espagnoles. Le général Bertron a encore déclaré qu'à la suite des évènements qui se sont produit en tribu le 2 octobre, une certaine nervosité s'est manifestée au sein de la population européenne de la ville de Fès. »
    Chez lui, le commandant d'Imouzzar fit face à trois maquisards Marmoucha . L'un était de la fraction Benaïssa, les deux autres étaient des Aït Makhlouf, la fraction d'où est issu Mimoune Ou Aqa. Le commandant en faucha deux à la mitrailleuse. Ils moururent sur le coup. Les combats se poursuivirent ainsi, jusqu'à la fin de l'après midi. Les tanks arrivaient. Les militaires arrivaient. Ils étaient accompagnés des tribus qui encerclent les maquisards. Ceux-ci prennent le maquis en escaladant les montagnes environnantes et en suivant leurs  crêtes jusqu'à Nador. En première page,« La Vigie Marocaine » du mardi 4 octobre 1955, sous le titre « Nos troupes traquent les groupes rebelles », écrivait :
    «  Chassés des postes qu'ils avaient occupés et incendiés les hors - la - loi se sont engagés dans la montagne où sont maintenant engagés des opérations de nettoyage. La révélation que fit hier, à sa conférence de presse le général Bertron, frappa tout le monde de stupeur. Ce furent trois commandos de la zone espagnole qui, à 400 kilomètres du sud du Rif, menèrent la première attaque surprise de nuit sur le poste d'Immouzer-des-Marmoucha et massacrèrent les européens de ce centre. Qu'une telle infiltration soit possible, c'est certain, mais on juge par là même de l'audace d'un plan qui fit infiltrer si loin de son centre de départ une telle troupe et son armement, vraisemblablement par Mezguiten, Guercif et Berkine. »
    Un autre article de ce même journal en date du lundi 10 octobre 1955, écrit sous le titre « des bandes rebelles des Marmoucha tenteraient de rejoindre les groupes du Nord » : « Dans le secteur sud en pays Marmoucha et Berkine, on signale de ce dernier centre, la soumission d'une fraction des Aït Makbel, comportant un millier d'habitants. Cette reddition a eu lieu hier, vers treize heures trente.
    Un fusil - mitrailleur et deux fusils anglais ont été rendu par les Aït Smint à Berkine hier après midi »
    En réalité les Aït Makbel et les Aït Smint sont des transhumants montagnards Bni Waraïn. Ce qui veut dire que de son côté Ben Qaddour chargé par l'Armée de Libération de l'attaque de Berkine, a finalement réussi à rallier à sa cause, ces tribus Bni Waraïn.
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    « La Vigie Marocaine » du vendredi 7 octobre 1955 annonce que « les rebelles Marmoucha rendent leurs armes ». Selon cette publication :
    « Le bilan des armes  rendues par la fraction Marmoucha ayant fait leur soumission est la suivante : armement français( qui avait été volé pendant l'attaque du poste) 110 fusils et mousquetons ; 6 fusils mitrailleurs ; 7 pistolets mitrailleurs ; 7 pistolets automatiques ; une mitrailleuse ; 2 bazooka ; un pistolet signaleur et un mortier.Armement étranger : 4 fusils anglais ; 2 fusils mitrailleurs anglais ; 4 pistolets automatique Allemand. »
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    Les fuyards prirent la direction de l'oued Melellou, dans une région entièrement couverte d'alfa, où ne pousse aucun arbre. De peur d'être repérés par les avions , Ilyas Mimoune Ou Aqqa ordonne à ses camarades de se terrer, en creusant des trous et en se recouvrant d'alfa de manière à demeurer invisibles aux militaires Français qui les poursuivaient. Vers 8 heures, Saïd Ou Qasso, qui était chargé de la surveillance, vint les avertir, que les Tanks ennemis arrivaient du côté de Taza, de là même où ils comptaient traverser en direction de Nador dans le Rif. Ils comprirent alors qu'ils étaient dénoncé par un certain Mzroud ,qui avait déserté  leurs rangs. Après l'éloignement des tanks ennemis et à la faveur de la nuit et du brouillard accompagné d'averses ; une galette de seigle est remise à chaque groupe de cinq combattants. Ils passèrent ainsi la nuit dans la forêt et au levé du jour, ils poursuivirent leur marche vers Nador où un commandant espagnol les convoqua pour leur dire :
    -  Maintenant vous pouvez rentrer chez vous. Vous avez notre garantie. »
    -  Nous ne reviendrons chez nous, qu'après le retour du Roi, lui répondit Mimoune Ou Aqqa. Car nous avons un grave litige avec les Français. Si vous, espagnols vous respectez vos engagements, nous devons rester ici jusqu'à ce que notre retour soit assuré.
    -  D'accord. » Leur répondit le militaire Espagnol.
