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Les Plantes carnivores

Une plante peut être qualifiée de carnivore quand trois critères sont réunis : attirer une proie, la capturer et la manger.
Il existe une grande variété de plantes carnivores dans le monde. Pourquoi des plantes sont-elles devenues carnivores ? Cette convergence évolutive d’espèces, à l’origine différente, a-t-elle un point commun ? 
Dans cet univers fascinant, le végétal devient prédateur et l’animal la proie. Pourtant, ce sont bien des plantes, mais qui ont su s’adapter pour survivre.
Les pièges utilisés par les plantes carnivores sont différents selon les espèces. Si certaines sont surtout insectivores, d’autres n’hésitent pas à piéger des mammifères comme le rat.

Portrait de la plante carnivore

Ces végétaux appartiennent à plusieurs familles dont voici les principales :
  • Broméliacées. Exemple : Brocchinia originaire d’Amérique du Sud
  • Dioconphyllacées. Exemple Triphyophyllum peltatum originaire d’Afrique
  • Lentibulariacées. Exemple Grassette à grandes fleurs (Pinguicula grandiflora) originaire d’Europe
  • Népenthacées : Exemple Nepenthes mixta originaire de l’Insulinde
  • Byblidacées : Exemple Plante arc-en-ciel (Byblis liniflora) originaire d’Australie
  • Céphalotacées. Exemple Cruche à eau d’Albany (Cephalotus follicularis) originaire d’Australie
  • Drocéracées. Exemple : Attrape-mouche de Vénus (Dionaea muscipula) originaire d’Amérique du Nord
  • Martyniacées. Exemple Griffes du diable (Ibicella lutea) originaire du continent américain
  • Sarracéniacées. Exemple : Plante cobra (Darlingtonia californica) originaire d’Amérique du Nord

Les plantes carnivores sont présentes sur tous les continents. Il en existe environ 500 espèces. Cette adaptation est très ancienne puisque l’on a retrouvé des fossiles datant d’environ 85 millions d’années.

Une des nombreuses espèces de grassette (Pinguicula sp.) 

Leur point commun est d’attraper et de digérer des proies pour augmenter leur apport nutritionnel.
En effet, ces plantes sont très bien adaptées aux milieux pauvres. Elles prospèrent essentiellement dans des sols pauvres en matières organiques.
On peut par exemple en trouver dans des lacs au pH acide, dans des savanes sableuses ou en milieu très rocailleux.


Ces plantes se développent des plaines côtières jusqu’en haute altitude, à plus de 3000 mètres. La majorité des plantes carnivores sont terrestres, mais certaines sont aquatiques telle que la plante aquatique à roue (Aldrovanda vesiculosa).
Toutes les plantes carnivores possèdent des fleurs, mais ce ne sont pas ces fleurs qui jouent le rôle de piège. Ce sont toujours les feuilles.
 Rossolis du Cap (Drosera capensis)

Il semblerait donc que certains végétaux soient devenus carnivores pour compenser la pauvreté du biotope. Les proies leur apportent notamment de l’azote et du phosphore.
Elles survivent d’ailleurs beaucoup moins bien sur des sols riches.

Les techniques de chasse des plantes carnivores

Des mécanismes variés permettent d’attirer les proies : feuille-mâchoire, glu, feuille-toboggan, nasse, mimétisme…)
On peut classer les pièges en deux catégories : les pièges actifs et les pièges passifs.
 Rossolis à feuilles rondes (Drosera rotundifolia)
est présente en Europe. Les feuilles
sont couvertes de poils glanduleux.
Parmi les pièges les plus caractéristiques, certains sont très subtils comme les pièges à urnes. Par exemple, les sarracénias attirent les insectes par leurs superbes couleurs et leur nectar.


Attirée par ce festin, la victime se pose en haut du cornet pour récolter le nectar. Mais, aussitôt, elle glisse, tombant au fond du cornet, et ne pouvant se rattraper tant les parois sont cireuses et garnies de soies rigides tournées vers le bas.
Le fond du piège est rempli d’un liquide garni d’enzymes.

 Trompette blanche (Sarracenia leucophylla)

La dionée utilise le système de la feuille-mâchoire. Lorsqu’un insecte se pose à l’intérieur de la feuille, il touche des poils qui commandent l’ouverture et la fermeture de la feuille. Le piège se referme en une fraction de seconde.
Ces feuilles mâchoires sont formées de deux lobes bordés de cils qui s’imbriquent, empêchant toute fuite.
La noyade est utilisée par d’autres espèces comme le Brocchinia. Les feuilles sont étroites et forment une sorte de gouttière. Cette plante d’environ 25 cm de haut ressemble à un cornet dans lequel l’eau stagne.
Les insectes viennent s’y noyer.
On trouve également des pièges à tentacules. C’est le système du papier attrape-mouche. Ces plantes sécrètent de la glu qui immobilise la proie. Les tentacules peuvent alors se recourber emprisonnant définitivement la victime dans la feuille.
Il n’y a pas que les insectes ou les fourmis qui se laissent prendre aux pièges de ces plantes. En 1987, on a eu la confirmation que les népenthès piégeaient des rats. Apparemment, les rongeurs voulaient s’abreuver et sont tombés dans les urnes dont ils n’ont pu ressortir.

