Bi Fujian, populaire animateur chinois de télévision, est banni des écrans depuis qu’on l’a vu injurier. Le Parti exige une punition à la hauteur de ce crime de lèse-majesté.
On ne critique pas Mao Zedong. Pour avoir enfreint cette règle d’or, l’animateur de la chaîne de divertissement du réseau national CCTV, Bi Fujian, devra payer. En avril, une vidéo le montrant commentant l’œuvre du Grand Timonier en des termes peu révérencieux entre les couplets d’un chant révolutionnaire, lors d’un dîner privé, a fait son apparition sur les réseaux sociaux, mettant un terme à sa carrière. Après chaque strophe de La Prise de la montagne du tigre par stratégie, tirée d’une œuvre promue par le parti unique au cours de la Révolution culturelle, à l’heure où toute autre forme d’art était bannie, le présentateur vedette chante la destruction des réactionnaires, pour ensuite s’interroger : « Peut-on les combattre [les dirigeants du Parti] ? Sommes-nous condamnés à perdre ? »
Quelques mots l’inspirent particulièrement. « Le Parti communiste, le président Mao »... Bi Fujian coupe net : « Qu’on ne parle plus de ce fils de pute, il nous a infligé tellement de souffrances. » Le présentateur de « Boulevard des stars », une émission mettant en compétition des talents en chants et en arts traditionnels, a tenté dès le mois d’avril d’éteindre l’incendie, s’excusant sur son compte Weibo, le Twitter chinois. Ces remords n’ont pas pesé lourd. Si le Parti communiste chinois (PCC) a été contraint en 1978 de reconnaître des erreurs de Mao, il s’est surtout efforcé d’en rejeter la faute sur la Bande des Quatre – dont l’épouse du fondateur de la République populaire –, trouvant plus de positif que de négatif à son bilan.
« Un grand patriote et héros national »
Cette ligne a encore cours. En décembre 2013, un an après son ascension à la tête du Parti, Xi Jinping jugeait, à l’occasion du 120e anniversaire de la naissance de Mao, qu’il n’était pas seulement un « grand révolutionnaire prolétaire, stratège et théoricien », mais aussi « un grand patriote et héros national ». Pour celui qui est devenu, depuis, le président de la Chine, jeter la « bannière de la pensée de Mao Zedong » revient à nier « la glorieuse histoire du Parti ».
De fait, Bi Fujian, également célèbre pour ses apparitions dans le très populaire gala de la soirée du Nouvel An lunaire, n’a plus été vu à l’écran depuis avril. Un doute persistait toutefois sur son avenir médiatique.
La presse officielle a finalement fait savoir, dimanche 9 août, que son sort était scellé. Le Quotidien de l’inspection de la discipline, organe d’une puissante commission pilotée par Wang Qishan, un proche allié de Xi Jinping, a accusé le présentateur d’avoir « recouru au ridicule pour porter atteinte à l’image de l’ancienne génération du Parti communiste et au dirigeant d’Etat ». De son côté, le on ne peut plus officiel Quotidien du peuple a précisé que l’administration chargée de la supervision des médias attend de la CCTV qu’elle « inflige une punition sévère ».
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