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    " La déposition de Mohamed V était à l'origine de l'insurection
    « C'est ainsi que nous sommes restés à Nador jusqu'au retour du Roi. Et c'est là que nous sommes rentrés chez nous. Nous avions fêté Abbas Messaâdi, ici même à Immouzar - des - Marmoucha où il nous a déclaré :
    « Si je savais que vous alliez faire tout cela, je serais venu avec vous. Maintenant, soyez en paix par la grâce de Dieu, vous qui n'avez pas trahi. »
    « Il n'y a pas de traîtres parmi nous, lui rétorqua Mimoune Ou Aqqa. LesMarmoucha sont tous fidèles au Roi. Ils sont tous des nationalistes. A l'indépendance du Maroc, on m'a désigné caïd à Beni Mellal, et mon ami caïd à Missour. Les autres ont rejoint soit les Forces Armées royales, soit les Forces Auxiliaires. Depuis lors, nous sommes restés là, sans que plus personne ne demande de nos nouvelles." Des cocus de l'histoire? Is ont risqué leurs vies et celle de leurs familles, Ilyas y avait laissé celle de son frère Maghis qui aurait pu vivre centenaire comme lui, pourtant "depuis lors" plus personne n'a demandé de leur nouvelle, plus personne ne sait où se trouve Immouzer des Marmoucha qui continue à ronronner au milieu des ruines des vieilles bâtisses de la colonisation....
    En 1956, Abbas Messaâdi et Sanhaji s'occupaient des commandos comme avant. Bien que certains éléments abandonnèrent le front pour rejoindre les villes les plus proches, le gros de l'Armée de Libération demeurait à ses postes et obéissait à leurs anciens chefs de Nador. Sanhaji fut convoqué au Cabinet Royal à Rabat le 9 juin 1956 à 9 heures. Avant de quitter Nador, il fixa un rendez-vous à Abbas à Taza pour le 8 juin 1956. Sanhaji l'attendit au domicile du gouverneur comme prévu jusqu'à 11 heures. Les deux responsables se rencontreront non loin de Taza où Sanhaji fit savoir à Abbas Messaâdi son départ pour Rabat. Mohamed V lui proposa alors  d'aller en pèlerinage à la Mecque. Sanhaji fit savoir au Souverain que : « les circonstances actuelles ne me permettent pas d'effectuer le pèlerinage. L'armée de libération est convoitée par les partis politiques qui cherchent à l'exploiter à des fins personnelles. »
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    Pendant que Sanhaji se trouvait à Rabat, Abbas Messaâdi souffrant, se rendit à Fès pour consulter un médecin. Il se dirigea chez Belcadi à Bab El Khokha. A peine installé, il fut invité par Hajjaj qui était un ancien résistant à Casablanca et avait rejoint Tétouan comme réfugié politique. Après la déclaration de l'indépendance, il devint chef d'un commando qui opérait dans la région de Fès et obéissait au parti de l'Istiqlal. Abbas fut donc invité par Hajjaj au domicile de El Haj Ben Allal, membre très influent du parti à Fès. C'est dans cette maison qu'il fut arrêté par un groupe de personnes qui le transportèrent à Aïn Aïcha. Abbas Messaâdi dut succomber en cours de route : sa dépouille fut retrouvée inhumée dans un champs à Aïn Aïcha, dans la région de Taounate au Nord de Fès. Selon Mellal  Qaddi, qui fut envoyé par Abbas Messaâdi  à Casablanca, le 25 juin 1956 pour faire des achats au profit de l'Armée de Libération Nationale :
    « Abbas fut enlevé à Fès et les kidnappeurs prirent la direction de Taounate. Aussitôt j'ai téléphoné à Nador à Sanhaji que j'ai trouvé dans une colère extrême. Il me fixa un rendez vous à Taza le lendemain matin., soit le 28 juin, chez M'hamed khyari, gouverneur de Taza, qui était leur ami. »
    A Taza, Sanhaji pria le gouverneur de contacter le gouvernement ou directement le Roi, pour que l'affaire Abbas Messaâdi soit considérée dans les quarante huit heures. Autrement, ce serait à l'Armée de Libération de régler le problème à sa façon. Surprise ! L'arrivée du Prince Moulay Hassan fut annoncée. Il fallait se dépêcher pour l'accueillir à la base de Taza. Effectivement, SAR débarqua en secret et sans escorte de l'avion, accompagné de Driss M'hamdi ministre de l'intérieur. Il portait la tenue kaki et la casquette de Général. Le gouverneur lui présenta alors Sanhaji et Mellal. Tous les cinq prirent la direction de la préfecture de Taza. Dans une salle de la préfecture, le Prince s'adressa aux quatre hommes en ces termes : « Messieurs, Sa Majesté le Roi Mohamed V désire que le calme et la paix règnent dans la région et que l'Armée de Libération intègre les fonctions publiques et les rangs des Forces Armées Royales du Maroc indépendant. Quant à l'affaire Abbas, elle sera réglée par moi-même. »
    Selon le témoignage de Mellal Qaddi :
    « Au cours de l'interrogatoire des suspects arrêtés du commandos de Mohamed Hajjaj, deux éléments qui avaient participé au meurtre, passèrent aux aveux.. Il s'agissait d'un certain M'barek Marzouki et d'Ahmed Mounir qui indiquèrent l'endroit où feu Abbas Messaâdi était enseveli. C'était à Aïn Aïcha, neuf kilomètres au Sud de Taounate, dans un champ fraîchement labouré où on trouva le corps de la victime couvert de mottes de terre. On le déterra, déjà en décomposition avancée, et on le mit dans une couverture. On trouva la voiture du martyre au fond d'un ravin, elle était balancée certainement du haut d'une pente raide. Abbas Messaâdi sera finalement enterré à Fès. En signe de reconnaissance, le Prince attribua au martyre Abbas Messaâdi, le grade de commandant à titre posthume. »
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    Compagnon de route à Nador et au bord de la Moulouya, le chef de la zone Oranaise, l'Algérien Larbi Ben M'hidi fut lui aussi capturé et assassiné le 23 janvier 1957, dans « la bataille d'Alger » confiée à la dixième division parachutiste du général Massu. Avec la disparition de Abbas Messaâdi et de Larbi Ben M'hidi, ce sont deux des plus hautes figures historiques de la résistance Maghrébine qui disparaissent ainsi mystérieusement à l'aube de l'indépendance, en pleine lutte des clans pour la prise du pouvoir.

