Sabrina Pasterski devant des calculs de théorie quantique des champs en espace-temps courbe. |
Sabrina Pasterski sera-t-elle la digne héritière d'Albert Einstein ? C'est ce que l'université d'Harvard penserait de cette jeune prodige de 24 ans, dont le travail est déjà cité par Stephen Hawking et qui a construit un avion à seulement 14 ans. Nul doute qu'elle ira très loin... mais peut-on vraiment lui prédire un prix Nobel ?
Ce qu'il faut retenir
- Sortie major du célèbre MIT, une pépinière de Nobel, et en thèse à Harvard avec un des leaders de la physique théorique moderne, Sabrina Pasterski éblouit pas ses capacités qui lui ont permis de construire un monomoteur à 14 ans.
- Il serait toutefois présomptueux de la présenter comme une future Einstein, tant sont nombreux les exemples d'enfants surdoués en science qui ont fait de brillantes carrières mais n'ont jamais fait quoi que ce soit en mesure de révolutionner la physique. Le QI ne fait pas tout et la précocité n'est pas une garantie de génie.
Admise à 17 ans, en 2010, au célèbre MIT (d'où sont sortis Feynman et Wilson) sur recommandation d'un prix Nobel, elle en sort major quelques années plus tard avec un score maximal. Entrée à Harvard, elle termine en ce moment sa thèse avec Andrew Strominger, grand maître de la gravitation quantique, rendu célèbre en 1996 par sa dérivation de l'entropie des trous noirs à l'aide de la théorie des cordes en compagnie d'un autre luminaire de Harvard, Cumrun Vafa.
Il est d'usage pour un directeur de thèse de publier avec son étudiant(e) mais ici, il y a mieux. Alors que Strominger est co-auteur d'un article avec Hawking sur une nouvelle approche du problème du paradoxe de l’information avec les trous noirs (un des problèmes les plus profonds de la physique théorique), les deux physiciens citent un article écrit par Sabrina Pasterski en solo, ce qui est un tour de force.
Les premières lignes de son CV peuvent laisser pantois : entre 12 et 14 ans, l'adolescente a construit un monomoteur ! La performance, qui suppose incontestablement un QI peu commun, n'est pas passée inaperçue. Quelques années plus tard, la jeune fille a reçu une proposition d'emploi du patron d'Amazon, Jeff Bezos, passionné comme elle par l'astronautique et la conquête spatiale. Bref, il n'en fallait guère plus pour que les médias s'entichent du phénomène et la présentent comme la future Einstein, avérée ou potentielle.
Une vidéo impressionnante montrant la jeune Sabrina en train de monter son avion. Certes, le papa est pilote, ingénieur et avocat, et lui a confié ses outils et 36.000 dollars pour monter un kit de Zenith CH 601XL
Trop brillante pour un prix Nobel
Toutefois, elle est peut-être trop brillante, justement, pour avoir une chance de le devenir un jour. Le cas semble typique, et bien différent du profil d'Einstein. On peut citer nombre de parcours météoritiques similaires. Prenons par exemple le cas de Nathan Myhrvold, l'ancien directeur des systèmes d'information de Microsoft, dont Bill Gates a dit qu'il ne connaissait personne d'aussi intelligent.
Myhrvold est entré à l'université à 14 ans, passant plusieurs licences et masters en physique, mathématique, économie, géophysique pour finir par décrocher un doctorat de l'université de Princeton en physique théorique à 23 ans et faire un postdoc sur la gravitation quantique sous la direction de Hawking. Myhrvold a également publié dans Nature un article sur la paléontologie des dinosaures et est chef-cuisinier en cuisine française. Myhrvold a bien d'autres accomplissements à son actif mais rien qui puisse finalement lui permettre d'être un jour dans la catégorie d'Einstein, et de très loin.
Nathan Paul Myhrvold est clairement un polymathe et il détient plusieurs brevets. |
Un autre exemple très significatif aussi est celui de Stephen Wolfram. À 15 ans, il publie des articles dans le domaine de la physique des particules et décroche un doctorat à 20 ans au célèbre Caltech avec dans son jury de thèse Feynman lui-même, dont il est un ami.
À l'origine des fameux logiciels Mathematica et Wolfram Alpha, il a aussi été un pionnier dans le domaine des automates cellulaires, ce qui l'a conduit à proposer une nouvelle théorie fondamentale de la réalité dans son ouvrage A New Kind of Science. Mais celui-ci a été sévèrement critiqué par la communauté scientifique et, là non plus, il ne viendrait à l'idée à personne de placer Wolfram dans la catégorie d'Einstein.
Stephen Wolfram en plein exposé sur ses idées |
Sabrina Pasterski va incontestablement continuer à faire parler d'elle et rien n'empêche qu'elle laisse finalement un nom dans le domaine de la physique comme d'autres prodiges tels Marie-Curie, Fermi, Pauli ou von Neumann.
Mais n'est pas Einstein qui veut et il existe de nombreux autres exemples montrant qu'il ne suffit pas d'être un enfant précoce et d'avoir un QI hors norme pour cela. Des performances trop élevées dans ce domaine semble même plutôt de mauvais augure.
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