Les pièges les plus sophistiqués des plantes carnivores sont les pièges à aspiration des Utricularia, des plantes aquatiques.
Elles ressemblent à des outres. Dès qu’un insecte se laisse piéger et pénètre dans l’ouverture, une aspiration rapide se produit.
Elle entraîne la proie et l’eau vers l’intérieur. L’utricule évacue ensuite l’eau et peut digérer sa proie qui s’est noyée.

La digestion de la proie

Les vraies plantes carnivores (Dicotylédones) possèdent des enzymes pour la digestion. Ces plantes sécrètent une ou plusieurs enzymes et peuvent assimiler leurs proies en quelques heures.
Par contre, les protocarnivores (Monocotylédones) utilisent des bactéries pour la digestion. Le fond des urnes contient des bactéries qui liquéfient la proie et libèrent les éléments nutritifs nécessaires à la plante.
Comme chez l’être humain, les plantes carnivores peuvent avoir des indigestions si la proie est trop grosse. Cette « indigestion » peut entraîner le pourrissement de la feuille à cause d’un excès de sécrétions enzymatiques.
Les parties dures des insectes ne sont pas digérées, car non dissoutes.
Majoritairement, les proies sont des mouches, guêpes, papillons et autres insectes ainsi que des araignées, des mollusques et plus rarement des petits batraciens.

Zoom sur quelques espèces de plantes carnivores

La dionée : une prédatrice du règne végétal
La dionée est au monde végétal ce que le tigre est au monde animal : une prédatrice. Dans cet univers silencieux où tout semble immobile, la mort rôde. Une mouche explore le cœur rouge d’une belle fleur blanche avec insouciance. C’est la dernière erreur de sa brève existence. Aussitôt les feuilles se referment l’anéantissant sans un bruit.

La dionée (Dionea) est originaire de Caroline du Nord et du Sud. Ses feuilles pivotent sur une sorte de charnière, des ressorts, qui ressemblent à des filaments, assurant la bonne marche du piège. Au milieu des feuilles épanouies, cette jolie fleur blanche laisse admirer son cœur rouge particulièrement attractif pour les insectes.

L’insecte vient aussitôt explorer la belle et se retrouve subitement enfermé dans un piège mortel.
Les feuilles qui se referment possèdent des bords dentelés, à la façon d’un peigne, qui s’emboîtent avec précision.


Lorsque l’insecte effleure l’un de ces ressorts, le piège se détend et les sucs digestifs de la plante entrent en activité.
L’ensemble du processus de digestion prend environ 10 jours. Puis la dionée ouvre de nouveau ses feuilles. Elle se débarrasse ainsi des débris indigestes de la proie, ailes ou écailles.
Elle est prête à accueillir une nouvelle victime.
Le népenthès : une plante carnivore odorante
Le népenthès est originaire d’Australie et des régions orientales de l’Amérique du Nord. Cette plante est munie de petits récipients en forme de cruche qui pendent de ses feuilles.
L’insecte est attiré dans le piège par le parfum exotique que dégage la plante.
Lorsqu’il s’aventure sur les rebords glissants d’un des réservoirs, il perd aussitôt l’équilibre et tombe dans un bain d’acide.

Des poils rigides, pointés vers le bas, lui interdisent de s’en échapper. La proie succombe bientôt, empoisonnée par les sucs digestifs.
L’utriculaire : un trappeur astucieux
Le plus remarquable des pièges végétaux est dû à l’utriculaire qui se rencontre habituellement dans les régions tropicales à la surface des étangs et des eaux dormantes.
Dépourvue de racine, cette plante dérive au gré des vents et des courants. C’est une plante longue et mince, avec des feuilles très ramifiées, dont chacune supporte environ une douzaine de petites vésicules.

Ces petites outres, les utricules, constituent les pièges : devant leur ouverture se trouve une « trappe » que l’on peut ouvrir du dehors, mais non du dedans.
L’insecte ne choisit d’ailleurs pas de pénétrer dans l’antre du monstre, mais y est aspiré.
Le droséra : un papier tue-mouches
Certaines plantes carnivores recourent à des systèmes différents. C’est le cas du superbe droséra d’Australie et d’Afrique du Sud (Drosera hamiltonia. Drosera spatulata).
Les droséras sont surnommés « rosées du soleil ». Drosera longifolia. 
C’est une plante odorante, mais dont la fleur recèle des charmes mortels. Son cœur, qui ressemble à une pelote d’épingles, renferme une colle extrêmement puissante.
Tout insecte qui s’y pose ne peut plus s’en dégager.
Alors les scintillantes têtes d’épingle s’enroulent autour de la victime et le festin commence.

Zoom sur les têtes d'épingle d'un droséra. 
La grassette feuillue procède d’une façon semblable. Quand une abeille ou un papillon s’y pose pour se nourrir, la plante exsude une substance gluante et capture l’insecte.
Puis, elle sécrète une enzyme digestive qui immobilise la victime. Enfin, les rebords de la feuille enveloppent la proie dans une étreinte mortelle.