    20 mots arabes en voie de disparition


    Voici les 20 mots arabes
     en voie de disparition selon Raseef 22:

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    La Première Guerre du Rif : l'Offensive Franco- Espagnole.


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    1926, le Rif isolé par des postes militaires Français du reste du pays
    Dans son Istiqçaâ, l'historien Ennaçiri, écrivait :« Face à l'Europe, nous sommes comme un oiseau sans ailes sur lequel fond l'épervier. »Ils furent deux éperviers à fondre sur le Maroc en 1926, lors de l'offensive franco - espagnole dans le Rif.
    Après le désastre d'Anoual, Lyautey écrit à d'Ormesson que ses craintes sur le Rif, forts anciennes, n'étaient que fort fondées :« D'un mot, écrit-il, sache que la chose est grave, c'est la caractère national qu'a pris le mouvement. Son chef Abd el krim est un Monsieur très européanisé, qui sait ce qu'il fait, tient son monde, dispose d'une vraie armée et déclare l'indépendance du Rif."
      
    Lyautey avait espéré jusqu'au bout qu'il pourrait ramener Abd el krim dans le giron du protectorat. Pétain lui, voulait liquider militairement le soulèvement en liaison étroite avec l'Espagne.
    Lyautey a compris le ressort dont joue Abd el krim, il ne s'agit pas d'un classique chef de tribu en rébellion contre les français. Il s'agit d'un nationaliste, formé à l'école de l'occident qui s'apprête à utiliser le levier des traditions locales non plus comme un facteur d'ordre - mais comme un facteur de désordre. Il est comme le négatif de Lyautey : un prestige foudroyant se dresse contre le sien.
    Un des atouts de Lyautey est l'aviation : arme encore naissante qui trouve dans l'insurrection du Rif, un terrain d'expérimentation sans égal.


    « Un nombre considérable d'avions nous survolaient, et bombardaient les positions des Moujahidines par des bombes à gaz asphyxiantes qui décimaient nos rangs par leur poison. » raconte Mohamed Azerkan, l'un des principaux lieutenants d'Abd el krim.
    Les bombes contenaient des produits chimiques rayonnant à effet néfaste sur leur santé et leur corps. Rive droite de l'oued Amkran. On l'appelle « Amkran », c'est-à-dire, la grande rivière qui se jette en Méditerranée. Un vieux rifain que nous y avons rencontre se souvient encore: " Il y a par ici des grottes où se réfugiaient les combattants lors des bombardements aériens espagnols.: "Lors des bombardements aériens, nous étions ici. On s'était réfugié là bas dans les grottes. Les avions nous bombardaient. Les bombes étaient petites. On ne pouvait rien faire. Et dans l'eau de l'oued, à la source de l'oued, où nous nous désaltérons, quand tu y laves tes mains ; l'eau est empoisonnée que Dieu nous préserve !"
    Le gaz de type moutarde fourni par la France, est utilisé pour la première fois par l'aviation espagnole contre les populations civiles du Rif.
