LE PAYSAGE EDUCATIF MAROCAIN JUSQU’AU XXe SIECLE
L’histoire du Maroc montre que
l’enseignement a toujours été, dans le pays, une préoccupation prioritaire, une
source de réflexion sans cesse renouvelée, un choix de société constamment
affirmé.
Lorsqu’en 1912, les Français instaurent le Protectorat et mettent en avant leur souci d’assistance et de formation d’un peuple, ils ne s’imaginaient pas pénétrer dans un pays au passé éducatif si ancien et si riche.
Si les noms des universités de Bologne, Oxford, Cambridge, la Sorbonne, évoquent les institutions universitaires les plus anciennes et les plus prestigieuses du monde, les Français, découvrant le Maroc, lui reconnaîtront pourtant la paternité du joyau le plus ancien du patrimoine universitaire mondial : la Qaraouiyine de Fès, créée au IXe siècle et devançant ainsi de trois bons siècles sa cadette italienne de Bologne.
Lorsqu’en 1912, les Français instaurent le Protectorat et mettent en avant leur souci d’assistance et de formation d’un peuple, ils ne s’imaginaient pas pénétrer dans un pays au passé éducatif si ancien et si riche.
Si les noms des universités de Bologne, Oxford, Cambridge, la Sorbonne, évoquent les institutions universitaires les plus anciennes et les plus prestigieuses du monde, les Français, découvrant le Maroc, lui reconnaîtront pourtant la paternité du joyau le plus ancien du patrimoine universitaire mondial : la Qaraouiyine de Fès, créée au IXe siècle et devançant ainsi de trois bons siècles sa cadette italienne de Bologne.
En effet, à la veille du protectorat, 150.000 élèves fréquentent les écoles coraniques et 2.500 les médersas.
A l’âge de douze ou treize ans, les élèves les plus doués et les plus méritants pouvaient accéder au second stade de l’apprentissage dans une mosquée ou dans une zaouïa, où ils mémorisaient, utilisant toujours la méthode du « par cœur », les principes fondamentaux de la grammaire et du droit islamique.
Puis, si leur fortune le leur permettait, ils entraient dans une médersa
prestigieuse, ou à la Qaraouiyine elle-même, comme leurs
illustres ainés, savants et intellectuels du monde musulman, lesquels ont tous
effectué des stages, plus ou moins prolongés, à Fès, la capitale du savoir : du
géographe Al-Idrisi au médecin et philosophe Ibn Tofail,
Géographe Al-Idrisi |
Ibn Tofail |
en passant par le
voyageur Ibn Batouta et surtout le maître à penser du IVe siècle, Ibn Khaldoun.
Il est intéressant de noter l’effervescence et l’engouement suscités par les
études dans une médersa, et justifiés sans doute par les conditions
exceptionnelles qu’offrait cette dernière, aux chanceux qui la fréquentaient.
Réjouissances intellectuelles, certes, auprès des plus grands maîtres (mudarris), mais également hébergement, aide financière (bourses, prise en charge des élèves venant de l’extérieur par une riche famille de la ville) et divertissements mémorables : tous les ans, en effet, était célébrée la fête du « Sultan des tolbas »
Réjouissances intellectuelles, certes, auprès des plus grands maîtres (mudarris), mais également hébergement, aide financière (bourses, prise en charge des élèves venant de l’extérieur par une riche famille de la ville) et divertissements mémorables : tous les ans, en effet, était célébrée la fête du « Sultan des tolbas »
laquelle consistait à élire un étudiant qui,
fictivement, recevait tous les pouvoirs du sultan (avec son accord!!!), formait
un makhzen et une administration de parodie, dont les membres étaient chargés
de collecter les fonds nécessaires à l’organisation d’un grand pique-nique, au
cours duquel les étudiants parodiaient leurs professeurs et des personnages de
l’administration dans des sketches où ils jouissaient d’une liberté totale.
Liberté totale, mais de courte durée: le reste du temps, la médersa restait, et c’était là sa fonction première, un 1ieu d’étude et de recueillement. Et la colère du Sultan pouvait être terrible si des manquements à ces règles étaient observés: ainsi, la médersa Al Labbadine fut-elle démolie parce que des étudiants y avaient invité des jeunes filles.
Jusqu’au XXe siècle, l’enseignement au Maroc reste donc une affaire presque exclusivement masculine.
Mais, déjà, bien avant l’instauration du Protectorat français, le système éducatif marocain ne se limite pas aux seules institutions du royaume chérifien, mais coexiste avec des institutions d’origines très diverses.