    Peu après le désastre d'Anoual et l'écroulement de tout le commandement militaire de Mililla, en juillet - août 1921, les voix  commencèrent à s'élever dans toute l'Espagne - dans la presse, au Congrès - qui réclamaient l'utilisation de tous les moyens offensifs nécessaires, incluant les gaz toxiques, pour en finir avec le mouvement d'Abd el krim, dominer entièrement la zone par les armes et infliger aux rifains un dur châtiment. Dans un article de la correspondania militar (5 septembre 1921), le député parlementaire Crespo de Lara se lamente au sujet de la lenteur ave laquelle s'organisait l'aviation militaire et pourquoi elle n'avait pas encore commencé à employer les gaz asphyxiants. Dans la correspondance télégraphique entre, le ministre de la guerre, le Vicomte de Eza et le Haut commissaire le général Berenguer, en date du 12 août 1921, le premier manifestait qu'il était en train de s'acheter « des composants de gazes asphyxiants pour leur préparation à Melilla », et le second à les emploierait contre les rifains avec « véritable plaisir », pour ce qu'ils avaient fait. La décision de les utiliser paraît remonter à août 1921, peu après le massacre le 9 de ce mois des soldat espagnols à Jebel Aroui comme le rapporte le caïd Haddou dans une lettre à Abd el krim datée du 24 juillet 1922 :« Je t'informe qu'un bateau français a transporté 99 quintaux de gaz asphyxiant pour le compte des espagnols. »
    A l'heure où le marché du mercredi d'Ajdir grouillait de monde, les obus commencèrent à tomber depuis le rocher de Nokour. Le débarquement franco - espagnol dans la baie d'Al Huceima eut lieu du 6 au 8 septembre 1926. La division française de l'amiral Hallier, avec le cuirassier Paris, a été mise à la disposition du commandement espagnol. Elle bombarde les organisations de la côte orientale de la baie, pendant que l'escadre espagnole assure la protection immédiate du débarquement.
    Un vieux rifain que j'ai rencontré à  Ain Zorah chez les Metalsa se souvient encore : «  L'homme qui me racontait la guerre du Rif, était âgé de 80 à 90 ans. Je travaillais chez lui comme maçon. Il me racontait l'offensive franco-espagnole chez les Metalsa et dans le Rif. Ils s'étaient préparé et mis d'accord pour exécuter le plan suivant : les français viendraient de Taourirt, et les espagnols de Melilla et de Nador, pour se retrouver ici à Aïn Zorah. Une fois arrivés sur place,les espagnols  s'étaient établi à Talaïnt, et les français à Aïn Âmar.
    Il me disait : une fois qu'ils nous ont occupé, nous n'avons pu plus rien faire. Etaient arrivés chez nous trois gradés ; l'un était capitaine et les deux autres des commandants.
    - Que désirez vous ? Nous ont-ils demande en arabe.
    - On est pour le « pardon », leur avons nous repondu. On ne vous fera plus la guerre, ni à la France, ni à l'Espagne.
    - O.K, aquiessa- t -il; tôt demain ou après demain, chaque foyer doit déposer ici ses armes. Et chaque arme doit être muni de 40 réaux.
    - S'il vous plait, pour ce qui est des armes, on peut vous les remettre dés ce soir. Quant à l'argent, ce laps de temps n'y suffira pas. Il faut nous accorder un délais.
    - De combien de temps avez-vous besoin ? Nous demanda - t - il.
    - Accordez nous deux mois.
    - Non, nous rétorqua -t-il. Je vais vous accorder cinquante jours.
    - Ils ne nous suffiront pas.
    - Ecoutez, nous dit-il, il ne faut plus revenir la dessus ! ça sera 40 jours ! Un réau pour chaque jour.
    Nous avons commencé à rendre les armes, chaque arme munis de 40 réaux  . Ceux qui refusaient de s'exécuter étaient torturés de cette manière : on enfonçait leur tête dans un récipient rempli d'eau salé, et on se mettait à les bastonner. »
    Depuis l'occupation Francaise le Rif est encercle de camps militaires comme celui au sud de Taza qui etait desservi par train comme s'en souvient cet habitant du cru:
    - Ce train reliait Guercif à Midelt. Les voyageurs n'étaient pas transportés dans des wagons comme aujourd'hui. Il voyageaient sur le toit du train : les marchandises d'un côté, les gens de l'autre.Mon père, que Dieu ait son âme, travaillait au chemin de fer,Ici - même. Je l'avais accompagné à Guercif. Je m'en souviens comme si c'était aujourd'hui. C'est vers les années quarante qu'ils avaient enlevé les rails. Plus précisément en 1938 - 1939. Je les vois enlever les rails comme si cela se passait aujourd'hui - même. Ils avaient leur quartier ici ; avec la légion française, les tirailleurs Sénégalais, les goumiers. Il y avait là  de quatre à cinq compagnies. Ils étaient restés longtemps ici. Et un beau jour des années quarante, ils ont décampé d'ici, et je ne sais plus où ils sont partis.
    Tout le long de la frontière qui sépare la zone française de la zone espagnole, Pétain mobilise les casernes militaires établies par la France lors de son occupation du Maroc au début du 20ème siècle.
    Des renforts militaires arrivent de France et d'Algérie et prennent position aux portes du Rif ; à la kasbah de M'soun, à celle de Mérada au bord de la Moulouya d'où s'envolent les escadrilles, à Camp Berteaux, et camp Aïcha chez les Béni Zeroual. A Paris, le haut état major fait prévaloir une autre conception des choses ; la guerre totale, l'éradication d'Abd el krim. On n'est plus dans la logique du protectorat, mais celle des colons, de l'expansion impérialiste à l' « Algérienne ».
    Dans ses lettres à propos de l'offensive dans le rif en 1925, le lieutenant Joubert écrit :
    « Nous sommes très près des côtes comme pour mieux les voir. Je les connais déjà ces côtes rouges arides, sauvages, des rochers à pic sur la mer très bleue, nulle habitation que la maison du gardien du phare, c'est un paysage grandiose sous le soleil, un décore pour des contes fantastiques. L'air est doux, c'est le calme et la solitude.
    L'offensive a commencé le 12 avril 1925, par une souga chez les Béni Zeroual, à la zaouïa d'Amjout ; ils nous lâchèrent en partie.
    Abd el krim voulait le chemin de Fès. Vous pensez quelle victoire pour lui de prendre la ville sainte, la capitale intellectuelle. C'était la reconnaissance certaine de sa puissance, puis de son autorité ; c'était notre défaite. »
    Les rifains ne relâchent pas leurs efforts. Dans la nuit du 30 juin 1925, des éléments avancés coupent la voie ferrée pendant quelques heures aux environs de Sidi Abdellah. C'est seulement l'arrivée des renforts de France et d'Algérie qui permettent de rétablir la situation.
    La menace sur l'Innaouen se précise dans les derniers jours d'avril, les guérilléros d'Abd el krim pénètrent chez les Branès et multiplient leurs attaques contres les postes et les auxiliaires.
    Quand Abd el Krim est arrêté par Lyautey devant Ouazzane et l'Ouergha ; il essaie de rompre les lignes françaises à l'Est, de manière à atteindre Taza.
    Dés le 23 juin 1925, Abd el krim entame une violente offensive à laquelle sont consacrés ses meilleures troupes. Les contingents des tribus sous domination française ne tardent pas à rallier les combattants  rifains. Des Tsoul et des Branès, dont le territoire est occupé, passent du côté des combattants rifains, au début de juillet 1925.
    Au début de l'attaque rifaine, en 1925, le colonel Combay ne dispose que de forces très réduites pour protéger Taza :
    «  A ce moment, souligne -t-il, la situation est angoissante ; la communication avec l'Algérie semble sur le point d'être coupée. Kahf El Ghar a été pris par les rifains, le 19 juin 1925. Les postes de Bou Haroun et de M'sila sont encerclés et subissent de rudes assauts, le premier écrasé par le canon, tombe le 2 juillet, sans qu'on puisse lui porter secours. La dissidence gagne chez les Tsoul. On envisage un instant l'abandon de Taza, mais après un conseil de guerre tenu le 4, le général Lyautey ordonne de garder la ville à tout prix, quitte à évacuer la population civile.
    Abd el krim menace Fès, dont il annonce la prise pour 1925. Le maréchal Pétain inquiet de cette poussée puissante du nationalisme, obtient le départ du maréchal Lyautey, hostile à une coopération avec l'Espagne.
    Le maréchal Pétain reçoit très vite le commandement des opérations ainsi que des moyens et matériels sans précédents - l'ensemble des troupes françaises au Maroc atteindra 150 000 hommes.
    Les conversations franco - espagnoles commencent le 17 juin 1925. Lors de la rencontre le 28 juillet entre Pétain et Primo de Rivera, le principe d'une riposte commune sévère est arrêté. La guerre franco - espagnole du Rif commence.
    De son vivant, Abd el krim avait une prison. Ici même ! Pour celui qui refusait d'aller combattre, et d'acheter armes et munitions de ses propres deniers. S'il ne s'exécute pas ; la prison ! La bastonnade ! Cela se passait là bas dans cette maison. La maison que vous avez vu et visité. C'est là ! Lui aussi, il avait aussi un téléphone. Le téléphone le reliait d'ici à Sidi Driss. L'endroit dénommé Sidi Driss. Il parlait à ses adjoints.  Mais son vrai téléphone, c'était l'homme : d'ici à Bou Dinar, de Bou Dinar à Anoual, d'Anoual à un autre endroit plus loin. Le message était porté uniquement par la voix humaine. Celui-ci rapporte sur celui- là. C'était un leader. Il avait combattu sur la voie de Dieu. Que Dieu ait son âme.