Ainsi, le premier établissement juif de l’Alliance Israélite Universelle a ouvert en 1862 à Tétouan,
Liberté totale, mais de courte durée: le reste du temps, la médersa restait, et c’était là sa fonction première, un 1ieu d’étude et de recueillement. Et la colère du Sultan pouvait être terrible si des manquements à ces règles étaient observés: ainsi, la médersa Al Labbadine fut-elle démolie parce que des étudiants y avaient invité des jeunes filles.
Jusqu’au XXe siècle, l’enseignement au Maroc reste donc une affaire presque exclusivement masculine.
Mais, déjà, bien avant l’instauration du Protectorat français, le système éducatif marocain ne se limite pas aux seules institutions du royaume chérifien, mais coexiste avec des institutions d’origines très diverses.
Ainsi, le premier établissement juif de l’Alliance Israélite Universelle a ouvert en 1862 à Tétouan,
bientôt suivi d’autres dans les principales villes
marocaines. Les Français n’avaient pas non plus attendu le Traité de Fès pour
lancer le principe des écoles franco-arabes dans les villes et le plus souvent
dans les consulats.
En 1912 donc, les Français recensent les
institutions existantes, comparent leurs capacités d’accueil et de formation
avec les objectifs qu’ils se sont fixés en matière d’enseignement et mettent
peu à peu en place un système intégrant les données locales et les apports du
pays de tutelle.
Le
but annoncé est de généraliser l’accès à l’enseignement et de l’élargir à un
pourcentage plus conséquent de la population en âge d’être scolarisée.
Ce
point de vue est partagé par le Maréchal Lyautey
qui s’est toujours
personnellement intéressé aux questions relatives à l’éducation, et qui
souhaite former une pépinière de jeunes gens, médiateurs entre deux sociétés
qu’il souhaite faire coexister en harmonie. Ces derniers sont appelés à former
l’élite intellectuelle avec laquelle il entend coopérer.
Ainsi
s’ébauche, lentement, un système où la multiplicité et la diversité rivalisent,
mais où comme dans la période précoloniale, les jeunes Marocains ne trouvent
pas tous leur place. Les Français se heurtent, en effet, aux mêmes difficultés
que celles rencontrées les décennies précédentes par le pouvoir marocain et que
ce dernier devra de nouveau tenter de surmonter à l’Indépendance: difficultés
qui tiennent à une conjonction de facteurs (de l’accroissement de la pression
démographique à la diversité croissante de la demande scolaire), facteurs
qu’engendre une société en perpétuelle mutation et qui expliquent la trop lente
progression du taux d’alphabétisation
LE SYSTEME EDUCATIF
MAROCAIN SOUS LE PROTECTORAT
L’enseignement
organisé par les Français, au Maroc, demeure donc assez élitiste et ne recrute
souvent que des enfants issus des classes dirigeantes, dont les parents sont
associés à l’action du Protectorat : c’est le cas des « Ecoles de fils de
notables »,
qui devaient en principe délivrer un apprentissage fondé sur
les deux langues, arabe et français, mais où l’arabe n’apparaîtra en fin de
compte qu’à la fin de la deuxième guerre mondiale. Ces écoles, qui ne comptent
que 1.468 élèves en 1913, en accueillent 21.400 à la veille de la seconde
guerre mondiale, pour atteindre 314.800 en 1955.
Puis
les élèves accédaient au second cycle dans les collèges dits
« musulmans » créés par les Français, où ils bénéficiaient de
conditions pédagogiques de premier choix, qui permettaient aux meilleurs
d’obtenir le « Baccalauréat marocain ». Les effectifs de ces
établissements demeureront beaucoup plus limités, puisqu’ils comptent 608
élèves en 1938, 6712 en 1955. Par ailleurs, les lycées français, qui accueillaient
exclusivement des élèves européens, ouvrent leurs portes, à partir de 1944, à
des élèves marocains (12% des-effectifs en 1951).
Furent
créées également, mais avec beaucoup moins de moyens, des écoles urbaines pour
les enfants des classes moyennes et des écoles rurales franco-musulmanes, dans
lesquelles était délivrée une formation professionnelle. Là encore, les
effectifs restèrent limités (1.300 élèves en 1938, 7.500 en 1955).
Mais
la diversité ne s’arrête pas là : des écoles franco-israélites viennent
compléter le réseau déjà existant de l’Alliance Israélite Universelle, des
écoles franco-berbères sont créées dans l’Atlas ou dans les plaines du sud du
pays: « respecter la diversité de la population » disent les uns,
« diviser pour mieux régner », rétorquent les autres.
Parallèlement,
subsiste un système traditionnel marocain d’enseignement coranique;
apparaissent même des écoles privées musulmanes, symbole de la naissance du
mouvement nationaliste dans les années 30.
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