    Abd el krim tentait la jonction entre le Rif et le Moyen Atlas via le couloir de Taza. Dans ses « Lettres du Maroc », le lieutenant Joubert écrit : « Vers le 23 mai 1925, nos premiers renforts arrivaient. Abd el krim avait perdu la partie. Alors, il changea d'objectif et concentra ses efforts en direction de Taza. Il essayait par là, de joindre les Béni Waraïne et les dissidents de l'Atlas. C'était un beau plan, nous étions pris entre deux mâchoires d'une tenaille et nos communications avec l'Algérie étaient coupées. Mais Taza, ne valait pas Fès. »
    L'année 1926, d'après la relation de Mohamed Azrkane[1]
    « Durant près de quatre ans,la résistance Rifaine aux Espagnols s'est poursuivi d'une manière acharnée de jour comme de nuit. Et c'est finalement l'intervention française en faveur des Espagnols qui a permis à ces derniers de débarquer près d'Ajdir au cap Äbed à la frontière entre les Boukkouya et les Bni Ouariyaghel. Il y avait soixante navires espagnols et Français au large d' Ajdir, Un nombre considérable d'avions nous survolaient, et bombardaient les positions des Moujahids par des bombes à gaze asphyxiantes qui décimaient nos rangs par leur poison[2]. Tous les armes de destruction massives imaginables ont été utilisées[3]. Et malgré toute cette force de frappe, l'ennemi n'a pu débarquer dans la rade à l'Ouest du cap Âbed, que lorsque les 300 Moujahids l'ont dégarni sur ordre d'Abd-el-krim : vers 2 heures du matin, il a convoqué, le caïd Allal Lamrabti - mort quand les Espagnols ont commencé d'avancer vers Ajdir- pour lui ordonner de se diriger avec ses troupes vers les positions Gzennaya, menacées par l'avancée des Français sur le front Sud. Lorsque son ministre des affaires étrangères lui fait part de cette erreur d'appréciation concernant le système défensif Rifain, l'émir a regretté amèrement sa décision qui a facilité le débarquement des Espagnols , occupant ainsi un front de mer de huit kilomètre en face d'Ajdir. Les Rifains ont pourtant empêché les Espagnols de continuer d'avancer, et ces derniers se sont contentés de consolider les positions acquises. Au vu de ce débarquement espagnol sur la plage, et du rapprochement de l'ennemi des habitations, les Bni Ouariyaghel ont décidé de quitter les lieux avec leurs familles en direction de l'intérieur de leur  tribu, laissant derrière eux leurs terres et leurs  vergers, qu'ils n'avaient jamais quitté auparavant : il s'agit de mettre à l'abri du viol leur religion et leur famille, car les espagnols avaient la réputation de ne respecter ni l'une ni l'autre, une fois devenus maîtres des lieux. Ils ont surtout occupé les hauteurs qui surplombent la côte, là où vivent la plupart des Beni ouariyaghel. Du haut du mont dénommé « Salloum », de « Dhar Amghran » et du lieu dit dénommé Naqcha,  ils ont commencé à tirer sur tout ce qui bouge. Les Moujahids  leur ont malgré tout tenu tête durant une année entière.
    C'est durant cette période qu'ont eu les pourparlers d'Oujda qui ont précédé par leur échec l'offensive finale et la capitulation d'Abd-el-krim.
    Les pourparlers d'Oujda :
    C'est le 18 avril 1926, à Camp Berteaux, aux confluences de l'oued Zâ et de la Moulouya, qu'eût lieu le premier contact entre les délégués rifains et les délégués français et espagnols, qui s'étaient rendus dans ce petit poste, tandis qu'une nuée de journalistes s'abattait sur Oujda.
    Du côté rifain la délégation était représentée par Azerkan, Chedid et le caïd Haddou.
    Le général Henri Simon, chef des pourparlers, côté français, raconte :
    « Dans deux entrevues préliminaires à Camp Berteaux et à El Aïoun Sidi Mellouk, dans la première quinzaine de mars 1926, l'Espagne et la France ont posé en principe qu'en aucun cas, elles n'entreraient en relations officielles avec les rifains si ceux -ci n'admettaient pas tout d'abord : la soumission au protectorat, l'éloignement d'Abd el krim, le désarmement des tribus, et la reddition des prisonniers.
    L'ultimatum expire le 1er mai. L'assentiment des rifains n'ayant pas été donné ; le 7, les troupes espagnoles et françaises reprennent leur offensive. Sur le refus d'Abd el krim, la parole est restée au canon. C'est tout. »
    La discussion a été extrêmement serrée et a nécessité à plusieurs reprises, des interruptions de séance. Les délégués français et espagnols exigent , la prise en possession de gages territoriaux, l'échange des prisonniers, l'éloignement d'Abd el-krim, et le désarmement des tribus. A l'issue de ces premiers pourparlers les délégués Rifains, faisaient venir le correspondant de l'agence Havas et lui remettaient le communiqué suivant :
    « à la date du 18 avril, nous nous sommes réunis avec les délégations françaises et espagnoles au Camp - Berteaux. Les conversations ont porté sur six points principaux, parmi lesquels se trouvent :
    1.     la remise immédiate et avant tous pourparlers officiels des prisonniers.
    2.     l'avance des troupes espagnols et françaises vers des positions déterminées occupées actuellement par nos troupes
    Ces deux conditions ont fait l'objet de discussions laborieuses. Car si nous remettions les prisonniers et si nous acceptons l'entrée des troupes espagnoles et françaises dans une zone déterminée sans coup férir, et qu'ensuite n'intervienne pas un accord, nous serions trompés. De toute façon, nous avons sollicité un délais pour consulter l'émir Abd el-krim. »
    Après les résultats négatifs du contact officiel entre les délégués Rifains et les délégués franco-espagnols, Haddou a quitté lundi 19 au  matin le poste de Guercif dans l'avion mis à sa disposition par les autorités militaires françaises ; deux heures plus tard il était rendu à Tamassint, à 60 kilomètres au Sud d'Ajdir dans la plaine où sont les campements d'Abd el-krim.
    Faute d'accord les négociations d'Oujda ont été interrompues le 6 mai 1926.
    L'échec d'une dernière tentative de concertation avec Abd el - krim à Oujda détermine l'assaut final.
    L'offensive Franco - Espagnole :
    L'échec des pourparlers d'Oujda a entraîné immédiatement, l'offensive franco-espagnole : dés le 7 mai 1926 l'aviation entreprit sur tout le front des reconnaissances et des bombardements massifs sur les rassemblements et les centres importants, notamment sur le poste de commandement du Khamlichi à la Zaouia de Bou Ghileb . Dés le lendemain le 8 mai les troupes françaises et les troupes espagnoles commençaient une offensive conjuguée : les secteurs espagnols d'Alhuceima et de Melilla marchèrent en même temps que l'ensemble de la ligne française. Celles-ci avançait sur plusieurs axes simultanément :  à l'ouest depuis Ouazzan et Chefchaouen afin de couper les Jbala du Rif, et plus à l'Est depuis les Mernissa et Taza en direction du Kert.
    En réalité l'offensive Franco - Espagnole a commencé dés 1925 et a accompagné comme moyen de pression, les pourparlers d'Oujda, comme l'atteste la proclamation adressée d'Ajdir, le 15  août 1925,par Abdelkrim, aux peuples algériens et tunisien. On peut y lire entre autres :
    « Il ne peut venir à l'esprit d'aucun être sensé que nous fassions volontiers la guerre et prenions plaisir à faire couler le sang. Au contraire, et ce qui en témoigne, ce sont les conditions de paix excessivement modérés que nous avons soumises aux puissances : conditions dont le principe essentiel était la reconnaissance de notre indépendance. Si la France et l'Espagne acceptent tant mieux pour elles ; si elles refusent, tant pis ; le sort est toujours contraire à celui qui est injuste.
    Quant à la publication faite par ces deux Puissances, de leur ardent désir de conclure la paix, ce n'est qu'une tromperie et une ruse politique pour cacher leur véritable but : nous rendre responsable du prolongement des hostilités, égarer l'opinion universelle du monde musulman et berner leurs Nations qui ont été terrifiés par cette lutte où nous avons déployé nos qualités guerrières. La gratitude et la reconnaissance émue des peuples musulmans récompensent notre glorieuse conduite.
    Si ces deux nations étaient sincères, pourquoi verrions nous, aujourd'hui des concentrations de troupes - en nombre toujours croissant - aux limites même de notre pays ? Quiconque veut la paix n'ajoute pas aux atrocités de la guerre l'emploi des bombes asphyxiantes jetées jour et nuit par des aéroplanes sur les routes et les villes paisibles, tuant ainsi les femmes et les enfants dans leurs demeures. Quiconque veut la paix ne manifeste pas sa haine en incendiant les récoltes et en tuant le bétail ; c'est simplement supposer que de tels procédés nous réduiront à mourir de faim et nous amèneront à faire notre soumission.
    Ô musulmans, tunisiens et algériens ; ce qui nous est pénible de supporter, c'est de voir vos enfants contraints de nous combattre. Il nous est de même pénible d'être obligé, pour défendre notre indépendance, de nous trouver face à face, sur le champ de bataille, avec nos frères de race et de religion. Ce sont là des faits qui nous troublent profondément et nous remplissent de tristesse. Quatre cinquième  des troupes massées sur nos frontières et portant les armes contre nous sont composés de vos fils, ô nos frères,n'est-il pas de leur devoir de se retourner contre nos ennemis associés qui nous persécutent vous et nous, et de se servir contre eux de leurs armes ? Soyons unis pour libérer ensemble notre peuple de l'humiliation et nous obtiendrons notre indépendance.
    Musulmans, algériens et tunisiens, dans notre capital sont venus des députations nombreuses de Fès, Meknès, Marrakech, Tétouan et autres villes du Maroc, ainsi que de Tripolitaine, d'Egypte, de Palestine, de Syrie, de l'Irak, de Turquie et de l'Inde.. Chacun de ces pays nous a seouru matériellement et moralement ; nous les aimerons du fond du cœur...Musulmans algériens et tunisiens, le moment est venu pour tous les peuples musulmans, de briser les liens de l'esclavage, de chasser les oppresseurs et de libérer leurs territoires...Ô mes frères algériens et tunisiens, l'heure de notre délivrance du joug de la France est
    arrivée... »
    La maison qui servait de tribunal à Abd el krim chez les Temsamane appartenait à mon père et mon oncle. Ils avaient déménagé, vers une autre maison, à l'arrivée d' Abd el krim . Une fois tous les vingt jours ou une fois par mois, il venait des Béni Wariyaghel,pour juger les litiges en cours chez les Tamsaman .Un bombardement aérien l' a surpris un jour en pleine séance . Abd el krim et ses compagnons durent quitter précipitamment les lieux pour  se réfugier dans les grottes environnantes. Mais l'avion a pu les atteindre avant qu'ils ne  s'abritent. Il y eut des morts et des blessés,  Abd el krim n'a pu s'échapper que de justesse.
    L'échec des pourparlers d'Oujda a entraîné immédiatement, l'offensive franco - espagnol : dés le lendemain, le 7, le général Bouchit, commandant des forces françaises marcha sur Targuiste.
    La liaison étroite s'affirme sur terre comme sur mer. Mais après les premières opérations la jonction des deux fronts ne se fait pas comme prévu : du 17 septembre au 18 octobre , le maréchal Pétain demande en vain, à trois reprises, à Primo de Rivera, de réaliser la soudure sur le Kert. Dés le 7 mai 1926, l'aviation entreprit sur tout le front des reconnaissances et des bombardements massifs sur les rassemblements et les centres importants.
    Selon le récit de Mohamed Azerkane : « Les espagnols débarquent près d'Ajdir au cap Âbed à la frontière entre les Béni Bouqiya et les Béni Wariyaghel. Il y avait soixante navires espagnols et français au large d'Ajdir. Et malgré toute cette force de frappe, l'ennemi n'a pu débarquer dans la rade du cap Âbed, que lorsque les 300 Moujahidînes l'ont dégarni sur ordre d'Abd el krim : vers 2 heures du matin, il a convoqué le caïd Allal Lamrabti - mort quand les espagnols ont commencé d'avancer vers Ajdir - pour lui ordonner de se diriger avec ses troupes vers les positions Gzennaya, menacées par l'avancée des français sur le front sud. »
    Lors qu'Azekane lui fait part de cette erreur d'appréciation relative au système défensif rifain, l'émir a regretté amèrement cette décision qui a facilité le débarquement espagnol.
    Vaincu, Abd el krim se réfugie à la zaouïa de  Snada, et consent à traiter si la France s'engage à protéger sa famille et sa fortune.
    Le chérif chez qui il a trouvé protection avise en grande hâte le colonel Corap de cette importante résolution, qui expédie à Snada ses deux adjoints, le lieutenant de vaisseau Robert Montagne et le capitaine Suffren.
    Abd el krim est un homme d'une intelligence et d'un caractère supérieurs. Même vaincu, acculé à la catastrophe, il demeure digne et grand. Il songe aux conséquences de sa capitulation, aux tribus qu'il a abandonnée. Il appréhende la colère de l'Espagne, avec laquelle il a de si terribles comptes à régler. Il cède enfin et écrit au colonel Corap cette lettre que l'histoire enregistrera :
    « J'ai reçu la lettre par laquelle, vous m'accordez l'aman. Dés maintenant, je puis vous dire que je me dirigerais vers vous.. Je sollicite la protection de le France pour moi et pour ma famille. Quant aux prisonniers, je prie qu'on les mette en liberté demain matin. Je fixerai l'heure de mon arrivée demain, avant midi ou à midi. » Mohamed Ben Abd el krim El Khattabi.
    La guerre du Rif a commencé à « Dhar Ouberran » en 1921. A partir de là, le baroud des Moujahidines n'avait pas cessé. Abd el krim est resté jusqu'en 1026. Puis il est parti pour ne plus revenir.
    Le 26 mai 1926, Abd el krim anxieux, saute à cheval. Il court à Kemmoun pour préparer l'exode des siens. Une automobile les portera à Taza. C'est la dernière étape. On devine à quelles lamentations, il est en butte, et quel déchirement, il doit éprouver. La partie est grave.
    Le 27 mai à 2 heures du matin, sous un magnifique claire de lune, dans la nuit toute embaumée de la senteur de cistes, Abd el krim monte à cheval. Les spahis l'entourent. Le silence est absolu. Il s'en va les yeux dans le vide...
    Abd el krim dira plus tard, dans une interview accordée au Caire, en 1954 :
    « Notre combat a donné aux rifains une fierté, un espoir, une confiance en soi qu'aucune défaite ne pourra effacer. Aujourd'hui, en 1954, la guerre du Rif a 33 ans. J'en ai 73 ans. Mais ni elle, ni moi, j'en suis certain, n'avons épuisé notre vigueur. L'aspiration à la liberté et la détermination de notre peuple dureront au - delà de la puissance de nos oppresseurs. »